DANIEL A. HORAN ► adam driver

Tu sortis du bâtiment et inspiras une gorgée d'air frais. Levant les bras jusqu'au ciel pour te requinquer, tu observas les lampadaires éclairés la route. Combien de temps étais-tu resté à la bibliothèque ? Trois bonnes heures pour que la nuit ait eu le temps de recouvrir la ville d'un manteau noir. Un coup d’œil à ta montre et ton ventre gargouilla au rythme des aiguilles. Il était bien temps de rentrer. Ta mère devait t'attendre, tes frères et sœurs également, et ton père aussi. Les Horan ne commençaient jamais un dîner sans un membre de la famille manquant. Très soudés, l'heure des repas était fixé afin de se réjouir de la présence de toute la famille. Toi, tu te serais bien gardé de suivre la voix de ta mère jusque dans la salle à manger. Parfois, vous discutiez de tout et de rien, de politique, de musique et news en tout genre. D'autres fois, c'était carrément chiant. Ce soir, ils allaient devoir t'attendre et peut-être auraient-ils commencé sans toi, avec un peu de chance. Tu soupiras. Malheureusement, tu n'échapperas pas aux réflexions de ton père. Tu te renfrognas dans ton grand manteau, prenant soin de bien plaquer tes cheveux noir de jais dans ton petit bonnet. Tu détestais être décoiffé. Tout en commençant à sillonner les rues, tu sortis un téléphone portable et appuyas sur ta playlist du moment. Satisfait dès la première note de musique, tu esquissas un petit sourire. Seul, tu continuas ton chemin.
Ce ne fut pas le bruit qui attira ton attention. Tu marchais en regardant le sol, comme si tu ne voulais pas qu'on te remarque. Mais la nuit disparut autour de toi. Un soleil se dessina bientôt sous tes yeux. Tu clignas des yeux, aveuglé par cette soudaine lumière. Alors que tes iris s'adaptaient au nouvel environnement, une odeur de roussi et de gazole vint chatouiller tes narines et une vague de chaleur caresser ta peau. Puis quand tu observas la scène dans toute son horreur, tu lâchas un hoquet et reculas de quelques pas. Le silence régnait, si ce n'est que le bruit des flammes te parvenaient maintenant à l'oreille. Les toiles était cassés, les vitres éclatées en mille morceaux par terre. Et le sol n'était pas que jonché de pièces métalliques, mais de chair humaine. Tes muscles tremblèrent, ton cœur battit la chamade et se souleva. Tu allas vomir dans la neige immaculée. En te relevant, tu portas la main à ta poitrine.
« Oh my God, whao. Oh my God... »
Tu pris quelques respirations avant de reprendre tes émotions. Les mains tremblantes, tu ramassas ton téléphone portable qui était tombé peu avant. C'est lors de situations les plus folles qu'on a des idées les plus connes. Toujours tremblant, ton doigt appuya sur l'icône d'enregistrement vidéo. Tu devais filmer. Ça n'arrivait pas tous les jours un truc comme ça. C'est ce que les gens faisaient non ? Ils filmaient et après ils le montraient aux journaux ? Eh bien, tu faisais pareil, tu étais certain de faire la bonne chose. Tu te rapprochas quand même. Les gens commençaient à s'ameuter. C'est alors qu'un moteur retentit à côté.
« Hey! There's survivers! Over there! »
Mais personne ne t'entendait. Et les seuls survivants, des gamins si tes yeux ne te trompaient pas, se dépatouillaient pour entrer dans le gros engin qui les attendait apparemment. Qu'est-ce qu'ils foutaient ? Ce n'est que lorsque la bagnole démarra en un quart de tour que tu compris. Toujours le portable devant toi, tu filmais les suspects s'enfuir, la bouche grande ouverte.
Au moins, tu avais une explication pour ton arrivée tardive à la maison.

