KIERAN J. KING ► Colin Morgan

Parce que nous sommes tous connectés en ce bas monde. Un petit rien nous relie sans cesse. A quoi bon alors ces guerres ? Ces discordes incessantes et stériles ? L’homme est un être sociable. Il est fait pour vivre avec ses semblables. Pas pour lui faire la guerre. Personne ici-bas n’est sur terre en vain. On est tous voué à la rencontre de l’autre. Même l’ermite dans sa montagne est destiné, un jour, à rencontrer quelqu’un. D’une manière ou d’une autre. Je ne parle pas d’une présence physique. Mais quelque chose qui fait le lien entre tous. Une lettre… un médaillon… un petit rien qui suffit à ne pas se sentir seul sur terre. Qui suffit à se sentir plus vivant que jamais. Qui redonne du sens. La quête du sens, n’est-ce pas ce que l’homme recherche tant dans ce monde ? La quête de cet autre qui viendra nous sauver. Qui viendra au moment où on s’y attend le moins, à condition, toutefois, de savoir rester ouvert pour en percevoir le signe. Pour le voir arriver dans notre vie. Il peut prendre différentes formes. Un médaillon, ayant appartenu, jadis, à une vieille dame, et qui aurait été perdu et aurait voyagé de mains en mains. Traversant ainsi plusieurs générations. Traversant l’espace et le temps.

Un simple objet. Un médaillon trouvé sur le bord d’une route par un jeune homme en vadrouille. Il ne savait pas qu’il allait le trouver à cet endroit précis, sur ce parking, mais le fait qu’il ne s’y trouvait pas par hasard. Non. Il allait lui être plus utile qu’il ne le pensait. Il avait quitté le domicile familial pour parcourir le monde. Un rêve d’enfance. Et il n’avait plus un sous en poche. Les dernières de ses économies étaient passées dans ce hot-dog, acheté à un des vendeur à la sauvette. Le médaillon avait de la valeur. Bien plus même. Mais pour lui, l’essentiel était à récolter un peu d’argent afin de continuer sa route. Tout arrive pour une raison. Rien n’est jamais le fruit du hasard. On retrouve toujours un peu de soi sur le bord d’une route… dans cette personne perdue… ce jeune homme en quête d’une vie rêvée : la sienne.

Un petit rien nous relie sans cesse. A quoi bon se faire la guerre ? A quoi bon la haine ? Tous des frères. Tous connectés. Tous dans ce monde pour une raison. Faire de celui-ci le meilleur qui soit. Devenir encore bien meilleur.

En chemin, sur ce parking, Kieran n’aurait jamais pensé trouver un objet d’une telle valeur. Et pourtant. Il l’avait ramassé, examiné et puis s’en était allé le porter à un brocanteur. Il en avait récolté quelques centaines de dollars. De quoi pouvoir poursuivre sa route. Ce qu’il ne savait pas sur l’instant, c’est que ce geste allait avoir une belle répercussion. Son geste allait permettre, quelques mois plus tard, à une personne de retrouver un vieil objet, jadis, perdu. Une femme d’âge mûr entrera dans cette boutique et ne se doutera, une seconde, que sa vie va prendre un tournant inattendu. Ce médaillon perdu des années auparavant va bientôt raviver, en elle, des souvenirs lointains. Des souvenirs d’une vie d’insouciance… des jours heureux où l’amour se conjuguait encore à deux. Alors même si ce bonheur n’existe plus, quelle joie, pour elle, d’avoir pu voir cet objet revenir dans sa vie !

Non. Rien n’arrive jamais par hasard. Un petit rien nous relie sans cesse. Un lien qui nous tient vivant dans ce monde. Un lien indéfectible qui relie des êtres que tous sépare pourtant. Un lien qui unit un homme et une femme. Un lien qui en fait se rapprocher d’autres. Un lien qui replonge dans des souvenirs d’un autre temps. Un lien qui rappelle enfin que, malgré les soucis, malgré les tempêtes, le soleil finit toujours par rejaillir dans le ciel de notre vie.

