CHARLIE ELIN TILLERSON - Emma Roberts

L’opulence et les projecteurs structurent la vie de Charlie depuis sa naissance. Une vie caressée par la fortune vite acquise et entretenue de son père. Rex Tillerson est le président d’ExxonMobil, l’une des compagnies pétrolières et gazières les plus influentes de la planète. Avec ses quelques quatre cent milliards de dollars de chiffre d’affaire pour la seule année 2014 elle se place sans mal dans les plus grandes firmes internationales. Rex Tillerson s’est marié jeune à Madison, une jeune californienne qui, avant de s’enfermer dans le rôle statique de mère-épouse, avait des rêves de gloires et voulait devenir actrice.  Aujourd’hui, Madison court après sa jeunesse perdue, multipliant les injections de botox et fantasmant, à travers Charlie, une vie d’adolescente prodige. Charlie est fille unique. Cette configuration familiale a façonné son caractère outrageusement égocentrique : le monde tout entier doit être à ses pieds et chacun de ses caprices doit être satisfait. Ses parents ont eu beaucoup de mal à l’avoir et c’est finalement à l’âge de 31 ans que Madison réussit enfin à tomber enceinte. Charlie est née prématurément : cette grossesse et cette naissance difficile ont fait de Charlie une enfant choyée. Petit miracle de ses parents, surtout de son père, ils ont développé à son égard un amour abusif et souvent étouffant.

A l’adolescence, les rapports de Charlie avec ses parents évoluent : son père l’aime de plus en plus et sa mère de moins en moins. Son père est littéralement fol amoureux de sa fille. Il ne la voit que très peu du fait de ses nombreux déplacements et comble-le manque de sa présence par des cadeaux toujours plus ostentatoires. Et Charlie sait jouer de sa culpabilité pour obtenir ce qu’elle veut, absolument tout ce qu’elle veut – ainsi, elle n’est absolument pas habitué à ce que quoique ce soit lui résiste. Quand elle veut quelque chose, elle l’obtient, c’est automatique. A l’inverse, au fur et à mesure qu’elle vieillit et sent les signes de son âge gâter son visage, sa mère s’éprend d’un sentiment de rivalité à l’égard de sa fille. Madison veut être plus belle que Charlie, la prend à la fois comme modèle (n’hésitant pas à s’habiller comme sa fille, qui a bon gout de surcroit) et comme ennemi à abattre. Alors, depuis ses quinze ans, le rapport entre Charlie et Madison est tendu. Charlie n’a jamais vraiment pu développer un sentiment maternel, et ne s’est même jamais vraiment sentit aimée, véritablement aimée par sa mère, chose qui manque cruellement à sa vie et qui l’a poussé à l’indépendance très vite.

Charlie est schématiquement, l’archétype de la reine de lycée, la prom queen par excellence. Elle est habituée à mener la danse, avoir tout ce qu’elle veut, être regardée, prise comme modèle, et porter une couronne. En apparence, elle est sure d’elle, vicieuse et maligne : elle est du genre à monter des sales coups par vengeance, ou juste pour jouer. Fille à papa, elle sait que quoiqu’elle fasse, elle demeure dans l’impunité et que de toute façon, elle n’aura jamais à assumer les conséquences de ses actes. Et puis, son père qui la voit comme la fille la plus gentille, mignonne, et adorable de la terre, aurait bien du mal à croire que Charlie puisse faire quoique ce soit de mesquin ou de perfide.

Au-delà des apparences, Charlie est loin d’être une fille stupide. Passionnée par la mode, elle poursuit ses études en journalisme afin de devenir un dictateur de la beauté, comme Meryl Streep dans Le Diable s’habille en Prada. Elle est consciente de sa situation et de l’image qu’elle renvoie. Parfois elle en profite, d’autre fois elle la rejette. Car, dans le fond, elle la vit comme un fardeau : elle doit toujours être au top, se montrer sous son meilleur jour, et tout réussir pour ne pas que ses « amies » se moquent d’elle. Pire encore, que sa mère le fasse. Elle appelle ce fardeau « l’enfer rose à paillette ». Elle se sent excessivement seule et n’a jamais eu de relation profonde avec qui que ce soit, amis ou amants. En fait, tout comme ce qu’elle semble être, la vie de Charlie est très superficielle – tout est fait dans la superficialité. Les garçons l’ont souvent vu comme une pimbêche imbue d’elle-même et Charlie s’est très vite retrouvée coincée dans cette image dont elle a un mal fou à se sortir.



A cinq ans, souvenir doux amer de Carlota, la gouvernante.

Le père de Charlie est souvent absent, faisant le tour de ses installations pétrolières de par le monde et réfléchissant à de nouveaux points d’ancrage. La mère de Charlie est bien trop occupée par ses séances de shopping, de spa, et le thé avec ses copines pour s’occuper de la jeune fille. Charlie est dans la grande cuisine de la ville avec Carlotta, un saladier devant les yeux, une spatule à la main. Elle fait un gâteau pour le retour de son père.
L’enfance de la jeune fille est ainsi résumée : elle a passé plus de temps avec sa gouvernantes qu’avec ses propres parents. Déjà, Charlie développait un fort sentiment d’amertume à l’égard de sa mère qui préférait sa vie de femme à sa vie de mère. Carlota est partie quand Charlie avait dix ans. C’est la seule personne à qui elle n’ait jamais fait un câlin sincère, un câlin de tendresse, et avec laquelle elle s’autorisait à ne pas tenir son dos droit, son menton haut, et ses cheveux impeccablement coiffés comme l’exigeait sa mère.


A onze ans, souvenir de la course au casting et des hurlements de sa mère.

