Edea Reese Gatling ► hayden panettiere

Edea, un prénom et toute une histoire. Un prénom pour une petite fille blonde, au visage d’ange dès qu’elle fut née. Cette petite douceur est née à Notting Hill. Autant dire que  j’étais déjà promue à un grand avenir dans cette ville aussi huppée de la banlieue londonienne.  Cette ville aurait tout pour plaire, le quartier était verdoyant, accueillant. Les façades des maisons donnaient surement des envies aux touristes et je les aurais compris. Si je n’avais pas dû fuir ce petit bout de paradis, j’y aurais surement construite toute ma vie.
Mais qui connait une histoire digne des contes de fée ? De la petite princesse qui même en restant dans son château, reste la plus heureuse au monde ? Pas moi en tout cas. La vie parfois dictait ce que l’on allait devenir. Le roi aussi allait y avoir sa part dedans. Ce roi, mon père.

J’étais la première d’une fratrie de trois enfants. Deux garçons et une fille suivaient juste après moi. Ce qui faisait de nous une famille nombreuse. Mais j’adorais mes cadets autant que cela pouvait être possible. Jusque-là, je pensais que c’était sa notre famille, de l’amour et de la protection. Un peu trop peut-être. Je pensais que tout cela était normal, que c’était de l’amour les fois où mon père s’immiscer dans ma chambre alors que j’avais à peine quatre ans. Je me devais de lui obéir et d’être sage à ce qu’il disait. J’étais persuadée que c’était ce que je faisais, alors pourquoi s’en prenait-il à moi de cette façon. Mais j’étais petite, et je ne comprenais pas tout cela. Faisait-il des attouchements à mes frères, ma sœur ? Ma mère était-elle au courant ? Beaucoup de questions qu’une petite de quatre ans pouvait se poser, mais bien trop jeune pour les dire à voix hautes.

Je ne devais parler, dont l’école, même si je me souviens que beaucoup d’entre eux m’avaient posé des questions bizarres, ne soupçonner rien du tout. Petite fille renfermée, je ne parlais pas beaucoup de toute ma jeunesse. Mon père devait avoir peur que ça éveille la curiosité des gens, mais rien. En grandissant, je réalisais que ma famille n’était qu’une apparence de bonne famille. Quand il y avait du monde, mes parents se conduisaient comme des parents modèles. Seulement, quand il ne restait plus personne, mon père continuait de s’introduire dans ma chambre.

J’avais maintenant seize ans, l’âge où il faut se rebeller. L’âge que mon père redoutait très certainement. Après des années à être abuser par mon père, après avoir subi des silences lourds et pesant, après avoir menti à tout de bras à qui voulait bien l’entendre, j’en avais marre. Lors d’un repas de famille, mon père jouait encore les fanfarons, ma mère jouait la femme aimante. Je n’en pouvais plus. Alors tout était sorti sous le regard ébahi de mes frères et de ma sœur, sous le regard triste de ma mère, et le regard furax de mon père. Je sentais qu’en ce moment précis, je venais de faire passer un cap à l’ensemble de ma famille. Mais le pire n’était pas encore passé. Ma mère me faisait passer pour une menteuse, insinuant que mon père n’aurait jamais été capable d’une chose pareille. Mais comment aurais-je pu inventer tout cela ? Les larmes et la rage me montaient du plus profond de mon être. Le reste se taisait dans un silence hypocrite que je ne supportais plus.

Une fois tout ce que j’avais à dire de sortis, je refusais officiellement de voir les membres de cette famille à l’avenir. Même mes cadets. La décision était peut être débile, mais je ne comptais plus rester une seconde de plus dans cette maison. Je montais pour prendre quelques vêtements et je partais. Où ? Aucune idée. Je me disais que je trouverais chez les parents d’une amie, mais qui me disait que ça ne serait pas pire ailleurs. Est-ce que ma situation pouvait être pire dans une autre famille ? Aucuns parents ne prenaient cette responsabilité de prendre une adolescente en fuite de chez elle. Je les détestais mais je les comprenais également.  Alors j’errais les rues, un endroit où j’ai fini par loger le temps de quelques nuits. J’ai donc appris assez jeune certaines valeurs de la vie, mais également ces pires cruautés, et la méchanceté des gens. C’était surement ce que je retiendrais le plus de cette expérience, peu importe ce qui nous arrive, on se retrouvait souvent seule. Au bout de deux nuits, je trouvais une auberge qui acceptait de me loger en échange de petits services rendu comme la plonge, le ménage, et d’autres petites choses à titre gracieux. Je n’avais pas encore l’âge pour être embauchée quelque part.

