PIPER VAN WOOD ► saoirse ronan

Dix-huit avril 1993. Stockholm, Suède. Premier jour de ma vie. J'arrive après neuf mois d'attente difficile. Ma mère allait le devenir pour la première fois de sa vie et elle était seule pour affronter cette nouvelle aventure. Pas de père dans le foyer familiale, c'est une absence qui me pèsera durant l'entièreté de mon enfance, mais aussi à l'adolescence. Difficile pour une petite fille de ne pas pouvoir faire de carte pour la fête des pères à l'école, encore plus difficile d'expliquer aux autres enfants que je n'avais pas une famille « normale ». Ma mère a toujours eu beaucoup de mérite, il m'est impossible pour moi de me plaindre de l'éducation que j'ai reçue. Elle est une femme aimante qui a fait de son mieux pour élever sa fille seule, essayant de la privilégier face à son travail de PDG pour une multinationale suédoise. Un milieu aisé donc, mais une vie très simple, incohérente même quand on la compare aux revenus colossaux de ma mère. C'était certainement la meilleure vie dont je pouvais rêver. La meilleure jusqu'à ce que la PDG tombe amoureuse d'un type un peu louche. Il me faisait peur, il ne m’inspirait pas confiance. Je serais incapable de dire si c'était à cause de son physique, de mon jeune âge ou de mon inexpérience vis à vis des hommes. En tout cas, je faisais en sorte de passer un maximum de temps à l'école ou même avec ma mère à son travail. Je n'osais pas lui dire ce que je ressentais, elle semblait trop heureuse pour que je brise son bonheur. Je me réfugie dans des passe-temps aussi, comme le théâtre, la danse (contemporaine) ou la musique (piano). Je suis une personne assez timide et mystérieuse, mais extrêmement solaire avec les personnes qui me connaissent à la perfection (ce qui est rare). Les mois passent aussi facilement. Je suis méfiante, mais tout se passe bien. Je deviens adolescente et peu à peu, je baisse mes gardes avec l'homme de ma mère, l’appréciant presque... jusqu'à ce qu'il me touche. La sensation est horrible, les barrières en moi s'effondrent. Une carapace se forme, j'essaie d'envoyer des signaux à ma mère pour lui dire que tout va mal, que son compagnon est horrible avec moi, mais elle ne le comprendra que trop tard, quand celui-ci sera allé trop loin. Le viol. J'étais détruite mentalement. Je n'acceptais plus aucun contact avec quiconque sauf ma mère. L'homme a été arrêté pour viol sur mineur, je n'étais âgée que de quatorze ans à ce moment-là. J'ai été très bien entouré par la suite. Par ma mère qui a été des plus présentes, elle se sentait réellement coupable. Par les médecins et psychologues qui m'ont aidé à me reconstruire et à faire que mon adolescence a été moins pire. Je grandis à l'abri, je prends des cours à domicile, m’intéressant à l'architecture et aux mathématiques. Je commence le dessin et à prendre plaisir à sortir un peu pour m’intéresser aux bâtiments de ma ville. Je ne connais pas l'amour. Impossible de faire confiance, de me laisser aller avec un garçon. Je me dis simplement que je suis encore jeune pour m'ouvrir, j'essaie de me rassurer simplement. Aujourd'hui, j'ai vingt-deux ans et je dois avancer. C'est très difficile, mais après une grande discussion avec ma mère, j'ai décidé il y a trois ans de prendre un visa pour continuer mes études à Harvard, aux Etats-Unis. J'attends de cette expérience d'en apprendre sur moi, de me faire évoluer, de m'ouvrir aux autres et au monde. Et peut-être, qui sait, je prolongerais mon visa par la suite. Pour le moment, tout va bien, mais il reste encore beaucoup de travail pour aller mieux.