(sachkorphée) every breath you take.

Since you've gone I've been lost without a trace. I dream at night, I can only see your face.
— Sachkorphée.

Eh bien on pouvait dire que t’étais parvenue à rester une petite semaine la parfaite nana. Bon, c’était pas grand chose, mais une petite victoire. Fallait dire que c’était agréable d’avoir des ongles quand même, de pouvoir jouer les grandes blondes sensuelles aux ongles rouges vifs… Tu pouvais remercier Sachka. En un message, il avait réussi à faire passer passer ton taux de stress à un niveau encore rarement exploré. T’étais inquiète oui, bien sûr. Il avait l’air tellement… bizarre dans son message. Bon en même temps c’était pas trop le genre du russe que de mettre des smileys coeur et câlins à chacun de ses mots, ni de t’écrire toutes les trente secondes pour te rassurer. Mais quand même ! A force tu connaissais à le connaître un peu, et tu savais que là c’était quelque chose d’important. Surtout pour qu’il insiste pour te voir et te prévienne. En général il te faisait toujours la surprise, et à chaque fois t’étais toujours un peu plus ravie. Alors t’attendais là, assise à la table de ton starbuck, faisant tourner ta paille dans ton smoothie aux orties - ouais tu savais qu’un café t’aurait été fatal dans une tel situation. T’avais plutôt opté pour des fruits. C’est bon les fruits, c’est bien, ça calme. Pour le coup au moins t’étais à l’heure. Tu guettais la vitrine en attendant qu’il arrive et lorsque tu l’aperçus, tu te levas d’un bond en déglutissant. « Sachka ! Je te déteste, je te déteste, je te déteste ! J’arrive pas à me calmer. » Tu soupiras en le prenant par les épaules, le serrant dans tes bras en inspirant son odeur. « Bon t’as rien au visage, c’est déjà pas que tu t’es battu ou que tu t’es fais battre par un gang de mafieux venu d’Italie. » Ouais, t’étais capable de t’inventer un sacré paquet d’histoire. Inquiète néanmoins, aussi ridicule que ça puisse paraitre, tu le laissas s’asseoir en venant glisser tes doigts dans les siens, les entrelaçant. T’attendais juste qu’il parle maintenant.

Depuis le Spring Break, je n’avais pas revu Orphée. Ca faisait un bail en fait. Et la gamine avec ses câlins et les surnoms débiles qu’elle osait me donner…me manquait terriblement. Alors oui, je voulais la revoir, mais non je n’avais pas envie de la revoir…en ce moment. Enfin si, mais pas qu’elle apprenne ce que j’avais fait. Et pourtant, je lui avais envoyé un texto presque tout de suite dès que j’étais rentré de Vegas. Qu’est-ce qui m’avait pris ! C’était pas comme si je lui devais des explications ou que ma vie était tellement importante qu’elle avait besoin d’en connaître chaque chapitre. Non, c’est sûrement parce que Fifi et moi, c’est…particulier. Elle est comme ma petite sœur, mais ne le sera jamais. Je l’adore, mais pas d’une amitié aussi platonique que j’aimerais le faire croire. Forcément, c’était là d’où venait le problème. Et puis, on avait pris l’habitude de tout se raconter elle et moi. On savait que si l’un avait besoin de causer, d’un câlin – bon ça c’était surtout elle – à n’importe quel moment de la journée, l’autre serait là les bras grands ouverts. Or, tout ce dont j’avais envie maintenant, c’était de la voir. Mais tout ce dont j’aurais mérité, c’était une bonne gifle pour me remettre les pendules à l’heure. Espérons qu’on n’en arriverait pas là.

On s’était donné rendez-vous au Starbuck. J’espérais secrètement qu’il n’y aurait pas grand monde et surtout pas d’étudiants de notre campus pour éviter que tout le monde apprenne ce qui s’était passé avec Sharon. Vêtu d’un blouson noir, pantalon noir et chemise entrouverte…bleu marine, avec une paire de baskets surélevées – mon style vestimentaire s’améliorant de jour en jour grâce aux précieux conseils de Mira – c’est donc habillé en bad boy qui voulait qu’on lui foute la paix que je débarquais dans le café, à la recherche de Fifi. Ce qui ne mit pas très longtemps, en fin de compte. Une mini-tornade venait tout juste d’échouer contre mon torse. L’air blasé, jetant un regard noir au premier qui oserait dire « ohhh c’est mignon » ou même qui nous regarderait, je reste droit comme un piqué, toujours aussi peu habitué à de telles démonstrations d’affection, surtout en public. « J’me d’mande ce que t’aurait fait si je t’avais dit que je m’étais fait ramasser par un camion. » soufflai-je à son oreille. « Non, c’est pas ça. Mais ç’aurait pu, c’est clair. » Là, je me moquais clairement, mais gentiment de mon amie. Des mafiosi ? Sérieusement ? Il était clair cependant qu’elle était heureuse de me savoir en vie et entier, ce qu’intérieurement, je ne manquais pas d’apprécier.

