Crêpage de chignon • MADDY

J'ai vu plusieurs fois Priam avec une brune. De loin, j'ai pas distingué son visage et je ne me suis pas approchée parce que d'un côté ça ne me regarde pas. Mais à force, j'ai tout de même été interpelée... Et puis quand il m'a dit qu'il passait tout son temps avec une fille, ça n'a fait qu'un peu plus me piquer. Ce mec va me rendre folle même quand j'essaye de le sortir de ma vie et de le forcer à me sortir de sa vie. Aujourd'hui, je suis tranquillement en train de boire un verre au bar de l'hôtel et de profiter des rayons du soleil sur la terrasse dans je les vois passer plus loin tous les deux. Là je peux mieux la distinguer puis ils se mettent presque en face, comme pour me foutre les boules alors bon je la vois bien... Et je crois rêver. J'ai envie de lui arracher les cheveux d'un coup, ma bizutrice à la lowell. Je savais que je n'aurais pas du choisir cette maison, une vraie erreur, ces gens cachent bien leur jeu, ils font style de planer mais ils savent très bien ce qu'ils font, un peu comme moi en fait... Quand elle se lève et entre dans l'hôtel en direction des toilettes, je laisse passer quelques secondes et j'en fais de même. Quand j'arrive aux toilettes, elle est en train de se laver les mains, je me plante derrière la porte pour qu'elle ne puisse pas sortir et que personne ne rentre. « Alors c'est ça le bizutage à la lowell ? Se foutre avec le mec de sa bizut ? » Oui oui, j'oublie un peu trop vite que c'est mon ex.

J'arrête jamais le service pour la lowell house moi, j'suis multitâches, et du coup, quand on m'a appris que j'ai une nouvelle bizut prénommée Joelyn... J'me suis un peu raidie. Non, ça doit être une coïncidence, y a peut-être deux Joelyn qui viennent de débarquer à Harvard, hein ? C'est ce dont j'ai essayé de me convaincre, puis au pire, je serais fixée à la Lowell House au retour du Spring Break. Du moins, c'est ce que je pensais, jusqu'à ce qu'en sortant des toilettes de l'hôtel, je me retrouve en face à face avec une femme qui me toise du regard. J'aime pas ça. Je m'arrête de marcher après m'être lavée les mains, fronçant les sourcils d'un air perplexe. Puis elle a commencé à parler. Putain de merde. Par contre, son ton ne me plait pas, et quand bien même ordinairement c'est quelque chose que je déteste, les confrontations, elle, c'est vraiment pas la mieux placée pour me chercher.  « Ex-Petit ami. » Précisais-je avec une pointe acerbe dans la voix, croisant les bras. Visiblement, elle ne compte pas me laisser me barrer jusque ma chambre.  « C'est donc bel et bien toi ma bizut. La bonne blague. » Ou pas, ça ne me fait vraiment pas rire, en fait. Je soupirais, pas franchement motivée à me prendre la tête, mais son attaque me plait vraiment pas.  « T'as plus à te mêler de la vie de Priam, et par extension, pas de la mienne. »

Au début, j'avais eu des doutes sur son identité, sur elle, sur tout... Je m'étais dit que le monde était trop grand pour que ma bizutrice, enfin celle qu'on m'avait montré seule, soit aussi celle qui passe trop de temps pendu aux lèvres de Priam, mais finalement le monde s'était avéré très petit. Mes doutes, les derniers, venaient de s'envoler. Elle était plutôt bien renseigner la petite. « Une belle blague oui, à croire que le nouveau doyen a de l'humour. » Je veux peut être bien l'aimer celui là, ça changera de l'ancien un peu trop laxiste. Enfin on verra quand on sera rentrées. Ce bizutage va surement être le plus long de ma vie. « Ta vie j'en ai rien à foutre, celle de Priam c'est pas tout à fait le cas on va dire et je pense que tant qu'il continuera à me dire je t'aime à tous les tournants, j'aurais le droit de m'en mêler un peu ! » Je fais la sainte, celle qui peut peut être se préoccuper un peu d'elle, oui parce qu'elle ne doit pas savoir qu'il m'a encore dit il n'y a pas longtemps qu'il était amoureux de moi... « Tu joues à quoi en fait ? Tu te crois déjà mariée et avec des enfants de lui ? » Est ce qu'elle croit vraiment que Priam va se contenter d'une femme lisse comme elle a l'air d'être ? Je le connais trop pour lui répondre un truc gentil. Il va s'ennuyer avec elle c'est surement pour ça qu'il rajoute du piment en venant me dire qu'il m'aime.

