(Nienke) Sweet dreams.

Effie est à Vegas. Soit. Je n'aurais personne avec qui fumer du weekend. Ca n'est pas tant les potes qui manquent, mais je me laisse difficilement aller jusque dans l'excès avec celles et ceux qui en ont moins l'habitude. J'ai sans doute trop peur d'être jugé. Il y aurait de quoi, je pense. Quoi qu'il en soit, elle m'a presque ordonné de tenir compagnie à Nienke. Peut-être la brune est-elle encore sous le coup de notre accident, et ne peut pas être laissée seule ; je n'en sais foutrement rien. Mais je l'ai invitée, ce soir, à venir me rejoindre dans ma piaule. Sincèrement, j'aurais pu m'attendre à ce qu'elle me rembarre ou trouve une excuse. Mais il semblerait qu'à part pour la blonde, personne n'ait trouvé grand chose à s'occuper.

On a bu une bière ; ou deux. P'têtre trois. Fumé, un peu. A parler de la vie, de la religion. Cette fille est éclairée. J'espère simplement qu'elle ne se sera pas fait chier : je ne suis ni le plus bavard, ni le plus sociable de la bande. Et nous voilà, deux heures plus tard, assis sur mon lit. Détrompez-vous, le but n'est pas de la faire passer sous mes draps. "Sweet dreams ? Tu la connais, non ?" Ma guitare sur les cuisses, j'me penche, me branche à mon petit ampli. Finalement, c'est plutôt ça, notre came commune : la musique. Et j'me redresse, prends soin de ne pas lui envoyer le manche dans les dents, commençant à plaquer les premiers accords. Mon regard glisse vers le sien, l'invite à chanter. C'en est une facile ; j'veux pas me prendre la tête.

Effie m’avait envoyé un message hier matin pour me dire qu’elle était partie à Vegas. Ca ne m’a pas étonné, nous sommes comme ça toutes les deux, des électrons libres. Un jour nous sommes à Cambridge et le lendemain vous pouvez nous retrouver au Pérou. Elle avait chargé Adam de veiller sur moi-même si je n’en ressentais pas particulièrement le besoin mais quand Effie décide quelque chose c’est comme ça et pas autrement. Entre elle et moi ça a été rapidement comme une évidence que nos chemins se croisent. Alors comme je m’y attendais un peu, Adam m’a invité le lendemain a passé la soirée chez lui. Je n’ai pas refusé car avec lui tout à l’air beaucoup plus simple. Nous discutons mais pas trop non plus, nous nous regardons aussi de temps en temps avec quelques instants de silence. Non nous ce qui nous rapproche vraiment c’est la musique, je chante et lui il joue de la guitare et quand nous nous lançons dans la musique plus rien ne peut nous atteindre. Je suis assise près de lui sur son lit adossé au mur, c’est une petite chambre mais je m’y sens bien. Nous échangeons pas mal ce soir là plus que d’habitude, j’espère ne pas top l’avoir perturbé avec mes idées d’illuminés comme certains disent. Finalement il prend sa guitare qu’il met en appui sur ses cuisses, je sais que notre moment à nous est arrivé. Alors tout naturellement je me redresse pour être plus à l’aise pour chanter. « Oui, je la connais. » Je lui souris avec ma douceur habituelle et ma voix s’élève une fois qu’il me fait un petit signe. Je chante, sans m’arrêter, il n’y a pas de répétition entre nous c’est tout naturel. Nous interprétons la mélodie jusqu’au bout, nous lançant plusieurs regards.

Je prends mon pied, réellement. Il est rarissime de trouver qui que ce soit avec qui se lâcher musicalement parlant. Quelqu'un avec qui, dès les premières notes, l'on peut être  persuadé de se fondre en une véritable osmose le temps de quelques minutes, le temps d'une chanson. C'est en ça, que je m'évade. Bien mieux qu'en fumant, c'est en jouant. Sur le refrain, je n'hésite pas à venir accompagner la voix de la belle en chantant avec elle. L'on s'accorde bien. Et c'est tellement con à dire. Mon regard croise souvent le sien ; au détour d'un sourire ou d'une simple attention. Ces moments se veulent d'abord brefs. Et puis, à mesure que l'on avance dans la mélodie, je m'y accroche plus solidement. Difficile de mettre les mots justes sur ces sensations qui me courent l'échine. C'est comme... une putain de connexion.