{lorsque daniel fut dans le rouge, sa petite vidéo refit surface dans sa tête. il avait la preuve d'un délit. et quoi de mieux que de faire chantage à une jeune fille, riche de surcroît ?}

« What do I want ? I want my money darling. »
Tu lui souris froidement. Tu ne pouvais pas baisser ta garde. La fille avait l'air un peu effrayée et en colère, mais tu as vraiment besoin du fric. Les billets qu'elle t'a largué la dernière fois se sont envolés dans l'alcool, les entrées des clubs les plus hype de la ville et dans un appartement au centre-ville. Tu n'avais pas pu te raisonner. Tout ça, tu en avais besoin. Tu as vécu ainsi pendant toute ton adolescence, tu ne pouvais pas simplement arrêter de vivre à ce rythme. On t'avait donné et maintenant on ne te donnait plus rien. C'était à toi de te débrouiller. C'était pas la faute des parents, tu le sais, mais tu aurais tellement voulu que cet héritage tienne un peu plus. Tu avais du abandonner tes études de mécanique, tes rêves d'acheter un jour une bagnole flamboyante. Alors, tu t'étais rappelé de la petite fille dans la voiture à moitié déchirée et de son délit de fuite. Elle avait tué deux personnes quand même. Non, tu ne pouvais pas laisser les émotions faire surface, pas même devant ce visage d'ange. Elle avait tué des gens. Elle aurait pu donner une explication aux membres de la famille des morts, mais à la place elle avait décidé de fuir. Ton regard noir s’assombrie.
« Come on. You didn't came this long just to say no. You have the money, now give it to me. »
Les yeux de la petite trahissait ses sentiments. Sa mâchoire se crispait et tu t'attendais déjà à ce qu'elle te déverse la même rengaine.
« Do I really need to show you the video again ? One click and all the televisions could have it. You're lucky I did'nt send it right away. »
Des menaces en l'air. Bien sûr que tu avais la vidéo, mais tu ignorais si tu aurais le courage d'envoyer tout ça aux news. C'était juste ton moyen de pression, et jusqu'à là, il fonctionnait plutôt bien. Les prunelles de la brune s'adoucirent et s'emplirent à nouveau d'inquiétude. D'une main hésitante, elle chercha quelque chose dans sa veste et en sortit une enveloppe.
« Wow darling, just like in the movies. You totaly rock. »
Tu lui lanças un petit clin en lui prenant l'enveloppe des mains avec vivacité. Tu le rangeas dans une poche intérieure de son manteau. En voyant la tronche de la petite, tu ne pus t'empêcher de lever les yeux au ciel.
« Oh don't pull this face, i was only trying to lighten the mood. God, you make it so difficult. »
Tu soupiras et fis la moue. Puis, comme si rien n'était, tu haussas les épaules et agitas la main vers la jeune fille.
« Well, thanks darling. See ya next time. »

