CALLUM S. MONHAGAN ► Alex McKee

Bristol, le 17 Août 1995, dans un petit hôpital en bordure de la ville. J'étais tout jeune à l'époque, je venais à peine de naître. Selon mes parents, il était exactement 18h23. C'était un tout petit hôpital, malgré la richesse apparente de ma famille. C'était une mesure d'extrême urgence, de toute façon. Ma mère a bien failli mourir, ce jour-là, il paraîtrait. La grossesse n'avait pas été facile, ni pour elle, ni pour mon père, alors imaginez l'accouchement. Ma mère me racontait toujours que le premier regard que je lui ai lancé en était un d'une rare beauté. Je pleurais dans ses bras, mais dès le moment où elle m'a bercé, je me suis aussitôt calmé et l'ai regardé, l'air espiègle, et j'ai souris pour la toute première fois.

Tout de suite après, je braillais comme un veau qu'on égorge, question de bien faire comprendre à tout le monde que j'avais besoin de boire au sein... J'étais un bébé plutôt passif, vous ne trouvez pas?

Me voilà donc, portant le merveilleux nom de Callum Sylvester Monhagan, en l'honneur de mon illustre famille. À Bristol, mes parents étaient plutôt bien connus. Mon père était un magnat de l'immobilier plutôt réputé, avait fait des millions avec son job, et a permit à notre petite famille de vivre dans la luxure la plus totale. Oh, bien évidemment, le péché n'était pas chose courante, surtout avec lui. Mon père était un homme incroyablement chrétien. Tous les dimanches, nous faisions notre chemin à l'Église, question de faire montre de notre foi indestructible envers Notre Seigneur Dieu Tout Puissant et son fils bien-aimé... Ouais, la religion n'a jamais été un de mes points forts, et mon père se sentait forcer de nous faire croire en toute cette connerie... Même ma mère n'est pas extrêmement religieuse non plus, et préférait de loin rester à la maison quand elle le pouvait... Malheureusement, le dimanche matin, et ce jusqu'à 11h, nous étions confinés dans les bancs d'Église, les mains jointes, les genoux à terre et la dignité inexistante.

Parlant de ma mère, c'est l'une des figures les plus influentes de mon existence. Autrefois danseuse dans un corps de ballet, elle a dû renoncer à sa carrière le jour de ses 21 ans, c'est-à-dire le jour de ma naissance. J'ai eu la chance de tomber sur quelques photos et quelques vidéos anciennes et granuleuses où j'ai pu voir l'étendue de son talent. La voir danser était une vision fabuleuse, et parfois, la nuit, j'allais secrètement remettre les vidéos dans le lecteur cassette et essayait de reproduire les mouvements gracieux de ma mère. J'en vins presque à regretter d'être venu au monde pendant quelques instants, me sentant un peu mal d'avoir été la cause de la retraite de ma mère... Depuis ce temps, elle a décidé de prendre le rôle de femme au foyer, tout en accomplissant quelques petits contrats de ménage à domicile... Pour moi, ma mère a toujours été un exemple.

Dès mon plus jeune âge, j'avais toujours été intéressé par deux choses : La danse et les garçons. Eh ouais, tout jeune, je savais non seulement ce que je voulais être dans ma vie, mais aussi avec quel sexe je voulais passer ma vie. Durant toutes mes années de primaire, j'ai toujours été inscrit dans les différents cours d'arts, au grand dam de mon père, qui souhaitait que je devienne un joueur professionnel de rugby. J'avais toujours des activités de danse, que ce soit le hip-hop, la danse contemporaine, le cha-cha, je faisais toutes les activités possibles en rapport avec la danse. Mon goût pour cet art sublime s'est étendu durant mon adolescence, et bientôt je découvris le milieu sous toutes ses facettes, et je contemplais avec intérêt les gens qui pratiquaient ce métier à plein temps.

L'adolescence n'était cependant pas chose aisée pour moi. Je devais me cacher de mon père, presque tout le temps. Avec la ferveur chrétienne vient parfois une forme de ségrégation dont, malheureusement, mon espèce était victime. Vous voyez, durant mon adolescence, j'étais confronté presque tous les jours à mes sentiments face aux hommes. J'étais tombé amoureux d'un de mes partenaires de danses (je me souviendrai toujours de son nom : Jeremiah. Je l'appelais toujours Jay, même s'il détestait ça profondément) et nous avions entamés une relation à l'extérieur de l'école. À cette époque, ma mère, qui un jour en a eu plus qu'assez, avait décidé de terminer sa relation avec mon père. Elle était la seule qui était au courant de mon histoire, et elle nous encourageait vivement. Mon père, cependant, se faisait une joie de me rappeler, avec un air toujours condescendant, que le Seigneur refusait que je passe ma vie aux côtés d'un homme. Il pouvait bien voir que j'étais attiré par les garçons, et ça le rendait mal à l'aise. Amener un enfant homosexuel à l'Église devenait pour lui une forme de condamnation. Alors, il va sans dire, nous n'étions pas vraiment les meilleurs amis du monde...

Je peux cependant donner une chose à mon père : il avait tout de même mon avenir à cœur. Lorsque je lui ai annoncé que je voulais partir pour Cambridge et suivre les traces de ma mère, il a tout de suite compris qu'il ne pouvait pas m'arrêter, et il a décidé de tout payer : le voyage, l'appartement, les frais de scolarité. Au moins une fois par mois depuis que je suis arrivé ici, je le contacte pour avoir toutes les informations possibles. Et même si nos relations sont tendues, je dois le dire : j'aime beaucoup mon père. Je lui dois tout, et je lui devrai toujours tout...

Voilà bientôt 3 ans que je suis ici, à Cambridge. Depuis ce temps, j'ai eu le temps de connaître mes expériences, de vivre ma vie comme je l'entendais. J'ai eu un petit ami pendant quelques semaines, j'ai eu la chance de m'inscrire dans une troupe de danse amateur... Je dois l'avouer, ma vie à Cambridge est plutôt bien.
Je ne la changerais pour absolument rien au monde.