Diana E. G. Bridgestone ○ Jessica Stam

Boston ; 1996

Ma mère a toujours adoré me chouchouter, me gâter, et ça depuis que je suis toute petite. Secrètement, elle espérait faire de moi une sorte de petit clone, quelqu'un qui puisse lui ressembler parfaitement, autant physiquement que caractériellement. J'étais la seule fille qu'elle ait pu avoir, et notre couleur de cheveux commune lui rappelait inlassablement son côté slave, à défaut du vide d'affection qu'elle portait à mes frères. Elle me prenait sur ses genoux et passait inlassablement ma petite brosse dans mes cheveux, j'étais toujours soucieuse dans ces moments là. Je mettais mais petites mains potelées derrière ma tête, comme si elles avaient pur recouvrir mon crâne en entier. « Maman, ils sont plus avec des nœuds là, mes chevaux ! ». Elle arrêta le mouvement de la brosse et me déposa un baiser sur la joue. « On dit 'des cheveux', ma chérie ». Elle recommença le mouvement, à mon grand regret. « Tu sais, c'est très important d'avoir des jolis cheveux, mon cœur. En plus, tu as la même couleur que la mienne, et c'est très rare ici ! Alors, sois la plus jolie ; tu deviendras comme Maman ! ». A 6 ans je ne savais pas vraiment ce que voulait dire 'être comme maman' ; puis le jour de mes 8 ans, lorsque mon père a finalement cédé aux caprices de ma mère, je suis montée sur un podium, une sorte de concours de mini miss. Mais je ne suis pas dans mon élément, je n'aime pas toutes ces filles qui me regardent et qui rigolent, je ne sais même pas pourquoi, je n'aime pas être loin de ma maman. Et lorsque je la regarde, elle sourit et elle me fait coucou de la main, elle est contente, alors moi aussi je souris, parce que si maman est contente, je le suis aussi. En plus, maman dit que notre famille doit toujours avoir le meilleur et être le meilleur. Et quand elle dit ça, je l'entends toujours dire des mots bizarres avec papa, des trucs comme 'eliot' ou 'pécho dans la chambre d'étudiante de maman'. Je comprends pas vraiment, mais comme maman ne cesse de le répéter, il faut que je sois la meilleure.

Boston ; 2006

Il fait sombre dans cette rue, seule la lumière de quelques lampadaires et la lumières aux fenêtres des immeubles. Un frisson parcourt mon échine, un frisson d'excitation, je sens que tout peut arriver en une fraction de seconde, que tout peut changer, et que le danger se trouve à chaque coin de rue. Je remonte mes cheveux en chignon et sors un bedo de ma boîte de cigarette. Je l'allume et inspire, en fixant mon groupe d'amis, qui se trouve un peu plus loin, devant moi, alcool à la main. « Oh Schiffer ! Ramène tes jolies petites fesses par ici ! ». Je recrache la fumée, dans un petit rire. Je ne me rappelle même plus à quelle période ce surnom est devenu mon officiel ; car, d'ailleurs, je n'ai aucune ressemblance avec Claudia Schiffer - sauf la couleur de cheveux peut-être. Je mets ma deuxième main au fond de mon blouson en cuir et me rapproche d'eux. « Alors bébé, tu fais tourner ? ». Je dégage la main qui était venue se posée sur mon épaule, dès la prononciation de cette phrase et fixais Scott dans les yeux. Ma taille a toujours été un avantage non négligeable ; à 16 ans, je faisais déjà un mètre soixante dix sept. Je souris et recrachais à nouveau la bouffée de fumée qui venait de passer dans mes poumons. « vas t'faire foutre scotty ; t'as pas de devoirs à faire ? ». Je souris; il adorait que je l'envoie chier comme ça et moi j'adorais le faire aussi, afficher mon vrai caractère; celui que peu de monde supporte. Je lui passais le bedo entre ses doigts et me retournais pour avancer vers les autres, levais les bras en l'air et poussait un cri « Alooooors mes chériiiiiis, il est où cet after ? ».

Paris ; 2009

« Vous avez un nouveau message. » Alleeeeez bouge, j'ai pas que ça à faire que d'attendre. Je regarde mon visage dans le miroir, on dirait un raton laveur : mon mascara et mon eye liner ont complètement dégouliné. J'ai tellement bien dérouillé cette nuit. « Ma chérie, tu as été accepté à Harvard, félicitations mon cœur, je suis si fière de toi, tu ne pouvais pas mieux montrer ta dignité à notre famille ! » Et bla et bla et bla. « Je ferai tout pour que tu es une place sûre au sein de la Eliot, compte sur moi ! Tu connaitras vraiment ce que ton père et moi avons vécu ! ». Je sens la rage monter en moi et je jette la bouteille d'eau que j'avais dans la main : NON ! Ça ne se passera pas comme ça. Elle profite du fait que je sois partie en stage, parce qu'elle le voulait pour m'inscrire comme bon lui semble. Je jette mes chaussures contre le mur et attrape mon téléphone, puis regarde par la fenêtre. Ce n'est qu'après quelques secondes que je remarque que le voisin d'en face à l'air de bien savourer la vision que je lui offre, en string et débardeur. Pas le temps pour ces conneries. Je lui fait un petit sourire taquin, ma marque de fabrique, et lui fait un doigt. Trois, quatre, cinq tonalités ... « MAMAN. Je t'emmerde toi et tes bonnes manières, je ne serai jamais comme toi, JAMAIS. Pas la peine de choisir ce que tu veux que je sois. Je m'occuperai de mon inscription à la rentrée et compte sur moi pour m'envoyer tout le campus et boire plus de bouteilles d'alcool que tu n'as bu que vittel à la fraise. » Je raccroche. Ma mère sent que je lui échappe, et je sais que cela l'inquiète; elle a peur que le mannequin potentiel, que je suis, qui pourrait faire réapparaitre notre nom sur la scène russe, ne foute tout en l'air. Et pourtant, si elle savait, c'est ce que je vais faire. Au moins, je suis sure d'une chose. Ma mère sait que je ferai bonne figure lorsqu'il y en aura besoin, comme je l'ai toujours fait. J'ai toujours su jongler entre les réceptions qu'elle organisait et les soirées complètement dépravées auxquelles j'étais une habituée, voir même une figure, qui n'était jamais oubliée, lors des invitations. J'arrive Harvard, et je vais tout remuer.