Bientôt assis, j’en profite pour commander un thé glacé au melon –j’aime boire du froid en hiver et alors ? – et jette un œil gêné à ses doigts entrelacés aux miens. « Hum…euh…Fifi…tu f’rais quoi si j’t’annonçais que j’avais fait une grosse connerie ? » D’abord, prendre la température, ça vaut mieux. « Pas le genre frapper quelqu’un ou voler mais une connerie qui change quand même pas mal ma vie d’tous les jours. » continuai-je en remerciant la serveuse qui était venu m’apporter ma boisson avec un radieux sourire d’allumeuse et à laquelle je n’avais même pas prêté attention en lui payant avec un pourboire. « Genre, si par exemple je te disais que je m’étais marié à Vegas avec une fille avec laquelle j’avais l’habitude de coucher parce qu’on était trop défoncé pour réfléchir ? » lâchai-je à voix basse d’une voix égale. « C’est un exemple hein… » Tu parles.

Since you've gone I've been lost without a trace. I dream at night, I can only see your face.
— Sachkorphée.

T’avais vraiment aucune idée de quoi il pouvait te parler. Fallait dire que c’était plutôt rare qu’on t’appelle en urgence comme cela, sans plus d’explications sauf celle qu’il s’agissait de quelque chose d’urgent qu’il fallait absolument qu’il te raconte. Surtout de la part de Sachka, qui était en général plutôt concis dans ses textos. Raison de plus pour t’inquiéter. Même si t’étais tout de même satisfaite du fait qu’il veuille te parler, directement à toi, comme si ton avis et le fait de te mettre au courant étaient terriblement importants. Et ça l’était, sans aucun doute. A la seconde où tu l’aperçus en train de rentrer tu te levas pour aller directement à sa rencontre, marchant avec lui jusqu’à sa table en lui reprochant de te faire t’inquiéter. T’étais vraiment nerveuse, comme si tout ce qui lui arrivait avait directement un impact sur ta propre situation. Sur ta propre vie. Fallait dire que Sachka était un peu particulier pour toi, c’était plus qu’évident, même si tu ne parvenais pas à t’expliquer ne quoi. Tu le regarda s’installer, glissant tes mains autour de ton thé que t’avais rapidement commandé dans l’inquiétude. Tu roulas les yeux en l’entendant. « J’aurai certainement débarqué dans ton squat et je t’aurai tiré par la peau du cul jusqu’à l’hopital, Gretchko. » Tu fis néanmoins avec un petit sourire entendu. Il ne savait pas tout ce dont t’étais capable. Quoique peut-être s’en doutait-il. Il se moqua d’ailleurs un peu de ta théorie du complot et tu fis la moue. « Hey, tu sais pas tout ce qui peut se passer dans le cerveau d’une fille lorsqu’on lui raconte qu’il s’est passé quelque chose de grave ! » Ton exemple était mauvais, t’étais certainement pas n’importe qu’elle fille et lui n’importe quel mec, c’était votre relation qui était spéciale et qui favorisait ton inquiétude, évidement.