A cette période, je rencontrais également Evan, le fils du patron. Il avait trois ans de plus que moi, mais on avait un contact bien plus que fraternel. Le patron nous taquinait souvent d’ailleurs à ce propos. Evan suivait ses études dans le secondaire et il était un élève brillant. Dans un sens, j’admirais sa relation avec son père qui se démenait pour lui offrir une belle vie. Moi, mes parents ne se souciaient même pas de où j’étais. Cela ne me touchait même pas, ce n’étaient pas des parents pour faire une chose pareil : maltraité et abandonné son enfant. Avec Evan, il se passait ce qu’il y avait à faire, nous étions ensemble, il ne regardait pas le fait que je n’avais pas de famille et que j’avais un caractère bien trempé. Au contraire, il était le seul à savoir me calmer, à me rendre plus douce. Nous étions restés ensemble deux ans comme ça, jusqu’à mes dix huit ans à vrai dire. Je l’aimais à n’en plus finir, à ce moment-là, c’était lui ma famille et rien d’autre. Dans ma tête, tous les projets étaient fait : il finirait ses études, nous aurions une belle maison, nous nous aimerions toujours autant avec un ou deux enfants qui en seraient le résultat. Seulement, ces études avaient raison de nous. Il était à Oxford, avec des jeunes femmes de son âge et ma jalousie avait bouffé notre relation. Il me jurait par a plus b qu’il m’aimait, qu’il ne ferait rien qui me ferait du mal, c’était plus fort que moi. On finissait par se disputer plus qu’on ne s’aimer.

La séparation avait été très dure, je pleurais très souvent dans ma chambre de l’auberge, et même l’amitié que j’avais fini par créer avec le patron ne m’aider pas à remonter. Alors je tentais un dernier espoir, celui de joindre ma mère. Mais la réponse n’était pas celle que j’attendais. Comme elle avait su me dire « J’ai fait mes choix, à moi de les assumer, mais il ne fallait pas revenir en pleurant. » Le seul qui acceptait encore de me parler, était mon oncle qui vivait à Boston. Il m’offrait mon passe pour les Etats-Unis que j’acceptais sans hésitation. J’en voulais à ma mère de ne pas avoir offert une dernière chance, d’être resté avec mon père malgré tout. Elle ne m’avait même pas proposé de voir mes frères et ma sœur. En espérant qu’il accepte de me revoir en grandissant.

A Boston, la vie était bien différente et pourtant. J’avais encore mal de ma séparation avec Evan, il ne savait pas que j’étais partie, je pensais que c’était bien mieux ainsi. Pour l’oublier, je sortais tard le soir, je rentrais dans des états que je ne me connaissais pas. Je décrochais ainsi mes postes en tant que barmaids. La seule chose qui me faisait encore vibrer, était mes vidéos sur YouTube. J’avais commencé à Notthing Hill, mais avec tout cela j’avais arrêté. Mon oncle m’offrait une caméra très performante, et j’enchainais les vidéos make-up et coiffure. Les vues augmentaient à vue d’œil, mais rien qui ne me permettait de me lancer dans des projets plus concret. Et les cours étaient pour l’instant hors de prix.

Aujourd’hui, j’avais vingt-deux ans. La vie avec mon oncle n’était plus possible. Il devait se sentir le rôle d’un père et voulait à tout prix que je consulte un psychologue pour mes problèmes d’enfances. Sauf que je n’étais pas folle ! Je n’avais pas besoin de qui que ce soit pour me faire soigner. Si quelqu’un devait consulter, c’était mon père, ma mère, mais surement pas moi. Je préférais mon déni à cette réalité. Malgré un dossier des plus chaotiques, je commençais en septembre ma première année en biochimie à Harvard, les études n’étaient pas tellement pour moi mais je voulais me mettre toutes les chances de mon côtés pour arriver ce que je voulais : monter ma propre gamme de cosmétique. Depuis, je m’étais forgée un caractère de jeune femme dure, sans scrupule, prête à tout pour obtenir ce que je voulais. Je vivais ma petite vie sur le campus, commençant à m’y faire une bonne place, et je pensais même finir par intégrer une maison, une sorte d’élitisme qui m’allait bien.