guess i may need your help ◇ Leevy

La nuit était bien avancée lorsque je regrimpa enfin dans ma voiture. Je m'étais rendu à une soirée organisée au bord de la mer, quelque chose de sympas pour profiter du temps clément et de l'été qui approchait désormais à grands pas. Ca avait été plutôt calme, suffisamment pour que je puisse prendre la route sans risque (je déconnais beaucoup moins avec l'alcool au volan depuis que ma petite soeur en avait fait les frais il y a des années de cela maintenant). Je me sentais à la fois vidé et excité, emplit de peu d'énergie, mais d'une bonne énergie, ce qui était déjà bien. Ma tête bourdonnait un peu et j'avais vraiment hâte de manger quelque chose et de me mettre au lit. Je pris la route et ma bonne énergie fut mise à l'épreuve au bout de quelques minutes. La voiture se mit à gronder un peu, signe que quelque chose était en train d'aller de travers et il me fallut un petit moment de réaction pour comprendre que j'étais en train de tomber en panne d'essence. Tout à coup, ma bonne humeur s'était volatilisée. Je préférais m'insulter mentalement, aussi incroyablement improductif que cela puisse être. Je resta comme un idiot, sur le bord de la route, dans ma voiture, durant un moment avec l'envie fulgurante de me donner de nombreuses baffes. Bon. J'allais devoir laisser la voiture et me faire conduire chez moi. Je me mordis la lèvre, toujours aussi exaspéré et sentant de plus en plus la fatigue peser sur moi. Je quitta le véhicule, me retrouvant au bord de la route, avec la mer s'étendant en face de moi. J'avais une belle vue, il y avait pire endroit où se retrouver coincé au beau milieu de la nuit, mais j'étais trop sur les nerfs pour en profiter. Je m'accouda donc à ma voiture et attrapa mon portable, commençant à passer en revue mon répertoire pour voir qui je pouvais bien déranger dans le coin.

J’avais toujours été du genre à agir avant de réfléchir, sans doute car j’avais l’habitude qu’on réfléchisse pour moi. J’étais un gosse pourri gâté et j’en avais conscience, je ne m’en cachais pas. Cette vie dépourvue de réels soucis m’avait rendu plus immature, moins réfléchis. Je fonçais toujours tête baissée, car j’avais le sentiment d’être invincible, d’être capable de me sortir de n’importe quelle situation, mais non. Parfois, la vie vous fou des battons dans les roues. Parfois, votre voiture tombe en panne et tout à coup, c’est comme si on vous retirait les rennes de votre vie. Tout à coup, vous êtes à la merci des autres et c’était le genre de situation qui m’agaçait prodigieusement. Rentrer de soirée et se sentir épuisé n'aidait bien sûr pas non plus. Je me sentais au bord de l'explosion quand au bout de quelques minutes une voiture s'arrêta. Une belle voiture. Je plissa les yeux, cherchant à identifier la personne. La vitre se baissa et je découvris Leevy, l'air satisfait. Visiblement, me voir ainsi l'amusait beaucoup, ça en faisait au moins une. « Tu attends que le soleil se lève pour faire bronzette ? » Je darda sur elle un regard noir, n'appréciant vraiment, vraiment pas. Je me sentais stupide et je détestais me sentir stupide. Que Leevy en rajoute une couche, ça aidait pas. « Oh non encore mieux, t'es là pour écouter le chant des oiseaux nocturnes ? » Cette fois je leva des yeux au ciel, histoire de bien manifester qu'elle était en train de me taper sur le système, comme si c'était pas déjà évident. « Toujours aussi délicieusement hilarante » lâchais-je, irrité. Par fierté, j'avais vraiment aucune envie de lui demander son aide. Limite j'aurais préféré faire face à un inconnu car il aurait vite oublié alors que Leevy, Leevy elle avait pas fini de m'en parler. Mais j'avais pas le choix. Elle était là et j'étais coincé et j'avais vraiment pas envie de passer la nuit au bord de la route. « Ma voiture est en panne » là, j'enfonçais une porte ouverte. « Y a moyen que tu me ramènes chez moi ? »

