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Pourquoi voulait-elle devenir avocate ? Pour lutter contre les injustices dans ce monde et faire condamner les méchants; voilà ses propres paroles d'enfant qu'elle se répétait sans cesse comme pour se donner de la motivation. A la manière d'une Erin Brockovich ou d'un Robert Badinter. En attendant, elle s'était résolue à se la jouer avocate commise d'office, qui défend les petits délinquants, les petits délits, les méchants quoi ! On était loin de défendre la veuve et l'orphelin et de sauver le monde. Mais bon, disons qu'elle se faisait la main ainsi et puis, si ça pouvait aider sa carrière et l'aider à progresser alors pourquoi pas. C'était aussi (et surtout) un moyen de se faire connaître, sans l'aide de son père, de sa réputation et de son réseau. La contrepartie, qui avait parfois un certain charme au vu des soirées mouvementées qu'elle y passait, était qu'elle se retrouvait souvent à se rendre au poste de police, elle connaissait la plupart des policiers et la plupart des policiers la connaissait d'ailleurs. Il n'était pas rare de recevoir un appel en pleine nuit pour un client interpellé et mis en cellule, parfois pour simple dégrisement, rien de bien grave. Ce dimanche soir ne fût pas une exception. Autant dire qu'elle savait déjà qu'elle n'aurait pas à faire à son client le plus facile. Après avoir échangé quelques mots avec l'officier de police, c'est donc d'un pas assuré, et au bruit de ses talons retentissant à travers toutes les pièces du poste de police, qu'elle se dirigea vers la cellule de garde à vue pour rendre visite à son client. Elle dénotait grave dans cet environnement et pourtant, c'était comme si elle était presque chez elle. A son arrivée, le ton était donné : « j'ai besoin de personne », « j'ai pas besoin d'avocat », « c'est rien » blablabla ... Les mots habituels, elle connaissait ce refrain par cœur qu'elle pouvait l'imiter sans problème. Bien sûr, elle préférait y rester de marbre et insensible, levant simplement les yeux au ciel avant de répondre sur un ton mi-excédée, mi-détachée, mi-lassée d'entendre toujours ces mêmes mots. « Tu me dis tout le temps ça. Je vois que t'es bien accompagné, je peux repartir si tu veux et te laisser passer la nuit avec tes nouveaux copains charmants ? » Effectivement, il n'était pas tout seul dans ce petit espace et la cohabitation semblait pas si mal se passer non ? Car si elle avait à choisir, elle-aussi préférerait être ailleurs qu'ici, à aider quelqu'un qui n'a pas envie qu'on l'aide. Et pourtant, la conscience professionnelle prenait toujours le dessus. « Pourquoi j'ai à me déplacer un dimanche soir pour toi ? Qu'est ce que t'as fait cette fois-ci ?» Encore fait serait tout autant correct pour traduire sa pensée. |
Si ils se lançaient tous les deux dans un débat pour savoir qui avait raison ou tord, cela pourrait durer longtemps et risquerait d'annihiler tous les efforts. Et ce n'était certainement pas le sujet débat du jour, du soir plutôt. Alors, elle ne remit pas en cause l'affirmation de ses propos et se contenta juste d'une petite moue dubitative peu convaincue par ses propos quand il lui répondit que si il répétait toujours ces mêmes propos, c'est que c'était toujours vrai. En tout cas, si il n'avait pas besoin d'aide, il était toujours bien content de sortir d'ici quand elle intervenait ... Enfin bref. Ils avaient bien d'autres choses à régler, à commencer par le faire sortir de ce trou pourri. Cela faisait seulement quelques secondes qu'elle était là que l'odeur nauséabonde de la cellule commençait à se faire ressentir. Comment faisaient-ils pour tenir dans cette promiscuité ? Ils étaient surement habitués. En tout cas, elle, elle ne s'imaginait même y passer une seconde ! Déjà qu'elle s'en approchait, c'était déjà pas mal mais son côté maniaque ne supporterait pas d'y entrer. Une chose est sûre, tous ces mecs avaient une histoire, une raison pour en arriver ainsi. C'était ça le but du travail, trouver le pourquoi du comment cela était devenu leur « quotidien ». Et autant dire qu'avec Harlow, ils étaient encore loin de ce résultat, elle ne savait pas ce qui le poussait à agir ainsi. Elle avait l'impression de se retrouver face à un mur, à un bloc, difficile à cerner. C'est vrai, elle ressentit un léger soulagement d'apprendre que cela n'avait rien à voir avec de la drogue ou un vol ou autre chose aussi illicite et illégale soit-elle. « Et il y a une raison ? Il t'a provoqué le premier ? Ou c'était juste comme ça, une pulsion, une envie c'est tombé sur lui mais ça aurait très bien pu être un autre ? » questionna-t-elle, loin d'adopter un ton moralisatrice ou autre qui pouvait paraître pour un reproche. Elle voulait juste comprendre, comprendre pour mieux pouvoir le défendre, trouver une faille. Elle savait qu'elle devait le saouler avec toutes ses questions, qu'il n'allait peut-être même pas vouloir y répondre, qu'ils allaient devoir entrer dans un bras de fer mais ce n'était que le début. |
