Jaxeandra → we were bold and young.

Memorial Day. C'était un jour important pour Harvard, un jour très important auquel il fallait être présent, allumer une bougie de plus, encore une, pour tous ceux qu'on a perdu, pour tous ceux qui ont perdus quelqu'un, pour ceux qui ont échappé de peu à ce jour-là, et pour tous les autres, ceux qui veulent. J'allume ma dernière bougie, lance une dernière prière et me relève, regardant les gens autour faire la même chose que moi, tous, ou presque. Dans la foule en face, une tête se relève. Une tête blonde que je connais bien, que je fixe, qui me regarde. Un sourire étire mes lèvres doucement, j'essaie de rester respectueuse par rapport aux autres, à ceux qui se recueil. J'ai du mal, mais j'y arrive. Seul mon sourire reste, sourire amusée, sourire joueur. Ce n'est ni le moment, ni l'endroit. On se concentre.

Allez, commémorons. Allez, faites semblant que vous les connaissez, que vous vous en rappelez. Hypocrites, tous. J'vous déteste. Et mon sang est imprégné d'alcool. C'est moche, pour un ancien flic, ca l'est encore plus pour un mec qui a perdu sa petit-amie dans ces attentats. Ma vie s'est cassée la gueule quand ce connard a tout fait sauter, me laissant comme un chien sur le bas côté. Puis j'suis là. A regarder Leandra. C'est la seule que je connais dans le lot, alors elle attire tout mon regard océan. Ca m'évite de voir ailleurs, de me rappeler ce que je fous là, avec une rose blanche dans les mains. J'la regarde, jusqu'à ce qu'elle se tourne vers notre foule. Elle sourit, et moi j'peux pas faire autrement que de sourire aussi. Idiotement, avec une furieuse envie de rire. Se pince les lèvres, baisse le visage. Allez, regarde parterre. Non, arrête de relever la tête, de croiser ses billes plus sombres, et lui tirer la langue de là où t'es. Arrête d'être comme ça, de faire comme si on s'en foutait de ce spectacle de tristesse. Arrête de faire comme si vous étiez plus forts qu'eux.

Pour nous, ça n'a jamais rien représenter, tout ça, pas vrai ? Toute cette pitié qui dégouline de leur visage, toute cette fausse tristesse, c'est pas pour nous. Nous, on y a perdu quelqu'un, on sait ce que c'est que d'avoir perdu quelqu'un, qui peut en dire autant ? Avec de la chance, la moitié des personnes ici. Avec du réalisme, la moitié d'entre eux. Nous, on sait ce que c'est, et toi encore plus, qui me tire la langue depuis l'autre foule. Tu sais ce que c'est, pire encore, tu vis ce deuil tous les jours, et pas juste le jour que tout le monde semble avoir choisi pour se souvenir d'eux. On a pas besoin de s'en souvenir, on y pense tous les jours, c'est jamais parti, c'est encore trop présent. Tire la langue de plus belle, grimace au loin, s'approchant de plus en plus, se frayant un chemin parmi les gens tristes. Jusqu'à arriver jusque toi. Poser mes lèvres près de ton oreille, murmurer un semblant de bonjour, qui ressemble plus à un cafouillage dégueulasse. Montres. Tente une approche de fausse drague, pour rire. "J't'ai remarqué depuis l'autre côté de la foule là bas, ça t'dirais qu'on aille boire un verre ailleurs belle blonde ?" un peu comme un dragueur lourd, c'est pas grave, il aime ça. C'est une coquine, au fond, Jax.