Tu fronças un peu les sourcils en l’entendant, avalant quelques gorgées de ton thé. « …J-Je suppose que ça dépend de quelle genre de connerie… » Tu fis en resserrant tes doigts dans les siens, malgré lui, il attisait ton inquiétude. Tu te raclas la gorge, reposant ton gobelet. « T’as tué quelqu’un ? » Tu demandas en mordillant ta lèvre, sans doute trop nourrie aux séries comme how to get away with murder. Toutes les séries du moment avait ce genre d’intrigue, remarque. Ton regard croisa celui insistant de la serveuse et tu lui montra légèrement les dents, c’était vraiment pas le moment. Tu jetas néanmoins un oeil a comptoir, voir si Zeke était là. Même pas, okay, crache le morceau Sachka. Et tandis qu’il parlait, tes sourcils se fronçait d’avantage. T’eus comme un petit beug. « Q-Quoi ? » Il rajouta que ça pouvait être un exemple mais évidement tu compris que ça n’en était pas un. Tu regardas autour de toi sur le coup, grimaçant un peu en reposant les yeux sur lui. « Sachka, tu t’es marié ?! » Tu fis en mordillant ta lèvre, penchant la tête sur le coté. « Mais euh… Tu… C’est pas possible ! » Tu fis en portant une main à ton front, te le massant un peu, telle une mère désespérée par les mauvaises notes de son fils. « Dans quelle merde tu t’es encore fourré, gros ours. » Tu fis en penchant la tête sur le coté, ne sachant quoi lui dire, secouant la tête en avalant quelques gorgées de ton thé pour aider à faire passer la nouvelle. « Qu’est-ce que tu vas faire ? » Tu demandas, peinant un peu à réaliser.

« C’est ça. T’as le droit de croire qu’ça aurait pu s’passer comme ça. » ironisai-je en haussant un sourcil. Par la peau du cul, moi ? Elle aurait dû se lever tôt alors, ma crevette. Enfin, là n’est pas le propos de toutes façons. J’étais plutôt heureux de savoir qu’elle s’était inquiétée pour moi, même si son inquiétude…était assez bizarre quand je me rendis compte des scénarii qu’elle avait pu imaginer dans sa jolie tête blonde. Le simple fait qu’elle évoqua que j’avais pu tuer quelqu’un –encore que pour certaines personnes, j’aurai bien fait une exception- me fit froncer les sourcils en la toisant comme si elle était devenue complètement folle. « Ah oui ‘fectivement. » soupirai-je en hochant la tête de gauche à droite, un sourire franchement blasé sur le visage. « J’pensais pas que le cerveau d’une fille fonctionnait de cette manière. » me moquai-je gentiment. Lorsqu’enfin je lui déballais toute l’histoire, je pris sur moi pour ne pas inspirer un bon coup, histoire de faire voir le moins possible mes nerfs qui étaient en pelote depuis cette histoire de mariage. « Bah si, tu vois. » Pas possible ? Parce qu’il s’agissait de moi, le célibataire le plus ronchon du campus ? Ou parce que j’avais l’air d’un con en avouant que j’avais épousé une fille que je connaissais à peine alors que j’étais ko ? Je manquais de lui briser la main lorsqu’elle osa prononcer ce surnom –quoiqu’affectueux- mais audible par l’ensemble des gens présents dans le café à ce moment-là. Un peu de discrétion, Fifi, s’il te plait. J’ai une réputation de gros dur à tenir j’te rappelle ! « J’en sais rien. Lui envoyer un message déjà, c’serait pas mal. » soupirai-je, visiblement accablé. « Mais j’sais pas quoi lui dire en fait. Ouais salut c’est ton mari que t’as lâché à Vegas. Je veux divorcer. Non, c’est complètement con comme répartie. » murmurai-je pour moi-même. « Faut déjà que je me renseigne sur les procédures de divorce. T’y connais quelque chose toi ? » lui demandai-je alors, une infime lueur d’espoir dans le regard.

Since you've gone I've been lost without a trace. I dream at night, I can only see your face.
— Sachkorphée.