Nienke est belle, sans doute l'une des filles les plus attirantes de ce bahut, et bien au dessus d'un type comme moi. Mais ça n'est jamais le physique qui me ferait céder. C'est bien davantage cette aura qui la suit, l'entoure, la définit. C'est imprudent. C'est même stupide. Mais cette fois encore, mes iris se figent sur ces lèvres divines qui soufflent leurs dernières notes. En silence, je me penche vers elle, les mains flottant sur ma guitare que je ne lâche pas ; mon attention est bien trop accaparée par ces douces fantaisies.  Mes yeux filent alors vers les siens, cherchent quelconque permission, mais ne s'y attardent pas et fuient déjà à nouveau vers sa bouche. Je pense avoir attendu bien trop longtemps pour patienter ne serait-ce qu'une seconde de plus. "Je crois qu'Effie aura toutes les raisons de me tuer..." Je murmure, esquissant un sourire à peine dévoilé que je viens mourir sur ses lèvres. J'y plaque les miennes, goûtant ces délicieux frissons d'un premier baiser.

Je ne sais pas comment une telle alchimie peut naitre entre deux personnes. Il joue de la musique, je chante et pour la plupart des gens sur cette terre cette activité est anodine. Seulement pour moi et je suis quasiment sur que pour lui aussi, tout ça n'a rien d'anodin c'est juste magique. Je me sens vivre, je sens qu'à nous deux on pourrait remplacer le parfum dans le film le Parfum et qu'on pourrait pousser les gens qui nous écoute à tous être en osmose. Au début de la chanson nous sommes toujours un peu hésitant, pas très à l'aise mais nous finissons souvent par ne plus nous quitter du regard. Il y a quelque chose entre nous, quelque chose d'indéfinissable mais tellement beau. Et puis je sens bien que cette fois ci il y a quelque chose en plus ce n'est pas comme d'habitude. Il y a une certaine tension dans l'air, elle n'est pas pesante mais attractive. Nous nous regardons, nous bouffons même du regard et je sens bien que ses yeux dévores mes lèvres. Tout mon corps est parcouru d'un petit frisson. Les relations humaines, il n'y a rien de plus beau. Nous restons comme ça sans vraiment bouger pendant plusieurs secondes jusqu'au moment où il me confie qu'Effie va le tuer. Je ne comprends pas vraiment pourquoi jusqu'au moment où ses lèvres viennent capturer les miennes. Mes yeux se ferment, tous mes sens sont en alerte et finalement je ne sais plus quoi penser. C'est un baiser doux et chaud à la fois, nous devinons tous les deux que nous n'aurions pas pu nous retenir plus longtemps. Je m'avance un peu plus mais sa guitare me bloque alors je m'écarte un d'Adam pour prendre son instrument que je pose délicatement sur le sol. Mon regard vient s'encrer une nouvelle fois dans le sien. Elle me tuera aussi.. J'esquisse un léger sourire et sans attendre je colle une nouvelle ma bouche sur la sienne.

C'était peut être le geste de trop. Sûrement. Mes lèvres glissent tendrement sur celles de la belle, dans l'attente d'une réaction, d'une réponse, de n'importe quoi. Et elle avance. Elle se rapproche. Mon cœur s'emballe tandis que le contact se rompt, que les yeux se rouvrent en plein sur le réel. Je sens ma guitare glisser sur mes cuisses. Nienke l'enlève en douceur pour la poser au sol. Je la suis du regard, en silence, complètement happé par ces cheveux qui cascadent sur ses épaules, ce bras qui s'étire, ces iris brunes qui se plantent dans les miennes. Et sa voix, qui m'achève.

Alors, il ne nous reste plus qu'à mourir ensemble. D'une petite mort, au moins. Mes lèvres s'étirent contre les siennes en un sourire amusé alors qu'elle vient à son tour m'embrasser. Mes mains s'empressent de venir soutenir sa taille gracile, les pouces roulant contre ses côtes, l’attirant légèrement contre moi. Je me redresse, sans vouloir interrompre ce baiser ne serait-ce qu’une misérable seconde, la surplombe, l’échine courbée. La réciprocité est assez inespérée. La toucher, la goûter ; j’étais loin de m’imaginer ces contacts possibles. Et comme l’attente fut longue. Putain de longue.

L’une de mes mains glisse contre sa nuque, épousant la forme de son crâne. Je la bascule un peu maladroitement dans la largeur du lit, tombant avec elle, au dessus d’elle, contre elle. Je ne veux pas plus. Pas forcément. Je ne sais pas. Les choses seraient encore plus compliquées, n’est-ce pas ?