(maden) ⊰ I'm a living mess.

Après quelques semaines de temps bien au delà de la moyenne habituelle pour cette période, ça y est, les gelées arrivent sur Harvard. Et évidemment, pour la reprise des cours, et non pas les vacances de Noël, alors forcément, c'est un peu le parcours du combattant pour aller d'un cours à l'autre. Mais là, il est 18h, j'ai fini, je peux fuir ! But first, let me take a coffee. Je fuyais rapidement vers le Starbucks pour récupérer un Caramel Macchiato, et aller m'installer à Tercentenary Theatre. Sauf que la dernière marche des escaliers a eu raison de moi, et a décidé de me jouer un tour: Je glisse sur celle ci, et là, la scène passe au ralenti: Une Maddy qui fait un vol plané avec son café. Plutôt que de protéger mon popotin, je plaque ma main contre le sommet du gobelet. Arrivée au sol, ce dernier est intact, pas une goutte de café renversée sur moi. Mais...  « ... Aïe. » J'me suis rétamée, et c'était pas franchement agréable pour mon dos. Quand je relève les yeux, je remarque alors une silhouette familière. Deven. S'il ne se moque pas de moi avec ça... Pitié, faut que j'aille dans un trou, je suis un vrai cas.

C'est la fin de la journée, les rayons du soleil s'estompent et laissent un léger voile doré se poser sur mon visage glacé. Un chocolat chaud entre les mains, je continue à piétiner le sol, insouciant, sans trop savoir où aller. Que faire ce soir, c'est la question que je me pose depuis maintenant quelques heures, sans jamais trouver de réponse. Sortir, réviser, boire, dormir, jouer de la guitare, tant de possibilités, tant de choix et pourtant si peu d'idées. Je continue ma marche, tête baissée, le regard ancré sur mon chocolat, bercé au même instant par les bruits réguliers de mes pas lourds. La fatigue m'enlace et se décide à ne plus me lâcher. Je somnole debout quelques secondes avant d'entendre un bruit sec accompagné d'un murmure de douleur. Je fais volte-face et remarque immédiatement une personne à même le sol, étalée, sans doute vaincue par la dernière marche de l'escalier. Je m'approche, curieux et reconnais assez vite ces traits de visage. Maddy. Je me penche légèrement « Oh, ça va ?! Ne restes pas ainsi. » Je pose mon chocolat et lui tend une main, le sourire au coin des lèvres. Il faut croire qu'elle entretien une bonne relation avec le sol, c'est la deuxième fois que je la croise et qu'elle y goûte. « Je tiens quand même à souligner que t'es une héroïne, on est pas tous capable de sauver un Caramel Macchiato au dépend de sa propre vie. » Je lâche un léger rire niais.

De toutes les personnes devant lesquelles j'aurais pu tomber, il fallait que je tombe devant Deven. C'est pas la première fois qu'il me voit me casser la figure, faut voir ça comme un point positif non négligeable, sachant qu'à notre rencontre, il m'a presque ramassée à la petite cuillère à la sortie d'une soirée pour m'aider à retrouver le chemin de chez moi. Le gars il aurait pu me faire n'importe quoi, d'ailleurs depuis je fais plus gaffe quand je bois. Mais non. Lui, il respire la gentillesse, et d'ailleurs, immédiatement, il se pencha au dessus de moi pour s'enquérir de mon état. Je me mordis la lèvre inférieure, clairement gênée sur le coup, avant de hocher la tête.  « Ça va, ça va.. Je commence à être habituée. » D'ailleurs je me demande si j'ai pas des os en titane avec ça. Je tendis une main vers la sienne, la saisissant pour mieux me redresser. « Merci.. » Dis-je d'un petit sourire reconnaissant, avant de rire en entendant sa remarque. Mon caramel est intact, miraaacle!  « Disons que le dernier a fini aux trois quarts renversé sur mon chemisier, et je voulais éviter de réitérer l'expérience. » Mon rire fit écho au sien, avant que je ne demande, souriante:  « Tu vas bien toi sinon? Fini les cours également ? »

Je regarde avec attention le sourire qu'elle m'offre à cet instant. Il est vrai, il est agréable à regarder, il me donne une étrange sensation de confort, de bien-être. Je lui rend un sourire tout aussi grand, c'est d'une certaine façon donnant-donnant. « Moi ça va plutôt bien ! Je viens de finir, du coup je me suis pris un chocolat et je comptais me poser le temps de réfléchir à ce que j'allais faire ce soir mais ça, ça n'a aucune importance. Je peux te tenir compagnie ? Si tu n'y vois aucun inconvénient bien sûr. » La solitude est une chose que je déteste presque autant que les morceaux de viande. Ce n'est en revanche pas la même haine, pas le même dégoût. Je m'abaisse et attrape mon chocolat que j'ai déposé plus tôt pour l'aider à se lever. « Tu veux te poser où ? » Je la regarde, toujours le sourire en coin. La fatigue peut attendre, j'ai l'envie inexpliquée de rester un peu avec elle, d'apprendre à la connaître un peu plus. Après tout, pour le moment il s'agit juste de la fille qui est sans arrêt à même le sol quand j'arrive. Je ne veux pas qu'elle soit simplement cette fille là. Je n'ai pas envie qu'elle reste cette simple connaissance à qui je vais dire bonjour quand je vais la croiser et que je vais aussitôt quitter, les mains dans les poches. Je veux connaître cette fille qu'on appelle Maddy.

