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A la réception de son message me proposant une soirée en sa compagnie, j'avoue que dans un premier temps, j'ai hésité. N'ayant plus envie de grand-chose, depuis quelques temps, depuis ce jour où j'ai appris ce qui se trouve en moi, résultat de cette luxure dans laquelle Clay et moi, au Chili, on s'est vautrés. Persuadés de pouvoir défier les lois de la procréation. Comme deux cons. Ma décision pourtant prise, cela n'empêche pas que nous allons devoir attendre quelques jours avant de voir ma volonté réalisée. Parce que je dois faire face à plus de contre temps que prévu, un mariage a préparer, une société à reprendre, dans lesquelles je dois encore imposé ma marque, ma patte. Mon autorité, face à une bande d'employés ayant du mal avec l'idée qu'une femme va bientôt les diriger. Et même si l'envie de sortir, de m'évader pourrait être parfaitement justifiée, c'est tout le contraire que j'ai ressenti, ne sachant plus vraiment comment me comporter et être moi, portant ce monstre embryonnaire qui aliène mes façons de faire. Preuve en est cette dernière soirée un tantinet mondaine que l'université a cru bon d'organiser, nuit pailletée durant laquelle je n'ai pas forcément brillé, hésitante entre le désir de faire comme si tout va bien, et celle de passer mon chemin. Aussi bien que je le fais maintenant, alors que je suis en train de me dresser sur mes louboutins que la grossesse me donne du mal à supporter, première fois de ma vie que je me suis laissée penser que ces putains de chaussures pouvaient me défoncer les pieds. Tout à l'heure, même, lorsqu'à travers le miroir je me maquillais, je me suis faite cette étrange réflexion, celle de changer. De voir mes traits se fatiguer, ne plus réellement me ressembler. Émotive, j'en ai eu le besoin à la limite vital de me mettre à pleurer, et c'est en colère contre cette Annalynne que je ne suis pas que je me suis retenue de le faire. Assise sur le canapé en l'attendant, je tourne entre mes doigts, mon téléphone sans trop savoir si je dois envoyer un texto à Clay ou pas … Même si nous sommes toujours ensemble, je ne peux plus nier, non accorder aux choses le fait qu'à ce qu'elles étaient elles ne peuvent plus ressembler. J'en déverrouille malgré tout mon clavier, pianote rapidement afin d'accéder au menu prédisposé à me voir envoyer quelques mots à mon amant. Mais l'interphone me coupe dans les possibilités de phrases que je pourrai lui vomir, alors j'en viens à me contenter d'appuyer sur le bouton effacer, au moment de me lever. Accusant un haut le coeur, ma tête semblant vaciller. Je n'ai pas mangé, et je ne saurai dire depuis quand, hier peut-être, oui, sûrement. Et j'attrape mon sac à main, mes clefs, et ferme la porte derrière moi, marche dans le corridor, laisse mes prunelles s'attarder sur cette porte que j'ai de plus en plus de mal à passer, l'appartement que plusieurs mois nous avons partagés. Instants si lointains, de notre relation à l'époque, toute à nos différences, à ces moments de guerres et d'espérances. Un à un je descends les escaliers, avant de pousser la porte du bâtiment, et de croiser directement le regard de celui qui s'apparente le plus à ce qu'on appelle plus communément ami. J'esquisse un sourire, quand ma joue s'appose sur la sienne en une bise simplifiée, arquant les sourcils, demandeuse et accusatrice quand je lui sers en guise de bonjour « T'as intérêt d'avoir des choses à raconter, j'ai besoin de me changer les idées. » Pas polie pour un sous, mais il est habitué. Il est de ceux qui arrivent à me supporter depuis déjà nombre d'années.
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