(NOMMY) les jumeaux de la mort

Ça avait été bizarre ces dernières semaines. Revoir Elizabeth, embrasser Azraël, apprendre qu’elle était enceinte pour se mettre avec elle à la fin. Il avait passé deux nuits avec elle, une au Sanders Theatre, l’autre chez elle mais il ne s’était rien passé pour autant. Il avait donné des explications un peu floues à Nienke quand elle lui avait demandé où il avait dormit. J’me suis endormis à la bibliothèque. J’ai passé la nuit chez un gars avec qui j’ai un projet à rendre demain. Il savait qu’elle ne l’avait pas vraiment cru mais elle avait finis par hocher la tête et n’avait pas posé de questions depuis alors ils n’en avaient plus reparlé. Elle le connaissait mieux que personne et il savait qu’il avait semblé assez troublé et perdu ces derniers temps mais il n’avait aucune envie de parler de ses sentiments. C’était pas vraiment ce qu’on préférait chez les van Dijk de toute façon. Il revenait de chez Azraël encore surpris que maintenant ils étaient ensemble et qu’il savait qui était le père. Il était peut-être dix heures du soir quand il ouvrit la porte, sachant pertinemment que Nienke était loin de dormir. Elle était assise sur le canapé du salon, un paquet de pringles paprika sur la table basse. Celui qu’il avait acheté trois jours plus tôt. ”J’croyais que c’était mon paquet ça”, il lui lançait avec un sourire avant de poser les clés sur le comptoir et d’ouvrir le réfrigérateur et de sortir une bière. L’alcool ça n’avait jamais vraiment été son truc mais il avait trop de truc dans l’esprit et il ne voulait plus y penser.

Depuis que Tom avait débarqué à Harvard et que nous vivions ensembles, j'avais du mal à passer mes soirées à l'attendre. J'avais toujours ce besoin de savoir qu'il n'allait pas tarder pour qu'on se mette n'importe comment sur le canapé à manger des merdes. Mais en ce moment je ne le sentais pas, j'voyais bien que quelque chose ne tournait pas rond. En temps normal je fais mon possible pour aider les personnes quand elles sont dans le besoin alors imaginez moi avec mon frère. Seulement je ne lui en voulais pas de ne pas trop se livrer, dans la famille c'est pas trop notre genre de déballer le sac à sentiments. Oui, pour moi tout le monde porte un sac à dos avec ses sentiments dedans. Oui Nienke, c'est cela. J'étais donc affalée devant la télé où passait une émission des plus inintéressantes mais je ne regardais pas vraiment, je l'attendais. J'entends finalement la porte de l'entrée s'ouvrir alors je fais mine d'être super concentrée. Si. T'aurais du acheter les salés, j'aime pas ceux là. Je me retourne en lui souriant et l'observe prendre une bière. J'hausse les sourcils furtivement ne pouvant pas cacher ma surprise. Prends moi en une s'teuplait. Ouais là, il y a vraiment un truc qui cloche, il ne boit jamais. Mais je ne poserai pas de question tout de suite je voulais qu'il se détende un peu. Je prends une cigarette et l'allume alors qu'il me tend ma bière. Merci.

Ça le rendait un peu triste quand même de pas en parler avec Nienke. Ils se disaient tout, s’étaient toujours tout partagés, même le ventre de leur mère. Pourtant, Tommy et Nienke, ils ne s’étaient jamais vraiment parlés de leurs histoires de coeur. Surtout parce qu'aucun des deux n’avait eu de vrais copains ou copines. Il lui avait parlé d’Elizabeth quand ils étaient encore ensemble. Montre la moi, j’veux la voir, elle lui avait répété par sms alors qu’elle était à Harvard. Il avait refusé, lui affirmant que celle-ci il fallait la voir en face. Elles ne s’étaient jamais rencontrés. Nienke était venue à Paris pour les voir avant d’aller à La Haye et Elizabeth avait disparu la même nuit. ”Les salés sont dégeu, Ninne”, il lui avait lancé avec un grand sourire. Nee-neu, c’était le surnom qu’il lui avait toujours donné. Il avait ignoré son haussement de sourcil, agissant comme s’il n’avait pas remarqué sa surprise, attrapant à la volée une deuxième bière. Il lui avait tendu avant de s’affaler sur le canapé et d’ouvrir sa bouteille. Ça lui faisait toujours bizarre de la voir fumer. Lui, buvait rarement, ne fumait pas et ne se droguait pas. Des habitudes qu’il avait hérité de son coach quand il était sprinteur. Reste en bonne santé, gamin, il lui avait répété. Il tournait la tête vers la télévision. ”Depuis quand tu regardes ça, toi?”, il demandait avec un petit rire. The Bachelor. C’était loin de ce que Nienke regardait habituellement. Elle préférait les émissions un peu philosophiques et artistiques, les bons films, il le savait parce que généralement il les regardait avec elle.

