Et tu es mort ? - Hélas, oui ...mais j'ai survécu.

Il me cherche. Encore. Comment ça j’avais pas l’air de maîtriser la situation ? Je maîtrisais très bien, d’abord ! avais-je eu envie de lui hurler avant de lui sauter à la gorge à nouveau. Du calme, Sachka, du calme. Ce qu’il y a, c’est que j’ai horreur qu’on m’traite comme un gamin. Ca fait bien longtemps que j’étais plus un môme. Les sourcils froncés, les poings serrés, j’avisais toujours Sloan du regard, cherchant à repérer dans sa gestuelle, son attitude, la moindre faille. La raison pour laquelle le bleuet m’avait apporté son aide. Mais je ne voyais rien. Est-ce que c’était vrai ? Une personne pouvait vraiment agir comme ça ? Sans contrepartie ? Je n’y croyais pas. Ma chienne de vie m’avait appris qu’il y avait deux types d’individus. Ceux qui se couchent et ceux qui ont le pouvoir. Or, si je me couchais, c’était Sloan qui avait ce pouvoir sur moi. Sauf qu’il avait pas l’air de vouloir en user alors même qu’il venait de me sauver la mise et que forcément, je lui en devais une, ce qui m’agaçait déjà prodigieusement, mais qu’en plus un seul mot de sa part maintenant, et j’étais sûr de finir au fond du trou, quel que soit le motif. C’était p’têt ça qui m’ennuyait le plus en fait. Avoir une dette envers quelqu’un. Tiens, où il est passé ? Où est-ce qu’il s’en va comme ça ? Surpris par l’Eliot que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, je croyais percevoir chez lui comme un signe. Comme…une ressemblance diffuse entre nous. C’était sûrement ça d’ailleurs, parce que sinon je ne lui aurais jamais couru après. Au pire, je l’aurais remercié et me serais barré en priant pour ne jamais recroiser son chemin. Là, j’avais envie de le connaître. De le comprendre. De savoir pourquoi il s’était battu alors qu’il avait l’air d’un type bien, quoiqu’un peu taré. Comme moi, au fond. P’têt bien qu’on avait les mêmes problèmes, qui sait ?! « Hey, attend l’bleuet ! » Il m’avait bien appelé Ruskov, j’avais l’droit de lui garder son p’tit nom moi aussi. « Ca va, désolé. Merci. » grommelai-je comme si ça me coûtait de prononcer ce dernier mot. Normal, j’avais jamais eu à remercier personne avant lui. « J’sais pas pourquoi t’as fait ça, mais j’t’en dois une, apparemment. » continuai-je en le toisant de la tête aux pieds comme si je jaugeais la confiance que je pouvais placer en lui. « Ok bon, tant qu’on y est, ouvre grand tes oreilles parce que j’l répèterai pas. » soupirai-je en rajustant mon sac sur mon épaule. « Désolé aussi de t’avoir bousculé tout à l’heure. J’ai passé une mauvaise journée, t’étais sur ma route et…’fin bref, d’ordinaire je cherche pas la baston pour un truc aussi con que ça alors voilà, mes excuses. » lâchai-je dans un ultime soupir en lui tendant la main. « Au fait, j’m’appelle Sachka. » C’était peut-être pas l’amour fou entre nous, mais au moins la prochaine fois, on saurait tous les deux à qui on avait affaire.