Rapidement, je me redressais avec l'aide du jeune homme, pour constater que mon café est intact, ce qui relève du miracle. Pour le coup j'en oublie presque la douleur dans mon dos. Un sourire intimidé sur le bout des lèvres, je hochais la tête évidemment lorsque Deven me proposa de me tenir compagnie.  « Avec plaisir, je comptais squatter un banc toute seule, je refuserais jamais ta compagnie. » C'est un fait, chaque fois qu'on se croise, ça me fait plaisir, il est toujours bienveillant avec moi, souriant, pas comme les gars en soirée qui me font du rentre dedans à grand coup de punchline du genre "t'es bonne" bahaha quelle horreur. Une fois qu'il eut récupéré son chocolat, je regardais autour de nous pour désigner un banc à l'abri du vent, proche de l'entrée d'un bâtiment et d'un chauffage extérieur. « Là bas ? Ca évitera de terminer frigorifiés.. J'avoue être frileuse. » Je me dirigeais sagement vers là bas, pour m'installer sur le banc en commençant à boire mon café. J'voudrais éviter qu'il soit froid. « Et alors, qu'est ce que tu comptais faire ce soir? » Tournant la tête pour le regarder, je penchais légèrement la tête, curieuse.

Mon regard suit attentivement le bout du doigt de Maddy, qui désigne un banc un peu plus loin, proche d'un chauffage extérieur. J’acquiesce d'un simple mouvement de tête vertical et suis la jolie brune jusqu'à l'endroit désiré. Je m'assois et une sensation étrange me monte jusqu'à la tête. Mon cœur s'arrête un instant, mon corps est glace, il suffirait d'un coup, même léger pour me briser. J'absorbe d'une traite tout le contenu de mon verre pour me réchauffer puis tourne doucement le visage vers la demoiselle.  « Je pense simplement me faire une soirée film avec une pizza et de la bière. C'est pas très fameux je te l'accorde. » Je souffle sur mes mains, elles sont rouges, abîmées, elles subissent le temps.  « Tu as prévu quelque chose ce soir ? Genre, une soirée alcoolisée ? Juste histoire de savoir si je prépare ma voiture. » Je la taquine encore un peu sur ce sujet qui est en réalité un ensemble du peu de chose que je sais sur elle. Je la fixe un instant, je regarde chaque trait de son visage, chaque esquisse de sa création, ainsi que ses quelques imperfections et en déduis une chose qui n'a pas vraiment d'importance mais qui est ma vérité. Je ne peux le nier, c'est une jolie fille, ce que je n'avais pas forcément remarqué auparavant. Il faut avouer que l'état dans le quel je l'ai trouvé pour la première fois ne lui était pas favorable.

Les mains soigneusement posées autour de mon gobelet chaud, histoire de ne pas finir gelée, je me dirigeais sagement avec Deven vers le banc que je lui avais désigné, histoire qu'on s'installe dehors sans mourir de froid. Une fois assis, je remontais mieux mon écharpe autour de mon cou tout en l'écoutant sur son programme nocturne. Au lieu de m'en moquer, je secouais la tête avec un sourire. « J'avoue que je ne suis pas une buveuse de bière. Mais crois le ou pas, je préfère largement les soirées film et pizza aux soirées étudiantes. » Ca pourrait sonner comme une grosse blague, vu les conditions de notre rencontre, mais j'étais parfaitement sincère. Les soirées comme celle dont je rentrais le soir de notre rencontre, c'est assez inédit pour moi. Après avoir bu une longue gorgée de mon café, je secoue la tête en riant face à sa remarque. « Nope, pas d'alcool pour moi ce soir, j'essaie d'y aller à petite dose, en principe c'est ... Pas tellement mon genre, en fait. » Je me mordais l'intérieur de la joue, tournant les yeux pour le regarder, légèrement intimidée. « On va dire que j'essaie de me mêler au monde depuis peu. J'ai tendance à être assez associable, d'où ma préférence pour les soirées film. Ou jeux vidéos. Tout ce qui inclue un écran et peu de personnes. » Je dois tellement sonner geek. Mais après tout, je le suis.