IVY DEL DUCE ► katie cassidy

Ma sœur et moi contre le reste du monde. Ma mère n'a pas eu la chance de survivre après notre venue au monde et je n'ai jamais connue de mon père, parait-il qu'il nous a abandonné aussitôt la grossesse annoncée. Ma mère n'était encore qu'une gamine à ce moment-là, une erreur de parcours, c'est ce qu'on représentait aux yeux de notre famille. Ma grand-mère n'a jamais pu apprécier la nouvelle, sa fille a été mise à la porte. Elle s'est débrouillée comme elle pouvait, venant se réfugier chez un oncle qui a su prendre d'elle, de nous. Après le drame de notre mise au monde, c'est lui qui s'est occupé de nous, être baladées d'une famille d'accueil à une autre ne faisait pas partie de ses projets. Je l'ai toujours vu comme un père depuis. Je n'ai jamais cherché à retrouver mon père biologique, il a perdu ce droit dès qu'il eut tourné son dos à ma mère.

Avec ma jumelle, on partageait tout, c'est tout ou rien, soit on peut s'aimer à la folie, soit s'insupporter, avec elle, on était comme les deux doigts de la main. Toujours une bêtise à faire à deux, une imagination débordante jusqu'à une nuit passée au poste de police, de quoi faire tirer les cheveux de mon oncle. Cela nous était égal, c'était notre façon à nous de vivre. Cette décision de poursuivre nos études à l'étranger nous est venue à toutes les deux. On a toujours voulu tenter cette expérience depuis le collège, une fois le lycée terminé, on s'est dit que c'était le moment où jamais de commencer un nouveau chapitre de notre vie. C'est sur Harvard que nous avons jetées notre dévolu, notre premier choix, une université prestigieuse qui fait beaucoup rêver. On a toutes nos chances, nos notes sont loin d'être catastrophiques, au contraire. Lorsque nous avions reçues toutes les deux notre lettre d'admission, on a sautées de joies, contrairement à notre oncle qui ne pouvait pas encore s'habituer au fait qu'il devrait se séparer de ses deux petits démons.

Je ne sais pas si entrer à Harvard était une bonne idée au final, j'ai beaucoup perdue entre temps. Touché par une bombe, je l'ai perdue elle. Ma moitié, mon tout, ma sœur jumelle, morte. C'est ainsi que va la vie, on ne pouvait rien prévoir, mais je me suis retrouvée hantée par ces images de son corps inertes et des "et si". Et si nous étions restées à Milan, elle se tiendrait toujours à côté de moi, je n'aurais pas à pleurer chaque année sa mort, à sentir une partie de moi, vide. Remonter la pente est difficile, j'ai filé en mauvais coton comme qui dirait. J'ai tout envoyé balader, mes études, mes notes en chute libre, j'ai repoussé toutes les personnes auxquelles je tenais, seul les plus courageux arrivaient à rester. Des fiançailles foutues en l'air, par ma faute. Je suis encore rongée aujourd'hui par certains regrets. On m'a un jour dit que ça ne servait à rien de rester au fond du gouffre, que ce n'est pas comme ceci que j'irai mieux. J'ai consulté, parler m'a fait du bien, m'a aidée à perdre ces mauvaises habitudes qui rognaient ma santé. Aujourd'hui j'ai repris une vie normal, j'apprends toujours à faire face, c'est encore une nouvelle page d'un nouveau chapitre qui s'ouvre, je dois écrire ma propre histoire, continuer à vivre, c'est ce qu'elle aurait voulu, vivre pour moi, pour elle.