H. KIARA DUFF ► kristina bazan

Miss Duff, vous pouvez commencer.

« Kiara, descend ! On t’attend ! » Une robe bleue recouvrant mon corps, je me regardais depuis plus de dix minutes dans le miroir. Mon maquillage et ma coiffure était impeccable. Mais je détestais les chaussures que je portais. Elles faisaient mal et j’étais trop jeune pour me contenir et penser qu’il fallait souffrir pour être belle. Je sortais de ma chambre pour dévaler les escaliers à toute vitesse. Quand j’arrivais enfin en bas, ma mère me prenait en photo, fière de qui j’étais, de ce que je représentais à ses yeux, alors que je n’avais que huit ans. « Allez tout le monde en voiture ! » Ma mère attrapait ma main, je détestais ne pas être à ses côtés quand nous partions de la maison. Je me souviendrais toujours de ce jour, parce que cette robe c’était le symbole de la première fois où j’étais demoiselle d’honneur. Je ne l’ai jamais remise après, et les chaussures ont terminé à la poubelle avec une vitesse sans faille. Mon enfance était plutôt heureuse quand on regarde bien. Je n’ai jamais perdu personne de ma famille, j’avais tout ce que je pouvais rêver d’avoir juste en posant les yeux sur mon petit chien tout brun. Et mes parents m’ont toujours aimé comme il le devait.

Intéressant.

Sentir l’air frais sur son visage, devoir supporter une valise beaucoup trop lourde pour ce qu’elle ne paraît. Je n’avais pas vécu ça depuis longtemps. Et en même temps je dois dire que ça m’avait beaucoup manqué. Revenir à la maison après deux ans d’absence me donnait du baume au cœur et j’avais vraiment hâte de retrouver toutes les personnes que j’aimais et qui m'avaient manqué lors de mon départ. Je n’avais que vingt ans lorsque j'étais venu à quitter mes parents pour mon pays natal, j'étais jeune et insouciante. Je n'arrive même pas à me rappeler ce qui m'avait pris de partir en pleine année comme ça. Lorsque mon avion tout droit venu d’Australie venait à se poser au sol il y a quelque mois pour mon retour. Ma mère était avec les autres familles des passagers. En la voyant je ne pouvais pas m’empêcher de courir dans sa direction et de la prendre dans mes bras. Nous étions très proche, et j’avais tellement hâte de lui raconter tout mon voyage. Elle savait que j’étais partie pour passer soit-disant du temps avec mes grands-parents tout en révisant pour les cours que je passais sur internet, mais elle ignorait que j’avais découvert que j’étais malade. Alors, en rentrant chez nous, j’avais rangé mes affaires avant de descendre au salon et de m’asseoir à ses côtés. Je me souviens encore que ma mère n’avait pas compris sur le coup ce que j’attendais d’elle, mais je voulais simplement qu’elle m’écoute, et qu’elle soit là pour moi. Alors, oui, j’avais commencé à lui expliqué que j’avais une maladie cardiaque qui pouvait déclencher des crises de tachycardie, mais que les médecins m’avaient confié que je pouvais très bien vivre longtemps avec ceci si je faisais attention à moi. En voyant sa réaction, j’étais sentimentalement impliquée. Elle me prenait dans ses bras pour me dire qu’elle était contente que je sois de retour. Et les larmes commençaient à tomber et glisser le long de mes joues. Mon père quand a lui n’était presque jamais là à cause du travail. Il était tout le temps en déplacement dans de grandes villes mondaines et ramenait des cadeaux pour pardonner ses longues disparitions. Il me manquait à chaque fois, et même encore aujourd’hui. Si beaucoup pense que je suis comme ma mère, c’est parce qu’ils ne connaissent pas vraiment mon géniteur. Je suis son portrait craché en tout point. Physique comme mental. Et je suis aussi très proche de lui malgré que je ne dois le voir que deux mois par an.

Et maintenant, que faites-vous ?

Je continue toujours mes études de médecine. Tout ceci à cause des nombreux mystères non résolus de la vie. Le cancer ou encore le sida. Je voulais travailler pour un jour peut-être pouvoir guérir des patients atteints de cette maladie, quitte à mettre ma vie amoureuse de côté. Mes amis m’admirent beaucoup pour mon dévouement à mes études, mais je sais qu’ils m’en voulaient avant à cause de cela, parce que je passais peu de temps avec eux. Aujourd’hui, j’ai vingt-deux ans et je passe de moins en moins de temps avec ma mère et mes amis d'enfance à cause du superbe studio que mon père m’a offert au nord de Boston. Le bon côté c’est que je peux vivre ma propre vie et me promener en sous-vêtements sans penser aux personnes qui pourraient me voir à travers les baies vitrées. Au moins, ils n’étaient pas dans mon appartement ces petits voyeurs, donc ça m’allait. Je suis heureuse de pouvoir compter sur moi-même, plus que sur une autre personne. C’est exactement comme si j’avais des super-pouvoirs à chaque fois que je faisais le ménage en chanson, je sautais sur mon canapé pour le refrain et passait l’aspirateur pour les couplets. C’est ma vie, c’est mon histoire, et même si je n’ai pas raconté le moment de ma naissance, c’est plus ou moins ce qui me paraît important à garder en mémoire.

Merveilleux, même si quelque détails ne me concernent pas, je ne suis que votre thérapeute après tout.

Oui, je sais docteur, mais je vous connais depuis peu de temps et celui que je voyais avant vous était une personne sensiblement très proche de moi, je lui racontais tout ce qui me passait par la tête. De la licorne enchantée au plat que j'allais manger en partant de son cabinet. Malheureusement il est décédé avant que je ne rentre d'Australie et vous étiez son plus proche collègue selon sa secrétaire. Alors soyez sympathique, soyez comme lui… Avec moi au moins. Parce que je le considérais comme une journal intime, je n'avais pas peur de lui parler de mes addictions, de mes cauchemars et même de mes peines.

Promis, mais qu'à partir de la prochaine séance, celle-ci est terminé mademoiselle, je vous vois dans trois semaines.

Merci docteur, à bientôt.