Son expression, son regard hautain, rien de tout ça ne me plait, et quand bien même je suis d'un naturel peu enclin à la dispute, là, elle me cherche très honnêtement. Joelyn, c'est donc elle ? Je la reconnaissais via les photos que j'avais conseillé à Priam de garder. Quelle conne, j'aurais du lui dire de les brûler finalement. Ah ça, pour avoir de l'humour, le Doyen, il en a. Je levais les yeux au ciel un bref instant. Attendez, elle essaie de me faire du mal en me disant que Priam lui a dit "je t'aime"? Ma pauvre petite, tu vas te prendre un mur, so hard. J'arque un sourcil, impassible.  « Je suis censée me mettre à pleurer là, c'est ça ? » Elle ne sait rien de nous deux, elle ne sait pas que c'est MOI qui le ramasse à la petite cuillère quand elle le rejette. Et ça me met dans une colère noire. Je ne suis pas jalouse, non. C'est du pur instinct de protection envers le jeune homme. Je ris jaune à sa remarque, m'appuyant contre l'évier le plus proche. Quitte à rester ici...  « Je croyais que tu te foutais de ma vie, qu'est ce qui m'oblige à te répondre ? » Maddy la mauvaise. Elle sort que sous alcool celle là habituellement, mais pour Joelyn, je me sens prête à faire une exception. Finalement, je me redressais pour lui faire face.  « De quoi je me mêle, Joelyn? C'est ton ex. Tu lui as brisé le coeur, de multiples fois. » Et j'insiste bien sur ce point. Depuis le Pérou, elle l'a détruit. Et moi j'ai été celle qui ramassait les morceaux d'un homme qui avait tout à lui offrir.  « Priam avait tout à te donner, t'en as pas voulu. Tu reviens et il t'offre encore une chance, tu le jette à nouveau. Arrête les frais, laisse lui une putain de chance de se reconstruire sans toi! »

« T'fais ce que tu veux comme tu sais si bien le dire. Si tu veux te voiler la face c'est ton problème. » Après tout je passe bien mon temps à me voiler la face depuis que je fais ma rechute en éloignant Priam de ma vie alors que je l'aime et je ne lui rends pas de compte. En fait, je reproduis le même schéma qu'avec Jasper. Quand je frôle la mort, je ne peux pas m'empêcher d'essayer de sortir de ma vie l'homme que j'aime. La première fois c'est Jasper, cette fois c'est Priam. Heureusement qu'il n'y aura pas de troisième fois. « De multiples fois ? » J'hausse les sourcils en la regardant et un sourire se dessine sur mon visage, ironie. « J'ai été me consoler après qu'il m'ait largué et après je ne lui ai pas demandé de venir me rejoindre ni d'essayer de me récupérer. Cruelle femme que je suis. » En fait c'est la vérité cette histoire, je n'ai jamais donné d'espoirs à Priam mais il s'accroche, alors je passe pour la multirécidiviste alors que j'ai rien fait, c'est lui qui m'a largué et qui a déclenché tout ça. « Je dois lui laisser une chance de se reconstruire avec toi c'est ça ? Facile tu trouves pas ? » Je la dévisage, je la provoque. Ca me ressemble pas ce genre de comportement mais c'est la nouvelle Joelyn et surtout c'est la jalousie qui parle.

Cette fille m'énerve, tout dans son expression, ses mots, sa façon de me regarder me donne envie de la jeter par la fenêtre la plus proche. Problème? Y a pas de fenêtres dans les toilettes.  « Apprends déjà à maitriser ton sujet avant de te lancer dans de telles suppositions. » Je me voile pas la face, connasse, je sais très bien qui Priam aime, ce que je ne veux pas en revanche, c'est qu'il en souffre. Et vas y qu'elle commence à se justifier à me parler de se consoler après qu'il l'ai larguée, et blablabla.. Je lève une paume en l'air, faisant signe que c'est un dialogue de sourd.  « Il t'a suivie au bout du monde pour te prouver son amour et son erreur. T'en a pas voulu. Fin de l'histoire. » J'ai rien besoin de savoir d'autre, honnêtement, qu'elle se fasse passer pour la victime, je m'en tamponne le coquillard avec un tibia de langouste. Et vas y qu'elle provoque. Elle veut que je rentre dans son jeu ? Je vais rentrer dans son jeu.  « C'est toi qui a décidé de rendre les choses simples en le jetant. Qu'il se reconstruise avec moi, avec une autre, qu'importe ? Tant que ce n'est pas avec toi. » Je crois que j'ai jamais été aussi agressive de ma vie, sauf quand Osean me parle d'une fille.  « Il est revenu du Pérou en morceaux, brisé. Il t'a revu ici et j'ai encore du le ramasser à la petite cuillère. Alors fais lui encore du mal, Joelyn, et je te jure que ton bizutage sera un enfer. » Je reculais pour aller prendre mon sac au sol.  « Et si tu l'as vraiment aimé, un tant soit peu, tu sauras sortir de sa vie. »

