FIDJI P. JONES ► jourdan dunn

Fidji, ou la petite afro-américaine qui a grandi au cœur d’une famille bien mystérieuse, aux secrets parfaitement gardés. J’ai toujours été studieuse, souvent première de classe, mais j’ai également suscité un certain intérêt auprès des gens, enfants, adolescents et adultes. Petite, je ne comprenais pas ce que me valait ma fausse popularité. Mes parents jouaient la carte du mensonge, ou plutôt du déni, face à mes questions. Pourtant, ils veillaient à toujours avoir l’œil sur moi, mais plus encore sur mes fréquentations, comme s’ils avaient un lourd secret à cacher.

Pour leur défense, mes parents occupent des postes plus ou moins risqués. Mon père, avocat de renom, et ma mère, journaliste aussi appréciée qu’haïe. Il va donc sans dire que le secret professionnel existe pour l’un, mais pas spécialement pour l’autre. Evidemment, Monsieur Jones ne choisit pas ses clients, ce qui l’a mené plus d’une fois dans des histoires sordides, spécifiquement créées pour perdre foi en tout. Je l’admire en ce qu’il arrive, aujourd’hui encore, à dormir paisiblement sur ses deux oreilles – ou peut-être fait-il comme si. Ma mère, quant à elle, s’est souvent attirée les foudres de ses victimes mais n’a pourtant jamais lâché l’affaire. Femme d’honneur et de parole à sa manière, elle m’a rapidement inculqué l’art d’aller au bout de ses actions et de ne baisser les bras en aucune façon.

Cependant, ma famille n’est pas uniquement composée de Monsieur et Madame Jones. Autour de moi ont grandi mon frère, Faïz, et ma sœur, Flora. Nos aïeuls nous ont, avec énormément d’application, inculqué l’Art de la Famille. Nous avons appris à être soudés face à la vie, quelles que soient les difficultés qu’elle peut nous réserver, mais surtout, et avant tout, à ne jamais divulguer aucun secret familial sous peine d’une irrévocable sentence. Malgré tout ce que l’on pourrait dire sur nos parents, d’une sévérité bien camouflée, nous sommes bien lotis. Ces derniers nous ont peut-être imposé des règles strictes pour préserver notre famille, mais ils ne nous ont jamais empêchés de vivre nos vies. Peut-être ont-ils interféré de temps à autres dans nos histoires, mais rien de très affligeant.

Mon peuple est la source de mon être. Leur histoire, qui est aussi la mienne, m’a appris à me battre et à aller au bout des choses. C’est ainsi que je constate que ma mère est la représentation parfaite de l’afro-américaine. J’ai voulu, comme elle, devenir une guerrière. Mais ma douceur m’empêche d’être ce fléau que beaucoup de familles bourgeoises craignent. Je suis cette femme ambitieuse, avec des étoiles plein les yeux quant à l’avenir de sa patrie. Celle qui fonce sans crainte, forte de ses valeurs, armée de son optimisme et de sa solidarité face à un monde en déclin. Je suis, dans mon plus grand espoir, l’une de celles qui offrira à ses semblables un monde meilleur.

Il va de soi que mes parents ont souhaité le meilleur pour moi. C’est en suivant aussi bien leurs ambitions que les miennes que j’ai pu intégrer Harvard pour y faire des études politiques. Je suis aujourd’hui en quatrième année, et particulièrement engagée dans la vie sur le campus. Nul besoin de vous dire que j’ai eu l’occasion de me faire remarquer à maintes reprises au sein de l’université ces dernières années…