J’étais franchement dégoûté qu'il s'agisse de Leevy. C'était stupide de ma part : après tout, peu importe la personne au volant, j'avais déjà de base de la chance qu'elle se soit arrêtée ou juste qu'il y ait eut une voiture qui soit passée. Ce qui me gênait dans le fait que ce soit Leevy c'était qu'elle ne me laisserait pas oublier cette histoire. Pas car elle était méchante, quoi que peut-être un peu, mais juste car cette fille pouvait être une vraie plaie avec moi, simplement par plaisir et bon, je le lui rendais bien, il me fallait le reconnaître. Pour l'heure ce qui me saoulait, c'était qu'elle était en position de force. J'étais coincé avec une voiture en panne alors qu'elle était au chaud dans la sienne, en route pour chez elle. Si je voulais rentrer, connaissant Leevy, j'allais devoir ramper un peu et j'étais le genre de type beaucoup trop fier pour cela. « Oh merci on me le dis souvent. » Et elle en faisait des caisses avec ça, prenant clairement son pied et je ne pouvais même pas le lui reprocher. Si les rôles étaient inversés, je serais exactement pareil, irritant au possible. C'était notre façon de nous comporter l'un avec l'autre. Entre les amis et les ennemis, (et qui se sont déjà draguer un peu avec ça) les frontières étaient floues. « Je sais pas, tu veux pas plutôt me supplier et me prouver à quel point tu mérites une place dans cette voiture ? » Je serra les dents pour ne pas l'envoyer bouler ce qui aurait été particulièrement idiot de ma part. Je devais prendre sur moi, mais je n'allais pas me jeter à ses pieds pour autant, c'est clair. Je restais moi, quoi qu'il en soit. « Est-ce que tu trouves que j'ai une tête à supplier qui que ce soit ? » Lançais-je, sur les nerfs. C'était plus fort que moi. Elle voulait me taper sur le système et elle le faisait à merveille. Je poussa ensuite un soupire. J'en avais ma claque de cette nuit. « Soit gentille, Leevy, je suis crevé » Leevy ? Gentille ? Avec moi ? J'étais tellement crevé que je racontais n'importe quoi.

De nous deux, j'étais celui qui se trouvait dans la posture peu enviable et de ce fait celui qui était sensé prendre sur lui, mais ça m'était difficile avec Leevy. Ca avait toujours été comme ça entre nous : compliqué. C'était beaucoup de provocation, tout le temps, des petits bras de fer comme celui de ce soir, celui que j'avais déjà perdu. « Et moi tu penses que j'ai une tête de chauffeur de taxi à quatre heures du mat ? » Je n'avais pas put m'empêcher de l'ouvrir avec mauvaise humeur car c'était plus fort que moi. Je ne pouvais pas juste m'aplatir devant elle, cette idée me débectant beaucoup trop. J'étais tellement fier que, si je me sentais pas aussi crevé et capable de m'endormir au bord de la route, j'aurais en temps normal carrément préféré rejoindre mon appartement à pied. Non, c'était pas franchement raisonnable et il allait falloir que je fasse taire un peu ma fierté le temps de rentrer chez moi. « Bon je t'accepte et en contre-partie t'iras faire laver ma voiture une fois par semaine pendant un mois. Évidemment je te laisse pas le choix, façon vaut mieux sinon tu vas vite te sentir seul ici toute la nuit. » Elle était en train de me filer des envies de meurtre. Elle avait raison, pour ce qui était du fait que j'avais pas le choix et c'était là précisément ce qui m'exaspérait. J'étais impuissant, dans le besoin de l'aide de Leevy et je pouvais juste acquiescer. C'est ce que je fis, mon expression demeurant néanmoins lasse. « Tu es machiavélique » lâchais-je avant de contourner la voiture. Je me glissa sur le siège passager tout en plaquant une main sur ma bouche étouffant un bâillement. « Sois sûre que tu me paieras ça, mais merci » car j'avais beau être bougon, je restais poli tout en en faisant pas des caisses non plus, sachant que Leevy n'allait pas se gêner pour en rajouter de son côté. Inutile de lui tendre la perche plus que de raison.

« Merci ça me fais plaisir. » Je ne répondis pas, sinon nous étions loin d'en avoir fini. Je me prendrais le chou avec elle plus tard, là pour l'heure je voulais juste grimper dans sa maudite voiture et rejoindre mon lit. En me glissant sur le siège passager à côté, je pris le soin de soulever qu'elle n'allait pas s'en sortir comme ça. « T'imagines même pas comment ça me fais peur, je vais plus en dormir la nuit. » Je darda sur elle un regard noir. Son sourire moqueur m'horripilait en ce moment. « Tu devrais pas me sous-estimer » lâchais-je. Et bien oui, je pouvais être vraiment con quand je le voulais, ce n'était plus à prouver. « Alors, t'as passé un début de soirée aussi merdique que ta fin de soirée ? » Ma tête reposait sur ma main, mon bras reposant lui même sur la portière de la voiture de Leevy. Je sentais poindre le mal de crâne qui arriverait à son paroxysme demain matin quand je devrais songer à récupérer ma voiture. « Non, il y avait une fête sur la plage, assez sympas, j'étais franchement de bonne humeur jusqu'à ce que ma voiture me plante et que tu débarques miraculeusement » lâchais-je, l'irritation dans ma voix se mélangeant à la fatigue maintenant que j'étais à nouveau sur un siège confortable et en route pour mon chez-moi. « Tu veux rire ? » Je tourna la tête vers Leevy, haussant un sourcil. « Quoi ? » Dis-je en modifiant ma position et en me penchant légèrement vers Leevy pour avoir une meilleure vue sur ce qu'elle regardait. La voiture était quasiment à cours d'essence. J'entra sur le champ dans un niveau encore supérieur d'exaspération. Cette soirée ne finirait donc jamais ? Je me laissa retomber sur le siège avec une furieuse envie d'allumer une clope. « Fantastique » dis-je simplement. Mon lit allait visiblement devoir attendre encore.