VICTOR DA FIRENZE ► chris pine.

6 ans. « Maria est une peste ! Elle m’a dit que j’étais bête ! » Il faisait des rimes en explosant de colère. Un poète à l’italienne comme on en rêvait.  Il n’avait plus envie de jouer avec elle. Elle était méchante et sans intérêt aujourd’hui. Victor mit un temps à courir vers sa mère, hésitant entre les fils d’oxygène qui lui barrait la route et son père qui le regardait d’un mauvais œil. Mais finalement, l’amour qu’il portait à sa génitrice fut plus fort et il se mit à gambader vers elle pour se jeter dans ses jambes.  « Maman… » Il geignit entre deux sanglots.  « Maria est pas gentille… » Les yeux bleus de Laura transpercèrent le garçon de toute part, fronçant les sourcils pour accentuer sa frustration et son impatience. « Combien de fois devrais-je te dire que Maria n’existe pas ! Les docteurs t’ont dit d’oublier son existence ! » Un sentiment de colère et d’incompréhension envahit Victor de toute part, et il tira relativement fort sur le tube d’oxygène de sa mère, qui se décrocha complètement de ses narines et la fit tomber à terre. Le sol vibra sous le poids imposant de sa génitrice, un BOUM extraordinaire se fit entendre, qui représentait la bouteille d’oxygène s’écrasant  sur le parquet. Un cri s’échappa des lèvres de Laura, causé par la douleur de la chute, et Antonio, le père de Victor jeta sa chaise en arrière pour aider sa femme à se relever. Suite à ça, Victor se mit à courir dans les escaliers pour se sauver. « VICTOR. » Les pas lourds et agressifs du père créèrent une ambiance étrange de terreur pour Victor. Il ne fallut pas plus de dix secondes à Antonio pour faire voler et claquer sa main dans la figure de l’enfant. Antonio n’était pas un homme violent, malgré les on-dit du village, mais quand il mettait une gifle à son fils, c’était pour une bonne raison. Victor était teigneux, rancunier et plein de rancœurs. A six ans, il avait déjà les émotions d’un adulte. « Demain on ira voir le père Vittori. Il saura quoi faire de toi. Va t’excuser auprès de ta mère maintenant ! » Et Victor obéit, sans verser une larme suite à la tannée prise par son père.

15 ans. « Maria n’a jamais voulu me quitter. J’ai cette impression qu’elle veut toujours me parler. J’ai quinze ans, c’est bon là. J’en ai marre. » Le docteur Aviatora griffonnait sur son bout de papier quelques mots dont Victor n’avait pas idée. La recherche psychologique de ce que pouvait comprendre ce psychiatre était compliquée. Il voulait définir si la personnification de Maria était basée sur l’imagination débordante d’un adolescent perturbé ou bien si Maria était le fruit de l’amour d’une tumeur avec le cerveau de Victor. Il continuait à gratter son bloc note quand il proposa : « On va faire un examen complet de ton cerveau. Tu vas te rendre à l’hôpital et tu vas leur dire que tu viens de ma part, ok ? » Victor hocha la tête pour montrer son approbation, il se leva et tendit sa main vers le spécialiste pour le remercier. Refermant la porte derrière lui, il souffla légèrement par le nez. Il était frustré. Il en avait marre de voir cette « Maria », la plus grande peste au monde, celle qui était là, tout le temps, avec lui.

Il passa par la grande rue pour récupérer les médicaments de sa mère. Comme à son habitude, il s’occupait de sa mère pendant l’absence de son géniteur, en mission. Il ne demandait jamais sa destination, pour être certain de ne pas s’inquiéter. Un bonjour à la pharmacienne, et il disparut dans les ruelles de la ville.

« Ciao Mama. » Un baiser sur le front, la préparation du repas, le coucher de sa mère, et il pouvait enfin aller se reposer. Laura se dégradait de jour en jour, d’autant plus quand son mari était loin. Elle était triste, malheureuse, et son cancer agressait son système petit à petit. Victor ne parlait pas à sa mère de Maria, de ses rendez-vous chez le psychiatre et des examens futurs qu’il allait subir. Il ne voulait pas l’inquiéter davantage et aggraver sa maladie. Il se débrouillait tout seul, comme d’habitude.

19 ans. « Maria est parti. Définitivement. » L’opération s’était bien passé. Une tumeur s’était caché dans une partie de son cerveau et avait matérialisé une image parfaite d’une femme parfaite. Suite aux examens passés quatre ans auparavant, on avait diagnostiqué à Victor une tumeur maligne de stade 2 qui était en train de se développer et d’agresser le cerveau du jeune homme. Et à l’heure actuelle, il était enfin guéri de cette saloperie et la liberté d’esprit s’offrait à lui. Il se trouvait en pleine licence de médecine pour être psychiatre. Le sien l’avait sauvé de la panique et de la folie en lui donnant les clefs pour être enfin libre de Maria. Son enfer quotidien s’était transformé en repos total et il pouvait dormir sans être réveillé par une chanson italienne qui lui vrillait les oreilles.

Victor continuait ses études sans jamais avoir parlé de son histoire médicale car elle ne regardait personne. Sa vie n’avait pas à être étalé partout, ni à être déformé, amplifié, modifié… Alors il bossait dur, il sortait avec des femmes, il faisait la fête, il cumulait avec un travail au début, qu’il a vite laissé tomber car la médecine ne faisait pas bon ménage avec le travail d’étudiant. Il avait choisi sa voie, il allait l’assumer complètement.

25 ans. « Maria m’aurait dit que ça irait mieux, avec le temps. Mais comme elle n’est plus là, je n’ai personne. » Les mots qu’il employait était lourd de sens mais le Docteur Aviatora comprenait parfaitement ce que voulait dire Victor. La mère de ce dernier était décédée il y a deux ans de son cancer, un an après la mort de son père. Un combo kill merveilleux qui l’avait rendu déprimé. Il n’avait plus de famille, plus de personne sur qui compter, il n’avait pas vraiment d’amis extrêmement proche avec qui partager sa peine. Victor se sentait mieux, un peu plus serein qu’il prenait conscience de sa chance d’être bientôt à la fin de ses années de faculté pour finir comme son psychiatre en face de lui. Un métier qui le fascinait et qui le rendait heureux rien qu’à l’idée de l’exercer. Il voulait aider les autres, parce que les maux du cœur n’empêchaient pas les maux du cœur et de la tête. Alors il irait de tout son cœur aider son prochain. Actuellement, il avait été aidé de la meilleure manière qui soit et il remerciait son psychiatre.


Il déposait ses valises dans une chambre étudiante d’Harvard après avoir eu une conversation de plus de deux heures avec le doyen de l’université. En plus d’avoir découvert une sœur biologique dont il n’avait aucunement l’existence, il avait fait un transfert de dossier de son école prestigieuse à la belle université d’Harvard. Il avait conscience de la barrière de la langue mais il s’était entrainé dur pour apprivoiser la langue anglaise. Il était heureux de ce changement et il voulait en profiter. Aujourd’hui était un nouveau jour, un nouveau jour pour commencer une nouvelle vie.