Le cas d'aujourd'hui était plutôt commun et n'avait rien d'extraordinaire. Un cas banal, certains diront. Il n'était pas question de meurtre ou un truc dans ce genre. Simplement un acte de violence en état d'ivresse sur un policier. C'était bien ça le hic. C'était quitte ou double : cela pouvait paraitre plus facile de négocier avec eux pour faciliter le cas d'un client puisqu'elle connaissait les gars de la maison maintenant ; mais d'un autre côté, plus difficile aussi car sur ce genre de situations, autant dire qu'elle savait d'avance qu'ils allaient se montrer intransigeants; ils ne lui feront pas de cadeaux. Alors non, la raison avancée par Harlow n'était pas suffisante, loin d'être suffisante. Si il rêvait d'être chez lui à dormir, il fallait avouer que elle-aussi, elle avait d'autres choses à faire et qu'elle ne s'était pas déplacée par plaisir. Enfin, si, peut-être un peu c'est vrai. La petite moue qu'elle afficha ne s'en cacha pas.« Je crains que ce soit pas suffisant, tu sais comme moi que ça va pas être aussi simple que ça. Le problème, c'est que c'est pas la première fois que tu te retrouves ici» Évidemment, il ne pouvait échapper à la séquence moralisatrice, mais c'était plus ou moins son rôle. Autant dire qu'il ne lui facilitait pas la tâche mais ça, elle le savait déjà en venant ici. Ce n'était pas la première fois qu'elle avait à le défendre et à le sortir d'ici. Et certainement pas la dernière fois. Harlow était du genre ... incontrôlable. Ses réactions n'étaient pas toujours évidentes à deviner ou anticiper. Elle ne savait jamais si il était prêt à collaborer. Alors, essayez de faire quelque chose avec tout ça ! Passant en revue toutes les options et les conditions, elle se mit à réfléchir.« Il y a un truc qui pourrait peut-être faire avancer ta cause et te permettre de rentrer rapidement chez toi. Ils vont demander à ce que tu reconnaisses tes tords. » Mouais, encore fallait-il qu'il fasse preuve de bonne foi. « Je peux faire en sorte que ce qui s'est passé ce soir n'apparaisse jamais dans ton dossier mais j'ai besoin que tu collabores, tu serais prêt à faire cet effort ? » |
Elle ne pût s'empêcher de refréner un léger sourire amusé face à la remarque d'Harlow au sujet des cartes de fidélité que devraient mettre en place la police pour les mecs comme lui. Ouais, elle l'aimait bien celui-là avec son humour cynique et sarcastique. Tous ses clients n'étaient pas ainsi, sinon pourquoi prendrait-elle la peine de toujours le défendre mais elle n'oubliait pas non plus ses mauvais côtés. Seulement, c'est qu'elle-aussi pouvait briser l'armure par moments, derrière le côté très professionnel qu'elle se donnait.« Je vais leur soumettre l'idée » répliqua-t-elle avec ironie. Mais très vite, elle s'empressa de reprendre son sérieux, effaçant ce petit sourire amusé. Car le but était quand même de le faire sortir de cette cage pourrie. Mais cela, elle ne pouvait le faire qu'avec son aide et devait passer par la reconnaissance de sa culpabilité. Et ça, ça ne semblait pas chose aisée et acquise a priori au vu de sa réponse. Ok, il allait falloir débattre. Elle eût un petit soupir face à cette obstination. « Ouais mais on n'est pas dans une série télé là. Et je te rappelle que d'après ce que tu m'as dit, tu es coupable alors nier les faits aggraverait ton cas. » Dans ce cas de figure, il était inconcevable de continuer à mentir ou nier les faits, elle avait assez d'expérience pour savoir que ce serait lui causer plus de torts. Bien sûr, il ne partageait pas sa conception, elle aurait dû s'en douter. Cependant, à sa plus grande surprise, son idée de plan semblait malgré tout retenir son attention, sa curiosité tout du moins. Elle en fût presque étonnée et surprise. C'était déjà ça de pris, une petite brèche ? Alors hors de question de perdre cette curiosité. « Ça, c'est mon travail, fais-moi juste confiance, c'est possible ça ? » Elle n'allait quand même pas lui dévoiler tous ses secrets. |
Lui cool ? Mouais, si on omettait les quelques délits commis, il était plutôt cool comme garçon. Même si ils étaient bien différents, ça c'était clair qu'ils ne venaient pas ou plutôt n'étaient pas du tout du même monde. Sans ce contexte, il est même certain qu'ils ne se seraient peut-être jamais rencontrés ou parlés. Alors finalement, tous ses délits avaient peut-être un côté positif malgré tout. Jusqu'à dire ils pouvaient devenir amis, il y a une marge quand même. Il ne fallait pas oublier qu'elle était son avocate et lui était son client. Et qu'elle était là pour le sortir d'ici, pas pour une visite de complaisance. Alors quand il proposa de dire que sa victime était tout simplement là au mauvais endroit, au mauvais moment, elle ne put s'empêcher de faire des petits nons de la tête. Elle imaginait bien la tête et la réaction des policiers si elle leur faisait part de cet argument. Autant dire qu'elle se ridiculiserait et se décrédibiliserait. Il fallait donc mieux qu'elle se charge de sa défense, plutôt que de se laisser faire, il aggraverait son cas. Surtout qu'il venait de se la jouer trop dur, à essayer de lui mettre la pression le petit chaton. Bien sûr, elle n'y prêtait aucune attention, elle savait qu'elle était la meilleure et qu'elle parvenait toujours à ses fins. « Je reviens tout de suite » lui dit-elle avant de partir s'entretenir avec les policiers qui s'occupent de son cas. Rien d'inédit ou d'exceptionnel ou de difficile. Elle savait ce qu'elle avait à dire, les arguments qu'elle avait à apporter pour les convaincre. Quelques minutes après, elle revint au niveau des cellules de garde à vue. « Tu peux sortir, je te conseille de faire profil bas, pas de provocation» lui conseilla, ordonna-t-elle même, le mettant en garde contre toute tentative de fanfaronnade. Elle savait leur accord fragile, ce serait bête de tout gâcher. |