Tommy et moi avons quasiment les mêmes goût. On se rejoint sur la littérature, le cinéma, l'art et beaucoup d'autres choses mais en ce qui concerne la bouffe c'est autre chose. On nous qualifie souvent de faux jumeaux ayant deux différentes dans le ventre de notre maman mais c'est parfois troublant comme nous pouvons nous ressembler. Mais au niveau des pringles, pas de doute nos avis diffèrent. J'aime entendre mon surnom qu'il me donne depuis que je suis toute petite, j'ai l'impression de me sentir entière. Savoir que nous nous retrouvons tous les soirs sur ce même canapé pour débattre de nos journées me rassure. Et là je connais mon frère, je sais que que quelque chose ne va pas. En temps normal il m'aurait vidé son sac mais cette fois c'est différent c'est à cause du fille. Pas du tout. Moi je les préfère. Je lui fais une petite grimace avant de rigoler un peu et il vient poser son cul à côté de moi. Je décapsule ma bière, en bois une gorgée et tire longuement sur ma cigarette comme si je me préparais à répondre à sa question. Depuis que je fais semblant d'être concentrée sur quelque chose pour éviter de te faire voir que j'ai compris que quelque chose n'allait pas. Oui, dis comme ça c'est incompréhensible mais il m'a comprise j'en suis sûre. Je n'avais pas pu m'empêcher de lui faire remarquer que j'avais compris sans pour autant lui demander de se livrer.

Il décapsulait sa bière juste après elle. Ils avaient vécu pendant quatre ans dans deux continents différents et pourtant, maintenant qu’ils s’étaient retrouvés, c’était comme s'ils ne s’étaient jamais séparés. Parfois on trouvait ça bizarre qu’ils vivent ensemble mais ils étaient habitués aux rumeurs et aux regards déplacés. Au lycée on disait que leur relation n’était pas normale, qu’ils se passaient quelque chose entre eux mais, Tommy et Nienke, ils s’en foutaient pas mal de ce qu’une poignée d’adolescents avides de commérages pouvait bien penser. Elle lui faisait remarquer qu’elle savait qu’il se passait quelque chose, il penchait la tête sur le côté et ils se fixaient pendant une seconde avant qu’il ne tourne la tête à nouveau vers la télévision, un petit sourire sur les lèvres qu’il n’avait pas pu empêcher. ”T’es chiante, tu sais?”à savoir toujours ce qu’il se passe dans ma tête et dans ma vie. Mais il ne le pensait pas et elle le savait. C’était toujours cool d’avoir quelqu’un qui vous connaît parfaitement. Seulement, il ne pouvait rien lui cacher en retour. Il soufflait avant de vider son sac. ”J’crois que j’ai une copine, maintenant”, il disait enfin, encore surpris d’être avec Azraël maintenant. ”Et elle est enceinte-”, il continuait juste après. ”-d’un de mes potes”, il ne pouvait pas arrêter un petit rire nerveux avant de prendre une grande gorgée de sa bière. Tom, il avait beau être très courageux, il avait toujours eu peur de s’engager et voilà que maintenant il sortait avec une fille qui en plus de ça était enceinte. C’était pas vraiment dans ses habitudes, en effet.