Je connais autant Maddy qu'un poireau et autant leur histoire que les notes qu'il faut jouer sur une guitare pour faire une belle mélodie. C'est pour dire à quel point je ne connais rien d'eux. Mais les voir ensemble ça me suffit à tirer des conclusions hâtives, à savoir que notre collaboration chez les violets va être compliquée, elle me le confirme d'ailleurs la demoiselle. Ca m'énerve d'avance, pourquoi j'ai décidé de rentrer ? C'est facile de repousser Priam mais pas de le voir avec une autre femme. « Je suis le diable c'est vrai, je fais les choses dans un vrai but d'être méchante. Toi aussi tu devrais apprendre à maitriser ton sujet avant de balancer des infos en l'air. » Pauvre fille. Je ne sais rien d'elle, mais elle ne sait rien de moi non plus. On est des inconnues l'une pour l'autre avec pour seul point commun : Priam. J'aurais préféré n'avoir aucun point commun avec elle en fait. « Tu ne devrais pas employé le passé. Il est là le problème. » J'aime Priam, au présent, au passé, au futur. Alors ouai si je l'avais aimé je pourrais l'aider à se reconstruire mais je l'aime tout court alors je ne vais surement pas le pousser dans ses bras à elle, j'ai juste envie de la pousser dans un wc et tirer la chasse d'eau pour ne plus la voir. « Et ne me mets pas de bâtons dans les roues parce que je te jure que moi aussi je sais être menacante, je suis pas une pauvre petite chose malade crois moi ! » La leucémie et la greffe ne sont pas loin mais quand même, je suis en forme.

J'en ai après elle, c'est évident. Si j'ai voulu rester en dehors de son histoire avec Joelyn, il a fallu qu'on me la confie comme bizut. Oh joy. Je sens que la cohabitation va être compliquée, surtout si elle me cherche comme ça à chaque fois. Que les autres m'en veuillent pas, mais je serais pas la marraine idéale si elle m'emmerde encore longtemps. « J'ai pas dit que tu étais méchante, j'ai juste pas envie de savoir plus que ce qui m'intéresse. » A savoir donc Priam, et son histoire avec elle qui l'a rejeté. Et ça, c'est le genre de truc qui passe pas. Pourquoi rejeter un garçon aussi gentil, aussi dévoué ? Il n'est pas tout rose, il m'a dit lui-même que sa jalousie lui jouait des tours; mais quand on aime.. On accepte la personne comme elle est. Joelyn, visiblement, ça lui a pas suffit. Est-ce qu'elle essaie de me rendre jalouse, là? Au lieu de quoi, elle me met en colère, à dire à demi mot qu'elle l'aime toujours.  « Si c'est toujours d'actualité, t'en encore plus conne que l'image que je m'étais déjà faite. » Je ne mâche plus mes mots, je n'en ai plus envie. Ses menaces me font pas peur, et si pour préserver Pri je dois lui faire la misère, je le ferais.  « Mais tes menaces ne me font strictement rien, Joelyn, c'est ça que t'as pas compris. T'essaie de me blesser à parler de ton histoire avec Priam, mais ça me rend indifférente. Alors vas y, menace moi, en attendant, je te souhaite un bon retour à Harvard, tu vas en avoir besoin. » Parce que si j'apprends qu'elle a blessé Priam encore une fois... Je la détruirais. Je fis un pas vers la porte, prête à en découdre et à me barrer.

« Tu vas être tellement honorable de te servir de ton statut de bizutrice pour me faire payer les sentiments de Priam à mon égard. » Je lève les yeux au ciel et je me décale de la porte pour la laisser sortir. Je n'ai plus rien à lui dire je crois. Elle fait ce qu'elle veut et moi aussi et qu'elle se le dise bien je vais en faire qu'à ma tête ! Je me fiche de ce qu'elle pense, je me fiche de ses menaces, je sais juste que je suis paumée et que j'aime Priam même si je ne suis pas avec lui. J'aime juste aussi Jasper et je ne suis pas sûre de savoir le stopper si un jour il approche ses lèvres des miennes. C'est pourquoi je préfère me tenir loin de Priam, ne pas nous remettre en couple tout de suite. Ca serait une erreur. Bref, on fait chacune nos choix et vivement qu'on ne soit plus liées par rien du tout parce que visiblement nous n'avons rien en commun. « Aller, cours profiter de lui le peu de temps qu'il te reste. » Je dis ça pleine d'ironie, légèrement moqueuse même et je la laisse passer pour de bon cette fois. Je n'ai pas envie de parler plus longtemps avec elle, de lui donner plus d'armes pour me blesser qu'elle n'en a déjà.