i'm not insane, my mother had me tested (w: leonor)

Dans la vie, il y a des jours avec et puis des jours sans et bien ce jour-là avait été de façon incontestable un jour sans en ce qui concernait Clement personnellement. Depuis le matin, c'était comme si tout le monde s'était ligué pour lui prendre le chou et il avait été de problème en problème. Pas forcément les problèmes énormes, qui vous empoisonnent l'existence, non, mais juste les petites broutilles qui vous saoulent bien comme il faut et qui sont parfaitement gérables, mais qui deviennent vite insupportables lorsqu'elles s'enchainent et c'était ce qui s'était passé ce jour-là : une série de petites broutilles qui avait eut pour effet de l'exaspérer d'une façon juste prodigieuse. La journée lui avait du coup parue tout bonnement interminable et il avait éprouvé un soulagement intense à passer le pas de son appartement. Par chance, il finissait relativement tôt et avait retrouvé le lieu vide. Il avait filé direct sous la douche pour enfiler ensuite une tenue plus confortable pour trainer à la maison et puis, une fois tout beau tout propre, il avait pris place dans la cuisine. Ce n'était pas tant qu'il avait faim, mais il avait envie de cuisiner. Et c'était donc ce qu'il avait fait. Il avait commencé à préparer des muffins et n'avait pas arrêté, multipliant les fournées. Il avait mis la musique et s'efforçait de se garder l'esprit occupé tout en faisant quelque chose qu'il aimait pour compenser avec cette journée épuisante. Au bout d'environ deux heures, il se redressa pour découvrir qu'une bonne partie de la cuisine croulait sous les assiettes de muffins parfumés de différentes façons (il s'en était donné à coeur joie). Il se mordit la lèvre, constatant qu'il s'était peut-être trop emballé. Il attrapa un des muffins sur un plateau et mordit dedans avec envie. A la myrtille. Délicieux (manquerait plus que ce soit mauvais), mais il réalisa qu'il avait envie d'un truc salé et décida de se lancer dans la confection d'espèce de croques monsieur améliorés. Après ça il irait peut-être se faire pour la genre quarantième fois un de ses bouquins Harry Potter qu'il chérissait depuis tant d'années. Il était tellement absorbé dans ses pensées (et la musique au taquet n'aidait pas), qu'il n'entendit même pas la porte s'ouvrir et se refermer, signalant que sa colocataire était rentrée.

Il était près de 18 heures quand je me décidais enfin à rentrer chez moi. J’avais passé une journée plutôt bonne, en somme, vraiment. Je dirais plutôt qu’elle n’était pas particulièrement mauvaise, mais peut-être juste un peu ennuyeuse. La route me manque, j’aimais tellement vivre sans aucune responsabilité, étude, famille qui soit dans le coin. J’avais passé quelques belles années à faire le tour du monde, et maintenant mon monde se résumait à Boston. C’était quelque chose auquel j’ai du mal à m’habitué, c’était bien, au début. Puis il y a eu le spring break. Ce séjour au Chili m’a rappelé tellement de souvenir, j’avais juste envie de partir faire le tour du monde une fois encore, mais je ne pouvais possiblement pas faire ça à mon frère. C’est lui que j’avais rejoint ici après tout. J’y repensais beaucoup ces temps-ci, mais pour l’instant, je n’en faisais rien. Aujourd’hui était un de ces jours, j’y avais pensé, à prendre un avion, à partir, puis j’ia renoncé. Je ne renonce pas à beaucoup de choses, au contraire, je faisais tout. Tout et n’importe quoi, alors j’étais frustré. Profondément frustré. Pourquoi je ne pouvais pas juste faire ce que j’avais envie de faire ? C’était ça avoir une « vraie » vie, des responsabilités, des études ? Je détestais ça. Pas la peine de dire que je n’étais pas d’une très bonne humeur en arrivant chez moi. Pas particulièrement mauvaise, mais toujours pas très bonne. Je déposais mon sac et mes clés près de la porte et enlevais mes chaussures tout en me faisant un chemin vers la cuisine. Je sentais une odeur de muffin, et j’aimais bien les muffins en général. Mais qui sait, peut-être pas aujourd’hui. « Qu’est-ce qu’il c’est passé aujourd’hui ? » Je n’étais pas le genre de fille qui cuisine en général, je n’étais pas le genre à faire le ménage non plus, mais ça ne voulait pas dire que j’aimais que ma cuisine soit en bordel. Au contraire. Et qui allait manger tous ces muffins ? « Clement, sérieusement ? Tu comptes pas sur moi pour ranger ou manger tout ça quand même ? »

Clement avait grandit dans un véritable nid de control freaks et force était de constater que ça avait un peu dépeint sur lui. Il était du genre un peu obsessionnel et quand il se lançait dans un truc, c'était à fond, même si parfois, c'était au point où il déconnectait pas mal de la réalité en s'emballant un peu trop. C'était le cas quand il en avait par dessus la tête comme ce jour-là. Il avait eut besoin de faire quelque chose de s'occuper un peu les mains et il avait choisit la cuisine pour cela, y mettant au passage un bordel sans nom. Il avait déjà fait plus de muffins qu'il ne pourrait en avaler et il trouvait encore le moyen de se préparer autre chose. Il était tellement pris dans ce qu'il faisait qu'il sursauta presque en entendant la voix de Leonor derrière lui. « Qu’est-ce qu’il c’est passé aujourd’hui ? » Il fit volte face pour découvrir sa coloc qui se frayait un chemin jusqu'à lui, détournant un peu les yeux de la nourriture. « Que du moche » lança-t'il avec un petit haussement d'épaules, comme si ça expliquait tout et notamment l'ensevelissement de toutes surfaces dans ou à proximité de la cuisine sous les plateaux de muffins. « Clement, sérieusement ? Tu comptes pas sur moi pour ranger ou manger tout ça quand même ? » Il n'oserait pas. « Mais, non, t'inquiètes, j'étais juste d'humeur à cuisiner un peu » "un peu". C'était pas franchement les mots parfaits pour illustrer la situation. Clement se mordit doucement la lèvre, son regard braqué sur celui de son amie. « Ok, je me suis un peu trop emballé, mais c'est pas bien grave. Les muffins sont plutôt bons et je trouverais bien quelqu'un à qui les filer ou alors je mangerais que ça durant deux semaines. » Il risquait l'overdose, soit, mais ce n'était pas un drame en somme. Néanmoins, il décida de taire le fait que au après l'attaque des muffins, il commençait à se lancer dans un atelier croque-monsieurs. Il était peut-être temps de songer à freiner un peu. Il tendit une main et attrapa un muffin qu'il découpa en quelques morceaux avant d'en mettre un dans sa bouche. Une fois le morceau avalé, il rouvrit la bouche. « T'as passé une bonne journée ? »