LYSANDER WINSLOW ► Lucas Bernardini

27 JUIN 2002, LAS VEGAS Les yeux hypnotisés par les lumières étincelantes de la machine de jeu, j'exerce une légère pression sur le levier. Le bruit régulier des pièces qui chutent berce mon esprit d'enfant. Je suis né dans cet univers où la chance est reine de toutes sources de richesse, tout du moins en apparence. Le Caesars Palace est ma demeure, ainsi que mon terrain de jeu. Je connais le moindre détail de cette bâtisse, des mécanismes trafiqués de chaque installation aux pièces dites secrètes. Mon père et ma mère vivent de cette passion commune pour les casinos, ils se sont notamment rencontrés lors d'une partie de poker où mon père a gagné avec brio. Maître de la manipulation et du bluff par excellence, il est connu et redouté de ces personnes prêtent à tout miser sur un paquet de cartes. Il m'enseigne ces compétences depuis que je suis apte à lire, à comprendre les diverses stratégies qui mènent à la victoire. Ce ne sont pas de simples consignes à suivre, non c'est bien plus que ça. C'est une philosophie de vie à appliquer en toutes circonstances selon lui. La sueur envahie mon front, c'est un jour bien différent des autres. Je fouille ma poche et en sors un vieux morceau de papier froissé sur le quel est inscrit des bribes de phrase, des astuces. Je souffle, pensif et glisse le morceau de papier dans l'une de mes manches. Aujourd'hui, je participe à mon premier tournoi. Je m'installe et pose mes mains à plat sur la surface plane et rapeuse tout en taillant du regard les visages trop familiers qui m'entourent. Ce sont des habitués, des vétérans, des adversaires redoutables. Je suis la cible première de chaque individu, je suis la personne à abattre, le fils du chef que tout le monde veut vaincre. Je n'ai que dix ans à cet instant et dans la plus grande des joies, je gagne ce premier tournoi.  

15 JUILLET 2010, LAS VEGAS Les résultats tombent et sans le moindre doute, j'obtiens le diplôme qui va me permettre d'accéder aux études dont j'ai toujours rêvé. L'économie, un choix que j'ai fait sans trop réfléchir, il s'agit d'une évidence pour moi. C'est de toutes manières la suite à la quelle je suis destiné. Futur directeur du casino, je me dois d'avoir les connaissances adéquates pour reprendre le flambeau de la meilleure manière qui soit. Je commence à observer et analyser la moindre annonce de logement sur Boston qui est ma prochaine destination. Je vais enfin changer de décor, oublier ces sons qui n'en sont plus tellement je les ai entendu. Voir des visages que je n'ai encore jamais vu. Je suis admis à Harvard et déterminé à réussir mes études plus que jamais. Cette université est à mes yeux le lieu de regroupement même de l'élite. N'importe quel étudiant un minimum sensé rêve de rejoindre cette dernière, chose que je vais faire d'ici quelques mois.

19 SEPTEMBRE 2010, BOSTON Les cours à Harvard ont commencés depuis peu. Je suis déjà épuisé, lessivé et impatient d'être en vacances. Bien que mon cursus me plaise énormément, je ne me suis pas encore habitué à ce rythme de travail, à ces soirées qui se répètent un peu trop souvent, à ces histoires de confréries et de maisons. J'ai d'ailleurs rejoins l'Eliot House, qui n'est clairement pas la maison la plus appréciée selon mes quelques rencontres, certes. Elle regroupe ces personnes aux comptes en banque plus gonflés qu'une ampoule suite à une longue marche avec une nouvelle paire de chaussure. Ils n'ont pas cet aspect hypocrite et sans intérêt, cette fausse solidarité qui ne sert qu'à fleurir un peu plus l'image. Non, ils n'ont pas ces aspects insensés, ils ne font pas semblant d'être les mailles d'une chaîne. C'est sans nul doute ce qui me pousse à apprécier cette confrérie. Je me sens à ma place avec eux, même si je me sais tout aussi capable d'avancer seul, ma soif de compétition a eu raison de moi.