Il ne t’en croyait pas capable ? C’est qu’il ne te connaissait pas dans l’urgence extrême. Oh que oui tu l’aurais conduis à l’hôpital, de gré ou de force, il ne te connaissait pas en pleine crise de panique. T’étais redoutable. Tu roulas les yeux d’un air exagéré. « Allez, on sait tous très bien que j’en suis parfaitement capable. » Tu fis avec un léger sourire entendu. Ouais t’avais un peu beaucoup de caractère, un bon caractère de merde qu’il fallait supporter. C’était pas le cas de tout le monde. « Pas le cerveau de toutes les filles, mais le mien est un peu détraqué tu comprends. » Tu fis en riant; il le fallait bien pour être aussi attaché à un mec qui épouse une meuf à Las Vegas lorsqu’il est bourré. Il était pas tout à fait banal le Sachka non plus. Cette pensée te fit d’ailleurs légèrement rire, mais cela ne dura qu’un temps. Tu fus rapidement rattrapée par la réalité : Sachka était désormais un homme marié. T’arrivais vraiment pas à y croire. Sachka, l’éternel célibataire que tu savais pourtant rarement seul… Marié ? Y’avait quelque chose qui n’allait pas dans la phrase. Tu eus d’ailleurs un drôle de pincement au coeur que tu n’expliquais pas, le fixant un long moment. Sur le coup, sous la surprise, tu te eus pour étrange réflexe que de te raccrocher à ton surnom, ce qui le fit grogner, comme d’habitude. « Gros ours, gros ours, gros ouuuuurs. Fais moi taaaaire. » Tu fis en souriant doucement, le rire te permettant de faire redescendre la pression, même si en vérité t’étais loin d’être tranquille. Tu finis par lui demander ce qu’il comptait faire, croisant les jambes en avalant deux nouvelles gorgées de thé, tâchant de l’écouter. « En effet, ce serait pas mal. » Tu acquiesças. Ainsi ne s’étaient-ils pas revus depuis ? Cette histoire était hallucinante. Tu soupiras doucement en l’entendant. « Peut-être plutôt quelque chose comme ‘’Sharon j’sais pas ce qu’on a foutu mais on a merdé ?'' » Tu hésitas d’ailleurs, une lueur traversant ton esprit. « Mais t’es sûr qu’elle en veut pas de ce mariage elle ? Si ça se trouve, c’était organisé. » Tu fis en haussant les épaules, ayant le doute, ou bien était-ce ta jalousie qui reprenait le dessus. Tu inspiras un peu en entendant sa question. « J’ai essayé de faire divorcer mes parents pendant quatre ans, mais j'connais aucun texte de loi par coeur. » Tu avouas en haussant un peu les épaules. « Dire que tout ce qui se passe à Vegas est censé rester à Vegas… » Tu soufflas sur une mèche blonde rebelle qui te tombant sur les yeux tandis que tu buvais, impossible à faire partir.

Je me tais. Le silence vaut acceptation à ce qu’on dit et je le reconnais intérieurement : Orphée aurait été tout à fait capable de me traîner à l’hôpital. Tout comme j’aurais été parfaitement capable de lui raser la tête dans son sommeil pour en faire une perruque une fois sorti de cet enfer blanc imbibé d’alcool médical. « C’est c’qui fait ton charme. » en concluai-je l’air blasé, comme s’il s’agissait de la pure logique. Je venais de lui faire un compliment ? Moi ? Apparemment. Et même moi je ne m’en étais pas rendu compte. « Bébé crevette. » soupirai-je, l’air désespéré en tournant la tête de gauche à droite. Je ne suis pas un ours, il faudra un jour que je le crie et que je l’écrive pour que tout le monde l’entende. « Ouais mais plus facile à dire qu’à faire. Déjà que la mariée a fui Vegas pratiquement le jour-même. Suis sûr que c’est pour m’éviter, alors comment tu veux qu’on s’parle si j’arrive même pas à lui mettre la main d’ssus. » grommelai-je, en croisant les bras sur mon torse. Les mots qu’elle prononça ensuite me firent aussitôt froncer les sourcils comme s’il s’agissait d’un point capital. Evidemment que Sharon ne voulait pas de ce mariage, sinon pourquoi elle aurait fui sitôt qu’il a fait jour ? Et de toutes façons, qu’elle le veuille ou non n’a pas d’importance puisque moi, je n’en voulais pas. Je tenais trop à ma liberté pour me laisser emprisonner sans rien faire. « Tu crois que… ? » Et pourtant, face à la logique d’Orphée, un doute m’assaille. Et si la jeune femme avait raison ? Il aurait fallu qu’elle sache que je me rende à Vegas pour qu’elle y soit aussi. Ca, c’était pas bien compliqué, suffisait qu’elle soit pote avec l’un de mes friends, et d’ailleurs c’était aussi peut-être son idée d’avoir versé ce truc hallucinogène dans mon verre…Non non, tu perds la tête Sach’, commence pas à accuser tout le monde, c’est toi qu’a merdé, point barre. L’un de mes sourcils se hausse alors à la réflexion de mon amie quant au mariage de ses parents. « Z’avez une drôle conception de l’engagement par ici. » ne fis-je que marmonner en songeant à ce que cela représentait à mes yeux, et aux yeux des russes en règle générale. « Bah évidemment que ça restera là-bas, pourquoi ? T’as l’intention d’en parler autour de toi ? » la sermonnai-je en recroisant les bras sur mon torse. Attention, le scotch sur la bouche n’est pas loin ma petite Fifi.