(Effie) Do you really want me dead ?

Oui, j'ai vite fait de me réfugier sous la douche. Loin d'Effie et de ses questions. Je ne ressens pas l'envie ni le besoin de me lancer dans cette journée mu par l'élan féroce d'un pain dans la gueule. Non, je préfère en rester à l'amertume du café et la chaleur de cette eau qui s'abat sur ma peau et efface ces maux.

Lorsque j'en ressors, la blonde est partie. Un simple mot, qui ne fut même pas franchement nécessaire, me confirme cette impression. Je soupire, collant la serviette à mes cheveux. Je n'ai tellement pas envie de lui dire. Et pourtant, Effie ne lâchera pas l'affaire. Elle se doute de quelque chose. J'aurais voulu être un meilleur menteur.

Je prends mon temps pour m'assurer de ne pas recroiser la blonde en chemin, et finalement décolle avec un bon quart d'heure de retard, un toast fourré dans la bouche et mon sac de cours sur l'épaule. Pour une leçon de solfège, ça n'est pas si grave, n'est-ce pas ?

T'es partie de l'appart laissant Adam seul, il saura se débrouiller comme un grand, et puis tu as eu cette impression qu'il n'avait pas particulièrement envie de te parler ce matin, comme s'il fuyait tes questions. Bon, soit, tu ne vas pas non plus lui courir après pour lui parler, vous vous reverrez bien plus tard, soit à la pause de midi, soit après les cours. Lundi matin, ça a toujours été dur pour toi, mais tu as encore quelques heures à tuer avant le début de tes cours, t'en profite pour passer à la biblio, chercher deux trois bouquins, boire un autre café, envoyer quelques textos, aller sur le net, bref de quoi t'occuper quoi.

Finalement l'heure des cours approche et tu t'rends à l'amphithéâtre pour suivre le cours d'astronomie, ton cours préféré de tous les autres que tu suis, ouais c'est cool. Deux heures plus tard tu décides d'aller faire un tour à la piste de course, te dépenser, faire quelques tours de piste, tu n'as toujours pas recroisé Adam, à croire qu'il t'évite...

Je n'ai jamais été du genre très assidu. Alors, quand le prof m'a vu arriver en retard, il n'a pas tellement fait l'étonné. Ça fait quatre ans que je suis là, et jamais je n'ai été foutu de pointer mon nez à l'heure pour le premier cours de la matinée. On n'a pas idée de commencer si tôt, en même temps.

Les presque deux heures passent, lentement. Je passe davantage de temps à gribouiller sur une feuillée chopée à mon voisin de droite avec le stylo emprunté à celui de gauche. Des formes sans aucun sens, ni queue ni tête. Si bien que lorsque les étudiants se lèvent pour sortir, je chiffonne le tout avant de l'envoyer dans la corbeille. On me le dit souvent : je devrais faire preuve d'un peu plus de bonne volonté, blah blah blah. J'm'en fous, mais d'une force. J'aurai mon année, p'têtre pas haut la main, mais tant que j'ai mon diplôme, le reste m'importe peu.

Je sors, pour fumer une clope. Encore celles d'Effie. Elle finira bien par s'apercevoir que je pique des paquets dans sa cartouche, un de ces jours. Pour l'instant, en tout cas, je coince une cancerette entre mes lèvres et l'embrase. Mes pas m’entraînent jusque sur la piste de course. Pourquoi ? Parce que yolo. Et mollement, je m'appuie sur la rambarde qui longe les tribunes, une vue imprenable sur les quelques étudiants qui ont le courage de courir dans le froid pendant que je m'encrasse les poumons dans la paresse la plus parfaite. Et puis, je tique. J'croise son regard, à elle. Et merde.