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« Si dans dix minutes t’es pas là, je te promets que cette nuit, tu vas dormir sur ta béquille. » Un sourire sur les lèvres lorsque de mes doigts je tapote sur l’écran tactile de mon cellulaire afin d’envoyer à Clay ce qui s’apparente pour nous à ce que le commun des mortels appelle des mots doux. Il doit passer ce soir, au Nirvana, me voir, et bien que si au départ de notre histoire ses allées et venues dans l’établissement n’étaient pas forcément pour me plaire, étant donné qu’elles étaient faites pour une autre et en tout et pour tout me faire enrager, je le sais. A présent, les choses sont d’une différence totalement déconcertante. Devenues presque habituelles, ses visites n’en finissent pas de rendre mes nuits de service bien plus agréables à passer. Le problème c’est que j’en suis toujours à vomir sur le fait de dire une seule fois, un jour, la véracité de ses pensées à haute voix. Si bien que je me noie dans mon inconscient et ses abysses de ce fait, j’en perds d’un client habituel, les suppliques. Toujours les mêmes verres, à répétition, toujours ses regards déplacés, vecteurs de ma prochaine irritation. Et ses paroles qui me foutent par avance, le bourdon. Mais par politesse et par défaut de formation, je place mon téléphone dans la poche arrière du short en cuir que je porte ce soir, pour venir devant lui, m’accouder au bar. « Ce sera quoi ? » Un double whisky avec très peu de coca, je le sais, c’est toujours le cas. D’ailleurs c’est ce que commence à chantonner sa voix. Alors usant de gestes vifs et contrôlés, par habitude, je sais ce que je fais. J’attrape bouteille et soda, les déverse, dans un verre placé précédemment devant moi. « 8$. » Je lui demande simplement, toute sourire, en tendant la main devant lui, attendant le billet et le pourboire, il y en a toujours un, avec lui. Son porte-feuille s’ouvre, laissant à mes pupilles le loisir de jauger, ce que je pourrai me faire en décidant de rester en sa compagnie, le temps de cette soirée. Juger du niveau de son compte en banque cette semaine et de combien il pourrait s’amuser, s'il le voulait. Il sort un billet, le dépose entre mes phalanges déployées, que je m’apprête à refermer, acte amputé dans sa lancée, puisque c’est sa paume qui le fait, sur mes propres doigts. « Et combien, pour toi ? » J’en dégueule d’avance, et me répète mon non droit de le gifler, pour lui, assurément une chance. « Laisse tomber. »
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