Marlon Sales. ► Gabriel Burger.

JUILLET 1994, SÃO PAULO ; L'enfance, cette période où tout est beau, naïf, heureux. Cette période bénite où nos seuls soucis sont de savoir avec lequel de nos playmobils on jouera. L'air est chaud, comme tous les jours à São Paulo. Des effluves sucrées et chaudes flottaient dans l'air. Je mange une glace en compagnie de ma mère. « Maman, pourquoi est-ce que le ciel est aussi bleu ? Pourquoi la dame là bas se promène à moitié nue ? Pourquoi est-ce que cette glace est si bonne ? Pourquoi Maman ? » Comme vous l'avez remarqué, à, à peine deux ans je me posais déjà des questions existentielles. J'étais un gamin précoce. « Et lui maman, pourquoi est-il aussi moche, maman ? Papa il est bien plus beau que lui, hein Maman ? » Cruauté naïve, vous n'allez pas m'en vouloir ? Un voile de tristesse traversa le regard de ma mère. Mon père, j'en avais pas de père. Mais j'étais bien trop jeune pour le comprendre. Un père et une mère, c'était ça la normalité. Tous mes amis avaient un père, et donc moi aussi. Un père invisible, un père qui n'existait pas. Ma mère ne répondait jamais quand je parlais de mon père. Je n'étais pas en manque d'affection, ma mère était la personne la plus douce qui soit. Plus que jamais, je peux vous le dire : My mum was my superhero.

JUILLET 2008, SÃO PAULO ; 17 Décembre. L'adolescence, période trouble où l'on s'interroge, sur soi, sur les autres. Toutes après moi. Toutes hypocrites. Je pourrais toute me les faire, je n'en suis pas loin d'ailleurs, mais elles m'ennuient. Tellement fades, ces filles que je fréquentent, ce sont juste des copies, de copies, de copies... Elles sont idiotes, inintéressantes, naïves, inutiles et insouciantes. Les baiser ? C'est devenu tellement banale que ça me donne envie de vomir. Leurs courbes affolantes, leurs poitrines bombées. J'en ai fais le tour, ça ne m'excite plus. Mes doigts veulent caresser des courbes plus viriles, mes lèvres veulent embrasser un corps plus masculin, mes bras veulent étreindre un corps plus puissant. J'ai besoin de sentir un corps plus fort contre le mien et.. STOP. Arrête de penser à ça Marlon, toi tu es normal. Tu es un homme, un vrai. C'est rien, juste une phase. Une simple phase.

2 Février , Rentrée des classes, je me suis enfin persuadé que c'était bel et bien une phase. Jusqu'à ce que tu arrives. Saleté. Je déteste tes grands yeux verts. Je déteste longs cheveux blonds. Je déteste ton teint halé. Je déteste ton foutu accent européen. Je déteste ton rire fluet. Je déteste ton corps fin. Je déteste ton sourire à deux francs cinquante. Je déteste ton grain de beauté en bas de ton œil gauche. Et ce que je déteste encore plus, c'est toi. Toi qui, en un regard, a réussi à me faire douter. « Voici Liam Dawson, c'est un élève transféré, il vient de Cambridge. » Le dit Liam nous lança à tous un bref sourire avant de nous lancer dans un portugais parfait un grand « Olá ! » Pourquoi avait-il une voix si douce ? Je le haïssais avant même de le connaître. « Liam, assied toi là, à côté de Marlon. » NON ! Pourquoi ? C'est juste le début cliché d'une putain d'comédie romantique de merde destiné à faire chialer les fillettes prépubères ! Liam se déplace. Il a une démarche assurée et légèrement chaloupée. Il s'assit à côté de moi et me lança un grand sourire.
« Bonjour, soyons amis, d'accord ? 
- Hum, je crois que je préférerais m'arracher un testicule avec un tesson de verre brûlant léché par par le concierge louche du lycée. 
Ma remarque le fit rire. Ne me dites pas qu'il a de l'humour. Non mais quel enculé.
- Non pas que te voir t'arracher une boule ne serait pas distrayant, loin de là, mais je réitère ma question : devenons amis ! 
Je souris. Malgré moi. Et si je lui sautais dessus, là, maintenant, ça semblerait bizarre ?
- Pourquoi veux-tu être mon ami ?
- J'ai un sixième sens, je sais toujours quand les personnes peuvent me surprendre ! En plus, tu me fais rire avec ton air bourru.
Headshoot. Et si je le viole sur la table tout de suite, va t-il protester ?
- Tu sais que t'es un garçon inquiétant ?
- On me complimente plus souvent sur mon humour, mais merci. »
Le cours commence. Je le fais taire d'un regard. Et si je changeais de lycée ? Je n'aurais plus à le recroiser. Pourquoi pas aller dans un lycée pour filles ? Oui, un lycée avec zéro testostérone à 10 km à la ronde. Je divague dans mes pensées. La sonnerie retentissante me sort de mes rêveries. Les cours sont enfin terminé. Je visse mon casque sur mes oreilles et met en marche mon iPod. La pétillante mélodie de Linkin Park m'enivre. Je marche jusque chez moi, comme chaque jours. Mais j'ai la désagréable sensation d'être suivi. Je me retourne brusquement. Liam !
« Pourquoi est-ce que tu me suis ?
- Je ne te suis pas, je rentre chez moi !
- Je.. Quoiqu'il en soit, arrête de me suivre !
Non mais quel crétin. Pourquoi est-ce que je na maîtrise pas mes réactions face à lui ? Et putain, pourquoi est-ce que je me pose tellement de questions ! Il court vers moi :
- Tu sais, maintenant qu'on est officiellement ami, tu n'es plus obligé de me parler comme ça !
- Mais depuis quand on est amis ?!
- Depuis que je l'ai décidé, pardis ! »
Je cours rageusement jusqu'à mon appartement. Mais quel emmerdeur, il ne comprends pas quand il dérange. Et sa voix, sa foutu voix. Elle passe en boucle dans ma tête comme une écœurante chanson d'amour.

