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Being out of place is the worst
Mais je porte bien le ridicule.
Lukà ✧ Bruna
Je regarde le parterre de membres de la haute société de Boston applaudir timidement après le discours que je viens de donner. Je me mordille nerveusement la lèvre inférieure et quitte la scène. Je croise quelques filles qui se chuchotent des choses à l’oreille en me regardant, sans discrétion. J’aurais dû m’en douter, j’ai eu droit à ce manège toute la soirée. À quoi je m’attendais ? J’avais passé du temps à choisir ma tenue, à soigner mon look « glamour mais détachée », des heures à me préparer pour venir jusqu’ici, flattée qu’on ai pensé à m’inviter à un gala de charité, histoire de récolter des dons pour des hôpitaux en Syrie. J’avais même bossé plusieurs heures un discours histoire de montrer à quel point le projet me tenais à cœur. Tu parles. « Bande d’abruties… » Je me posais la question, mais je n’osais pas réaliser ; on m’avait sûrement invitée pour se foutre de moi. La nouvelle à Harvard, qui expose un fric qui sort d’on ne sait où, qu’elle n’a pas dû gagner honnêtement, quand on la regarde bien. Je m’en fiche. Enfin, j’aimerais bien. Je suis trop fière pour que ça ne m’atteigne pas. Je m’éloigne rageusement de la foule qui rit aux éclats, face à la personne qui m’a remplacé, sur la scène. Je bouscule quelques personnes, m’excuse d’abord, et continue d’avancer. Rien à foutre, au final… Je rejoins le buffet, au fond de la pièce. Bien évidemment, rien qui fasse vraiment envie; Salade d’algue et au tentacule de Poulpe, petits fours au asperges, sushi au caviar… Je trouve les desserts et choppe le premier truc que j’ai sous la main ; une fraise. J’en prends une et m’en enfile presque tout le panier. J’attrape une flûte de champagne, la vide d’une traite, et en prends une autre. Il faut bien que je profite de quelque chose à cette soirée. Je ne porte pas une des boucles d’oreilles et un collier à 8 000$ pour passer la soirée à broyer du noir. Je jette un coup d’œil vers le reste des invités, et croise le regard d’un groupe de gamines, 16/17 ans, encore adolescentes, qui se marrent en me regardant manger. Il y a 2 ans, je serais allée leur faire bouffer leurs appareils dentaires, aujourd’hui je dois rester calme et les ignorer. J’aurai aimé être à leur place, à leur âge, et vivre une vie de future super déesse, ne me soucier que de ce que j’aurai à porter le lendemain, et quoi j’ai l’air sur ma dernière selfie... Je trouve un fauteuil et m’y enfonce, du champagne dans une main, un muffin dans l’autre.
© Starseed
(Invité)