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Alors que mes mains s'affairent à réaliser la commande que l'on vient de me demander, une table d'étudiants, trois mecs en manque de sensations sûrement, mon esprit reste figé sur les dires dont mon père aujourd'hui nous a gratifié, à Alan et moi. Mariés, dans quelques temps, dernière ligne droite menant à cette mascarade que je ne parviendrai pas à stopper. « Le quinze juillet. » qu'il a prononcé, date butoir, ça y est. J'ai eu envie de lui dire non, lui signifier que c'était trop tôt que mes trente ans étaient encore loin, mais je suis restée silencieuse, en pensant à Omnicom et mon argent. J'en ai même omis l'enfant … Celui que je prévois toujours de ne pas garder. « Ce sera le genre de mariage qui s'étale sur trois jours. » Trois jours, rien que ça. Et sonnée par le fait qu'Alan en un sourire avait approuvé, j'ai gardé mes lèvres sceller jusqu'à ce que mon paternel se permette de me demander. « Annalynne, tu en penses quoi ? » Pas grand-chose, tu le sais papa, j'ai pincé ma bouche, et hoché la tête, positivement. Accédant à sa requête, de manière muette. « Du vendredi au dimanche. » Trois jours qui signeront autant ma mort que mon apogée. Et c'est de plus en plus compliqué à faire du sens dans mes pensées. Sans pouvoir m'empêcher de songer que ça aurait été plus simple s'il n'y avait pas eu Clay. Même si je ne suis pas certaine qu'en ce moment il perde du temps à m'aimer. « Au manoir familial, cela va de soi. » Tout de suite, j'ai imaginé la presse, le nombre d'invités, aux portes de la fusion du fils unique Suttler et de la fille gâtée Malcolm. D'Omnicom et de la NBC universal. Union parfaite de deux privilégiés. J'ai écourté les discussions, les laissant tous les deux le choix de continuer sans moi. J'ai eu envie d'aller me réfugier, dans les bras de celui plus qu'un autre me connaît, mais je ne l'ai pas fait, préférant la tenue que m'offre mon job au Nirvana et aller me perdre jusque là. Ici et maintenant, à servir des whiskys à répétition, des sourires arrogants et ne plus réellement faire semblant. Ou tout du moins, ne plus le faire auprès de mes parents. Et achevant la tâche qui m'incombe j'attrape le plateau de ma main droite et avance dans les allées de la salle. La soirée est déjà bien entamée, certaines personnes bien émêchées, je dépose au final les verres avant d'attraper la monnaie et de revenir sur mes pas, ressassant la discussion, et chez le médecin, mon prochain rendez-vous. C'est parce que je regarde mes pieds, que j'en ai laissé de côté ma fierté, que je ne réalise pas que je m'apprête à foncer dans un homme qui n'a rien demandé.
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