EDELWEISS A. JENKINS ► Emily Bett Rickards

Tes doigts se nouent comme par magie, non la magie ça n’existe pas, disons que c’est le stress qui commence à envahir ton corps petit à petit. Tu remets une mèche de cheveux blonds derrière ton oreille alors qu’une secrétaire te sourit faussement. Te dénouant la gorge, tu tentes de faire comme si de rien n’était en posant ton regard sur les tableaux hideux qui sont censés représenter des… paysages ? Qu’est-ce qu’ils ont tous les psys avec cette manie de peindre alors qu’ils n’ont pas de talent ? En parlant de psy… Le tien vient tout juste de sortir de son bureau et tu sens déjà l’angoisse nouer ton ventre. Une poignée de main et te voilà quelques minutes plus tard assise sur sa banquette à regarder d’autres tableaux signés de sa main, décidément. Il te dit alors de t’installer et tu t’exécutes, t’allongeant sur son divan moelleux quoiqu'un peu glissant. « Je vous écoute mademoiselle Jenkins, parlez-moi de vous, videz votre sac, en quelque sorte. » Tu fronces les sourcils, vider ton sac, tout simplement ? Qu’est-ce que tu peux bien répondre à ça et surtout, par quoi commencer ? Tu avales ta salive avec difficulté et ouvres tes lèvres, sans dire quoi que ce soit. Tu laisses une minute s’écouler sous son regard accusateur, puis tu décides de te lancer. « Bien je suis née à Chicago. Parce qu'ils ont eu du mal à avoir un enfant, mes parents sont gentils, attentionnés, je n’ai jamais manqué de rien et je suis restée leur unique fille. Comme démarrage dans la vie, on a connu pire. Dois-je rappeler que je suis née au mois de février ? Le 28 pour être plus précise. Tu vois un des sourcils touffus du psy se lever et son crayon gratter la feuille de papier. Voyant que tu t’arrêtes, il replonge son regard dans le tien, t’incitant à continuer. « Une enfance heureuse, il y a juste quelques détails qui ne me ravissent pas. Je ne suis pas douée, j’ai un caractère de merde, aucun talent. Je suis brillante dans mes études mais la tête en l’air, du genre naïve. Je fais tomber tout ce que j’ai entre les mains et avec les garçons… oh les garçons… c’est une très longue histoire. Je suis nulle avec eux, la bonne copine pas intéressante du tout jusqu’au jour où… un certain garçon s’est intéressé à moi, d’un peu trop près à mon goût. Il était gentil, adorable mais voyant que je ne voulais pas aller plus loin parce que j’étais trop prude et bien il a décidé de sauter le pas, tout seul, et moi qui rêve d'avoir des enfants avec un prince charmant encore aujourd'hui... » Tu viens tout juste de parler de ton viol survenu alors que tu étais au début de tes études à Harvard et… tu ne ressentais rien, pas de peine, pas de colère, pour une fille comme toi, c’était étrange. « Je me suis remise difficilement de cet épisode, à vrai dire je ne m’en suis pas remise du tout, mais j’ai continué à avancer, ne réfléchissant pas vraiment à ce qui allait se passer dans le futur. Je n’ai jamais rien dit, j’ai toujours fait comme s’il ne s’était rien passé, comme si j’avais été une fille facile ivre ce jour-là. Actuellement ma vie n’est pas vraiment meilleure puisque j’ai un boulot de merde en plus de mes études, plutôt deux boulots. Je suis serveuse dans un bar du coin, malheureusement avec ma maladresse je ne sers pas grand-chose, les boissons finissent souvent par terre. Pour pouvoir payer mon crédit d’étude, je fais du téléphone rose en rentrant chez moi le soir. Vous savez, des fois on tombe vraiment sur des types étranges, glauques même. » Tu te détends de plus en plus, t’amusant telle une gamine riant devant un dessin animé et jouant avec une mèche de cheveux. « Ça ne paye pas très bien mais c’est toujours ça de prix. Je suis une célibataire endurcie, le type typique de fille qui finira vieille fille justement. Oh vous savez la meilleure dans tout ça ? J’ai succombé une fois, juste une seule fois à la tentation de la chaire après avoir noyé mes soucis dans l’alcool et j’ai couché avec un inconnu, oui moi la sainte nitouche j’ai fait ça. Et le comble ? Je crois que je suis enceinte, c’est juste fou hein ? » Tu te relève du divan et regarde ton psy, toujours stoïque. Tu te mets à rire à gorge déployée, encore et encore sans t’arrêter. Tu sens des sueurs froides te faire tressaillir, tu sens soudainement une sensation étrange et désagréable mais tu continues à rire jusqu'à… jusqu'à te réveiller en sursaut dans ton lit, seule et dans le noir. Tu passes une main dans tes cheveux. Tout ceci n’était qu’un rêve, un putain de cauchemar. Tu fixes le mur froid devant toi puis mon chat qui ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Tu te mets à faire une moue en ramenant tes genoux contre ta poitrine. « Mon dieu... j’ai vraiment une vie de merde… » Et tu te mets à sangloter.