LUDMILA PETROVA ► rosie tupper

ELIOT HOUSE.
Petrova. Rien que le nom devrait de ce pas l'intégrer à la maison des élites. Fille d'un politicien de renommé en Russie et d'une mère ancienne danseuse étoile, Mila et ses frères et sœurs ont grandi dans un milieu avantagé. Et c'était un euphémisme. Née avec une cuillère en or dans la bouche et servie sur un plateau d'argent, toute l'éducation de la jeune russe repose sur le prestige et la puissance, la poussant à se conduire et agir en tant que petite Princesse. Et accoutumée à fréquenter les plus grands de ce nom, Mila se fondrait on ne peut mieux aux membres de cette maison. Bref, Ludmila Petrova est destiné à intégrer cette maison, tous les Petrovas en général sont nés pour faire parti de l'élite. Pour preuve, Oksanna, son aînée fait également parti des Eliots, et elle avait bien l'intention de suivre ses pas.

CABOT HOUSE.
Indépendante, ambitieuse, charmeuse, et féminine jusqu'au bout des cuticules, Mila correspond parfaitement au profil d'une Cabot. Consciente de son charme, de son effet sur le sexe opposé, et légèrement manipulatrice, lorsqu'il s'agit de vouloir ce qu'elle souhaite, la jeune femme n'hésitera pas à jouer tous ses atouts. Redoutable. C'est le mot. Ludmila Petrova est une jolie princesse redoutable, et ne s'en cache pas lorsqu'il y a utilité. Mila veut également toujours faire circuler une parfaite image de soi, et de son entourage, de ce fait, être démodée n'est même pas pensable pour elle, ce qui a fait d'elle une vraie fashion victim comme on les aime. L'incarnation de la perfection féminine, en bref, c'est Ludmila, et si elle a sa place chez les Cabot, elle sera loin de s'en plaindre.