17 Février ; Il sent le musc et la pluie nocturne. Ses lèvres sont douces, nos langues bataillent, en un délicieux duel. Mes mains parcoure sa peau, il frissonne à chacune de mes caresses. Il étouffe ses gémissements. Il est diablement sexy, je n'en peux plus. Je lui attrape sauvagement la nuque pour l'embrasser fougueusement. Ses lèvres sont légèrement salées, elles sont douces. Je n'ai jamais été aussi bien. Ses épaules. Son dos. Ses cuisses. Son torse. Ses reins. Tout, tout est à ma portée. Il m'appartient.
« Tu sais Liam, je suis pas gay, allongé à côté de lui, je le comtemplais, ses cheveux en bataille et son air légèrement endormi étaient adorables.
- Moi non plus. »
L'amertume me serre le coeur. Pourquoi est-ce que je ne le prends pas dans mes bras ? Pourquoi est-ce que je ne lui dis pas que je l'aime ?
« Avant toi j'ai jamais ressenti ça, Liam. Mais je suis pas prêt, j'veux dire, tout ça.. C'est tellement bizarre.
- Marlon ?
- Oui ?
-Tais-toi, et embrasse moi encore. »

19 décembre ; Il est parti. En me laissant un mot. Un putain de mot. Comme si un ''Au revoir, tu me manqueras'' arrangera les choses.
Il y a un adage qui dit qu’on fait toujours du mal à ceux qu’on aime : mais il oublie de dire qu’on aime ceux qui nous font du mal.

SEPTEMBRE 2009, CAMBRIDGE ; J'ai froid, tellement froid. Ici l'air sent le pétrole et la friture. Loin des fragrances sucrées de São Paulo. Je soupire. Pourquoi ai-je demander une bourse ? Sans doute à cause de Lui. Inconsciemment je voulais m'en rapprocher. Je ne sais pas comment je réagirais, si je le revois. Je suis coincée entre deux émotions. J'ai simultanément envie de lui cracher dessus et de l'embrasser. J'ai simultanément envie de lui crier ''Je t'aime'' que de l'insulter de salaud. Je t'aime espèce de salaud ? Mouais. Pas convaincu. Quoiqu'il en soit, Marlon ! Arrête de penser à lui ! Arrête. Tu es en Amérique mon gars ! Tu vas rencontrer de sublimes américaines, tu vas faire la fête, découvrir une autre culture, suivre des cours qui te passionnent. Oui, tu es un chanceux. Arrête de chercher autour de toi une grande paires de yeux verts. Ne cherche pas de longs cheveux blonds et soyeux. Ne cherche pas. Oublie. Oublie ses mains sur ta peau. Oublie ses lèvres. Oublie tout. Maintenant. Je vais vivre mes plus belles années ici, j'en suis sûr.