Voilà deux semaines que Charlie était arrivée à Boston. Son inscription était enfin terminée, elle avait une chambre à la Cabot House qu’elle avait fait, évidemment, décorée par l’une des meilleures architectes d’intérieur de la ville et prenait peu à peu ses marques. Elle se sentait un peu paumée derrière ses lunettes mouche Chanel, la jeune fille avait l’habitude d’être sous les projecteurs, sur le devant de la scène, et là, son arrivée à l’université d’Harvard n’avait pas fait autant de bruit qu’elle l’espérait. Elle n’avait pour ainsi dire aucun ami, aucune connaissance, mais continuait au moins en apparence, d’adopter sa démarche de princesse anglaise perchée haut sur ses talons Louboutins. Le taxi l’avait arrêté dans une des artères principales de la ville. Comme elle n’avait rien de prévu cette après midi, elle s’était mise en tête de faire les boutiques et vérifier que la mode n’était pas morte dans cette ville. Vêtue d’une jupe à motif noirs et blancs, d’un chemisier blanc col Claudine, d’un mentaux en fourrure de lapin et d’un sac à main rouge Prada assorti à la semelle de ses chaussures, elle marchait sur le trottoir comme une véritable star d’Hollywood. Elle se fichait de déranger les passant, sa démarche assurée les forçant à s’écarter d’eux-mêmes pour ne pas la percuter. Elle allait traverser la rue quand sur sa gauche elle vit la devanture d’un café dans lequel elle décida d’entrer. Il y avait foule, elle n’avait même pas pris la peine d’enlever ses lunettes, trop contente de se faire remarquer et de voir des visages déconcertés se tourner sur son passage. Elle dépassa la longue queue qui se dressait devant elle, poussa d’une main sur l’épaule le garçon qui était entrain de commander à ce moment là et dit à la caissière : « Un allongé avec un nuage de lait et deux sucres ». Sa voix pincée et son intonation tyrannique laissaient l caissière pantoise, elle fixait la jeune fille comme hallucinée par tant d’arrogance. Charlie enleva ses lunettes et regardait la caissière avant plus d’insistance, tout le mépris et le dédain du monde dans ses yeux : « Il faut que je vous le dise en espagnol ? En allemand ? En valyrien peut-être ? », ignorant complètement le garçon agacé qui se tenait à côté d’elle.