Once upon a time

P A R A D I S C O N F U S
a little girl with mystery
don't be shy sunday girl

MARS 2016, Harvard (USA) ≈ « Et trois quatre cinq six sept et huit ! Et un deux trois quatre cinq six sept et … saut de chat, sissonne, et saut et saut et … pirouette fouettée ! … Mlle Petrova, un peu de concentration s’il vous plaît, votre pirouette fouettée est horripilant et digne d’une débutante de six ans handicapée, reprenez-vous ! » La remarque fusa, faisant trembler et échouer la principale intéressée, qui se contenta de soupirer avant de leva les yeux au ciel en guise de réponse mais ne réprima aucun mot. Puis non sans jeter un regard noir à son institutrice, elle se remit en position et tenta de rejoindre le rythme de ses camarades de classe. Ludmila Petrova qu’elle s’appelait la petite. Et elle venait tout juste de reprendre la danse après deux ans de pause forcée et subie et clairement le manque d’entraînement se faisait ressentir ; le manque d’énergie sans doute aussi à force de s’acharner à rattraper son retard. Elle le savait. Elle le savait que c’était tout bonnement la meilleure des idées stupides qu’il lui était parvenue de revenir sur le campus, à Harvard. Deux ans et demi après son départ, deux ans et demi sans avoir frôlé la scène de ses pieds dansants, deux ans et demi sans avoir enfilé des chaussons de danse à ses pieds : son retour n’était réellement pas justifié, et elle était bien chanceuse qu’une telle université de prestige veuille encore d’une rescapée de son genre parmi leur rang. Elle aurait tout autant pu arrêter tout ça, la danse, les études, la vie étudiante. Pourtant elle était revenue. Et grâce à qui ? Ou plutôt à cause de qui ? Oksanna Petrova, sa sœur aînée. En partie. En grande partie. Oksanna, étudiante à Harvard depuis l’année dernière l’avait plus qu’influencer pour son retour. Ludmila avait été la première à étudier sur le campus, mais Oksanna avait été la première à réellement réussir à tenir dans ses études. Non pas que Ludmila ait arrêté de son plein gré, non, mais si elle avait vraiment écouté ce que lui soufflait le petit démon sur son épaule gauche, elle aurait continué sa vie en Russie sans plus jamais monter sur scène, et aurait abandonné son rêve. Tout était toujours plus facile lorsqu’il s’agit d’abandonner. Pas de combats, pas de travail acharné, pas de difficultés, tout semblait aller pour le mieux pour Ludmila. Puis Oksanna lui avait brutalement rappelé que, non, rien ne semblait aller pour Ludmila. « Mila, tu devrais revenir étudier à Harvard, ça ne te ferait que du bien tu sais ! » avait-elle maintes et maintes fois répété à sa cadette, espérant un jour qu’elle cède. Mais la jeune blonde ne céda pas, durant de nombreux mois, bien décidée à rester et finir sa vie en Russie. Allez savoir pourquoi. « Je peux pas. J’ai pas envie. » C’était son excuse, ses excuses, que personne n’avalait. Parce que si, elle le pouvait et si, elle en avait envie. Et tout le monde le savait. « Arrête tes bêtises ! Donne-moi une seule bonne raison de rester en Russie s’il te plaît. » « Pourquoi je devrais donner une raison au fait de vouloir rester chez moi, en compagnie de ma famille, dans mon pays, Oksanna ? Lâche-moi la grappe deux secondes s’il te plaît ! » ‘Ma Famille’. Ah. Parlons-en de cette fameuse famille tiens. Un père politicien, plus préoccupé par ses papiers et son soi-disant peuple que ses propres enfants, enfants dont la moitié illégitimes nés d’une union extra-conjugale du gentil papa ; des frères et sœurs en grand nombre préoccupait à faire on-ne-sait quoi on-ne-sait où, mais clairement pas près de Ludmila, excepté le grand frère qui semblait être l’allié suprême de la cadette dans toutes ses épreuves ; des oncles et tantes qui, de même, malgré leur proximité avec Mila ne semblait pas si proches que cela ; et une mère. Une mère. Morte. Il y a quelques mois, voire des années maintenant. Ludmila ne sait plus, ou du moins elle dit ne plus savoir, elle feint de ne plus compter, de ne plus s’en soucier. Et peut-être qu’en réalité elle ne s’en souciait plus vraiment. « Si c’est encore à cause de la mort de maman Mila, … » « La ferme Oksy, ça n’a rien à voir avec maman, tu le sais bien, je te l’ai dit cent fois que je m’en suis remise après tout ce temps, arrête de tout rapporter à ça s’il te plaît ! » Ca. Elle n’arrivait même pas à prononcer « mort », désigner ce ‘ça’, et là, tout était la preuve qu’elle ne s’en était pas remise. Mais feignait. Encore et encore. Comme elle feignait d’avoir la petite famille parfaite, sans ces enfants illégitimes de papa qui tannisait ce beau portrait familial tout mensonger. Mais au final, les mensonges ont vite de la rattraper. Parce que si, tout ce rapportait à ‘ça’. A sa mère, à sa famille. Si Ludmila Petrova avait commencé la danse classique à trois ans, ce n’était pas pour faire plaisir au chien de la maison, mais bel et bien la maîtresse de la maison. Sa mère, son modèle pendant toutes ces années, malgré le peu d’affection que celle-ci portait à ses enfants. Ou le peu de démonstration d’affection plutôt. Parce que bien évidemment, elle aimait ses enfants, mais la tradition russe veuille qu’on montre son amour à autrui par d’autres moyens que des satanés câlins ou des saletés de bisous. Son amour on le montrait par la dureté et l’exigence. Et Ludmila ne s’en était jamais plaint. Peu importe, elle était la petite Princesse de la maison et se savait aimée. C’est pourquoi elle avait été dévastée à la mort de la marâtre mère, mais ne le montrait pas : on ne montrait pas sa faiblesse, une Princesse ne pleurait pas, n’était jamais faible. C’est sans doute pour ça qu’elle préférait aussi rester cachée en Russie, on lui rappelait constamment ici qu’elle n’avait pas le droit d’être faible. Retourner à Harvard et voir sa sœur chambouleraient tous ses plans. « Tu sais que maman t’aurait poussé à revenir ici Mila, à continuer la danse … » Oui elle le savait. Elles le savaient, toutes les deux. « Et puis, tu me manques Mila. » La jeune femme avait horreur que sa sœur la prenne par les sentiments comme ça. Ne venons-nous pas de spécifier que les sentiments étaient hors de limite aux alentours ? « C’est petit de ta part Oksanna de jouer la carte des sentiments, très petit. » Avait-elle répondu plus enjouée, avec un petit sourire en coin, qui ne se voyait pas par téléphone mais qui se devinait largement au ton de sa voix. Oksanna savait alors qu’elle avait gagné. Ludmila Petrova serait de retour à Harvard d’ici peu de temps et elles le savaient, toutes les deux. Et c’est grâce ou plutôt à cause de sa sœur que Ludmila Petrova se retrouvait à se faire humiliée à Harvard pendant son cours de danse classique. Et quand bien même, cette dernière venait à le regretter de temps à autres, elle savait qu’elle avait fait le bon choix mine de rien. Même en superficie, elle ressent qu’elle n’avait aucunement sa place ici, en profondeur, elle savait que la Russie ne lui apporterait plus grand-chose, à part sa place de petite Princesse de la famille. Mais après tout, ici, rien ne l’empêchait non plus d’être la Princesse. Et rien ne l’empêchera non plus de réaliser son rêve maintenant, de suivre les traces de sa mère, de réussir. Rien.

(Invité)