« Ne vous êtes jamais demandé quelle serait votre vie si telles ou telles personnes ne seraient jamais rentrées dans votre vie, d’une manière ou d’une autre ? N’avez-vous jamais été pris conscience de faire partie d’un tout, d’une grande et belle famille ? »

Cette question d’un professeur de littérature à ses étudiants avait, au moins, l’intérêt de susciter leur attention. Cette question, ils se l’étaient tous posés, à un moment ou un autre. Ils se la poseront sans doute un jour. Y compris cette jeune fille, au fond de la classe, et qui semble s’en fiche de tout. Son attitude rebelle laisse à penser qu’elle n’en a rien à faire de ce que raconte son professeur. Il n’en est rien. Dans son coin, malgré l’air rêveur arboré, elle écoute. Elle boit ses paroles. Sans doute, un peu amoureuse de cet homme. Peu importe. Elle a le sentiment d’apprendre, un peu plus chaque jour, quelque chose de neuf sur elle, sur le monde environnant. Grâce à lui. A son enseignement.

Elle partage avec Kieran le même itinéraire. Un même parcours de vie chaotique. Tous deux ont connus des familles peu aimantes… peu compréhensives face aux choix de leurs enfants. Tous deux ont très tôt eu l’envie de partir, un jour, sur les routes, à la recherche d’un but, d’un sens. Si Kieran a décidé de franchir le pas en quittant le domicile familial, il n’en est pas encore le cas pour la jeune étudiante. Manque de courage ? Peur de faire face à l’inconnu ? De quitter le confort quotidien ? Quelle que soit la raison, elle n’avait pu sauter le pas. Pourtant, elle sentait au fond d’elle, qu’elle devrait suivre l’exemple de son ami. Et s’en aller. Prendre enfin son envol. Parce que Kieran, comme son professeur, font partie, elle le sait, des personnes cruciales qui finiront par changer sa vie. Qui finiront par parachever sa prise de conscience. Et ce, même s’il lui faut encore du temps.

« Voici un livre qui t’aidera, je suis sûr. Il t’apprendra beaucoup de choses sur toi. Si je peux te conseiller un bouquin, c’est bien celui-ci. » Lui avait dit, un soir d’été, son ami. Il avait raison. Le livre en question lui avait appris énormément. Elle ne le quittait, pour ainsi dire, jamais. Il l’accompagnait partout dans ses déplacements. Pour le relire… encore. Jamais aucun autre livre ne lui avait fait pareil effet.

Un objet. Un livre. Un lien entre deux amis, éloignés par des milliers de kilomètres. Un livre qui les rapproche malgré la distance.

Kieran n’a jamais connu son père. Un manque longtemps ressenti, et encore à l’heure actuelle. A la place, il a été élevé par une mère tyrannique qui s’en fichait pas mal s’il pouvait aller mal ou pas. Tout ce qui lui importait fût son travail, dans une grande chaine de Fast-Food, et ses soirées avec ses amis. Comment son fils allait s’occuper pendant son absence ? Elle ne s’en souciait pas. Elle préférait le laisser aux mains d’un couple de voisin, et amis, ou alors chez son grand-père, que Kieran adorait tout particulièrement. C’est lui qui donna le gout des choses vraies. Et surtout qui lui apprit que la désespérance ne servait à rien. Qu’il y avait toujours une goutte d’espoir même dans le noir. Il avait su lui redonner confiance en lui. Il avait su lui prodiguer beaucoup d’amour, celui-là même qui lui manquait. Son grand-père était un homme sage qui en avait connu des douleurs au cours de sa vie. Et l’enseignement qu’il en avait tiré l’avait rendu plus fort. Il s’était jamais laissé abattre. Il ne l’aurait pas voulu de toute façon. Pour cause, il estimait que d’autres avaient beaucoup plus souffert que lui.