{...}

Tu y avais pris goût et en vérité tu étais assez talentueux pour ce genre de choses : le genre de choses qui consiste à se faire payer pour garder la bouche fermée. La petite Liza n'était pas la seule victime de tes manigances pour vivre un minimum comme avant. Non, tu avais décidé de passer à un niveau supérieur. Les hommes politiques regorgent de secrets et c'est bien à l'un d'eux que tu t'en ais pris. Un homme, presque ton âge, travaillant à la mairie de la ville, voire de la région s'il est élu. Tu t'e fichais complètement de lui jusqu'à ce que tu le rencontres à une de ces soirées hype. L'occasion ne se serait pas présenté à toi une deuxième fois alors tu as sauté dessus. Et le voilà qui entrait dans le living room. Assis sur un fauteuil aussi vieux que ton arrière grand-père, tu ne pus réprimander un sourire amusé. Tu riais intérieurement de lui. Il ne savait pas ce qui l'attendait. Pour l'instant, tout ce dont il devait penser était comment te congédier respectueusement chez toi. Il toussa.
« Hi. »
Tu l'observas mettre sa main dans ses cheveux, pensif, voire embarrassé par la situation.
« You. You didn't leave ? »
Tu fronças les sourcils. Tu ne t'attendais pas à cette réaction. Ce n'était pas bon signe pour l'affaire que tu montais.
« Hi. No, why would I ? Last night was fun. »
Tu refusais croire que tout ce que tu as fais à cet homme n'allait te servir nullement. Alors, tu te levas et t'approchas dangereusement du politicien.
« I was even wondering if... we will see each other another day. »
La comédie continua lorsque tu effleuras du doigt sa joue, qui rougit presque instinctivement. Là, voilà la réaction à laquelle tu t'attendais tout à l'heure et celle que tu désirais le plus.
« It's impossible. It was fun, yes, but we can't see each other. You have to leave, right away. »
Tu avais réussi à effrayer l'homme dont tu ne te rappelais plus du nom. Tu n'en fis rien et resta clouer sur place. C'est bon, tu l'avais dans la poche.
« I think otherwise. I think we'll meet again, and very soon. You know why ? Because I got some things we did last night in it... I bet you don't want any of it in the newspapers tomorrow morning. »
Tu agitas ton téléphone portable devant lui, mais assez prudemment pour qu'il ne l'attrape pas. L'adrénaline coulait à flot dans tes veines. Dieu, que tu aimais cette sensation et celle de voir le désespoir dans les yeux d'un homme.
« What. What do you want ? »
Tu recules, aimant mieux garder tes distances avec ta nouvelle proie. Dommage, tu avais bien apprécié la proximité quelques heures plus tôt.
« I want money of course. I'm not doing this by pure joy you know. I need this money. Let's say 600 box by next week. I let you know the place where we'll meet. »
Tu levas les épaules, comme si tout cela n'était pas de ton ressort, mais que tu n'avais tout simplement pas le choix. Seulement, tu savais qu'il allait te détester de toute son âme, tout comme Liza. Ça ne te faisait pas rien, mais tu étais prêt à ressentir ce mélange d'émotion à deux balles pour toucher le pactole. Le cœur serré, tu ramassas tes affaires et alla jusqu'à la porte d'entrée en bois de chêne. Le mec pouvait clairement se passer de 600$. Tout d'un coup, tu te sentis mieux. Sa famille étouffait sous l'argent. Il était temps que le peuple récupère son dû. Et tu faisais parti du peuple, que tu te répétais.
« See ya babe. »
Un clin d’œil et tu disparaissais de sa vue. Oh, tu le reverras bientôt, tu ne te faisais pas de soucis pour ça. Tes pensées se dirigeaient plus vers cette nuit que vous aviez passé ensemble et comment elle t'avait plu, toi, qui draguait les filles comme on respire l'air.

{...}

Profondément endormi, tu es plongé dans une abysse noire, ta tête entre deux coussins bien moelleux, encore habillé de la soirée d'hier. Il fait froid dans l'appartement, mais le plaid posé sur ton lit et le sommeille alourdi t'empêche de le remarquer. La bouche un entrouverte, tu as l'air d'être en paix. C'est alors que des coups résonnent dans ta tête. C'est lointain, mais suffisamment pour que ton cerveau s'éveille avec non sans difficulté. Tu grognes et te lamentes comme un enfant, t'étirant dans tous les sens sur le matelas. Tu soupires longuement. Putain, c'est qui ? Et les coups deviennent de plus en plus forts et de plus en plus rapides. On dirait que quelqu'un a un problème avec la porte. Peut-être était-ce River qui avait encore oublier ses clés.
For fuck's sake, can't you just have your keys on you ? Like everybody else !
Tu as crié la dernière phrase. River fait chier. D'ailleurs, il est quelle heure ? Tu regardes ton réveil qui affiche midi passé. Tu grognes, la tête dans le cul. Tu as l'impression que des poings te tapent le cerveau. Tes yeux sont tout petits et endormis. Quant à tes cheveux, n'en parlons pas. Ils sont ébouriffés d'un côté et aplatis de l'autre. Tu te levas finalement avec brio, un simple t-shirt gris et un pantalon beige sur toi. Tu dois puer l'alcool, mais tu t'en fous. River a l'habitude de te voir comme ça, le reste de tes colocataires aussi. Tu traînes des pieds jusqu'à la porte d'entrée de l'appartement. Bizarre, t'entends des voix étouffées. Deux, plus particulièrement. Tu fronces les sourcils. River a peut-être amené de la compagnie, de belles donzelles, qui sait ? Peut-être devrais-tu te changer avant d'ouvrir. Tu regardes donc dans le judas. Ton coeur s'arrête un moment lorsque tes prunelles se posent sur le dos fortuné du blond. Tu sais qui il est. Surtout, ta mémoire te revient et tu sais pourquoi il est là, à taper sur ta porte. Merde, merde, merde. T'as complètement oublié. Comment ça se peut ? J'veux dire, c'est pas comme si ça fait trois jours que tu lui as envoyé le fameux messages lui disant de venir avec le cash. Ton cœur bat la chamade à la simple idée d'avoir oublier ce rendez-vous très important pour toi. Mais, tout va bien, Jonah est encore là, devant ta porte. Tu l'ouvres grande ouverte et le son des voix te balaye la figure. C'est fort, beaucoup trop fort pour ta tête encore lessivée par l'alcool.
The fuck is going on here ?
Tu essayes de voir qui est la troisième personne. Ce n'est que la voisine, cette folle, la grande-gueule comme tu aimes l'appeler. Tu lèves les yeux au ciel et t'avances vers elle.
What are you doing crazy old woman ?
Elle a l'habitude que tu la surnommes ainsi. Elle et toi ne pouviez pas vous voir dans une glace. Onze ans que tu la côtoie, les histoires et les emmerdes avaient fini par vous désigner ennemis. Mais pour toi, Daniel Horan, ce n'est que dû à son sale caractère, rien d'autre.
I'm calling the cops you punk. This guy is no good.
Tu te retournes vers Jonah puis le sac, le regard complètement blasé. Tu fronces les sourcils lorsque tu remarques ton meilleur client se cacher sous son polo à cent balles.
What... ?
Tu soupires, n'essayant même pas de comprendre ce qu'il s'est arrivé dans ce couloir, à l'instant. Tu te retournes vers ta voisine. Dans ses mains se tenaient un téléphone. Tu t'avances vivement et lui prends brusquement l'engin. Elle lève la tête, surprise.
You don't need to crazy old woman. I know him. I left some clothes at his place and now he's too shy to bring them to me, face to face. Hey sweety ?
Tu lui fais un clin amusé. Tu as sorti l'idée qui t'est venue la première à l'esprit, mais finalement elle n'est pas si mal que ça. Tu est hilare intérieurement, rien qu'en imaginant la tête de Jonah et ses pensées haineuses envers toi. Et puis, il y a l'air choqué qu'a pris la voisine, comprenant tes sous-entendus. En une minute, elle déguerpis et s'enferme chez elle.
Here we go.
Tu respires un bon coup avant de te retourner vers le frère d'Elsie, la nouvelle victime de tes chantages. Il a amené l'argent comme demandé. Tu ne t'en réjouis pas, mais tu es soulagé. La banque va enfin pouvoir arrêté de te harceler. Mais il y avait toujours Jonah et son pull qui s'imprégnait petit-à-petit d'un rouge sang. Tu t'avances, curieux.
You alright ? She hit you or something ? You should have hit her back, she deserves it.
Tu acquiesces de la tête tout en prônant la violence sur une personne âgée. Tu as vraiment un problème ou bien tu manies l'ironie au plus grand degrés. Dans tous les cas, il était temps de prendre cet argent le plus vite possible, et peut-être essayer de flirter avec Jonah, chose toute nouvelle pour toi mais que tu aimais bizarrement.