Charlie est devant un fond neutre, une meute de photographe et de technicien autour d’elle. Elle est habillée comme une Lolita et tient la pause autant que faire se peut. Sa mère semble stressée et anxieuse, bien plus qu’elle, et vient tout à coup rejoindre Charlie pour arranger ses cheveux et lui essuyer une trace de chocolat qu’elle avait au coin des lèvres : « Tu as encore mangé du chocolat ? Je t’ai dis que tu avais du poids à perdre, tu veux être grosse, c’est ça ? ». Madison rejoint sa place et Charlie se fait prendre en photo. Elle a prit l’habitude de ces séances, l’habitude des castings et des concours de Mini miss. Elle y prend même plaisir : tout le monde la regarde, elle est au centre de l’attention. Et elle imagine dans l’objectif de la caméra l’œil fier de son père qui lui dit « Bravo ma fille ».

Jusqu’à l’adolescence, la mère de Charlie cherchait à ce qu’elle soit la plus belle. A ce que sa fille fasse ce qu’elle-même n’avait jamais pu faire : devenir une grande actrice. Elle vit clairement par procuration et régit la vie de sa fille comme un véritable agent artistique. Charlie prend gout à toute cette vie, tout ce monde, et y gagne encore plus en égocentrisme. Elle devient de plus en plus imbue d’elle-même, de plus en plus portée sur son apparence physique, et de plus en plus imbuvable avec le reste du monde.


A dix-sept ans, souvenir de la première rupture.

Charlie sort pendant tout le lycée avec Milan, le capitaine de l’équipe de Hockey. Ils n’ont jamais couché ensemble, Charlie trouvant toujours une excuse pour ne pas passer à l’acte. Mais ça ne dérange pas Milan plus que ça. Ce qui le dérange fondamentalement c’est le sale caractère de sa petite-amie et sa façon d’être en public. Il le lui répète sans cesse, « tu es tellement différente quand on n’est que tout les deux. Dehors, tu es une fille détestable ». Charlie aime beaucoup Milan, même si elle n’en est pas amoureuse et aime à se pavaner à son bras. Et puis, lui n’est pas peu fier de sortir avec la plus jolie fille du lycée.

Un soir de ses dix sept ans, elle rafle le prix du roi et de la reine du bal au bras de Milan. Elle s’y attendait : qui d’autre qu’elle était digne de porter la couronne ? Mais, une rumeur arrive bien vite à l’oreille de Milan : quelqu’un aurait vidé un pot de crème dépilatoire dans le casque de scootr d’Alessia, sa partenaire de physique avec qui il s’entend plus que bien et dont Charlie est jalouse. Même si personne ne soupçonne Charlie, lui reconnait la signature de sa petite amie. Et après une tirade enflammée sur le fait qu’elle était la pire personne de l’univers, perfide, manipulatrice, fausse et probablement attardée, il finit par la planter au milieu de la piste devant les regards inquisiteurs et moqueur des élèves du lycée.


A dix-neuf ans, souvenir de sa première fois.

Charlie étudie le journalisme dans une faculté de Dallas. Son père, même s’il est tout le temps absent, refuse de la laisser partir trop loin de peur qu’il ne lui arrive quelque chose. Elle est devenue plus amère, plus dure, et plus mesquine que jamais. Depuis Milan, elle n’a eut aucun petit copain – se laissant en revanche gracieusement draguée, au moins pour le plaisir de l’ego et de remballer. Elle aimait dominer. Ou, avait-elle appris à aimer ça ? Difficile de savoir.
Le fait est que Charlie n’a jamais vraiment été attiré par le sexe. Elle ne comprenait d’ailleurs pas l’engouement des gens à l’égard de cette pratique. Elle ne ressentait pas de désir, pas d’envie, elle était ce qu’on peut appeler une fille frigide. Et ce, depuis toujours. S’étant vite rendue compte qu’il n’était pas « normal » de penser ainsi, elle avait mentit à tout son entourage affirmant qu’elle avait déjà couché, et bien plus d’une fois, avec une myriade de garçon.

Depuis le début du semestre, le prof d’histoire fait les yeux doux à Charlie. Et elle entre dans son jeu, elle aime allumer les mecs pour finir par les planter, toujours. A la fin d’un cours, ils se retrouvent tout les deux. Et pour la première fois, elle décide de passer à l’acte. Elle veut se débarrasser de sa virginité, ce fardeau, comme on se débarrasse d’une maladie. Elle couche avec ce professeur sur le bureau de cet amphi et ressens une immense tristesse tout du long. L’envie de pleurer, de s’arracher les cheveux : la douleur et le dégout. Une fois l’acte terminé, elle s’était habillée en silence, le laissant sans rien dire, sac en main, lunette sur le nez, elle s’éclipsait dans les couloirs. Ou dans un coin, bien caché derrière une porte, elle se laissa glisser le long d’un mur et se mit à pleurer. Elle ne comprenait pas pourquoi elle n’y arrivait pas, qu’est ce qui clochait chez elle ? Était-elle si anormale, au point de ne pas pouvoir ressentir le moindre plaisir ? De ne pas pouvoir aimer ?


A vingt-deux ans, les valises au sol devant l’aéroport de Boston.

Le père de Charlie a finit par se résigner et céder aux exigences de sa fille. Elle voulait étudier à Harvard, principalement pour s’éloigner de sa mère, du foyer familiale, de Dallas et du reste. Au moins, en choisissant Harvard, elle avait un argument de taille : c’était la meilleure université au monde, et son père ne pouvait pas refuser à sa fille la meilleure université du monde, puisqu’elle méritait ce qu’il y avait de mieux. Une fois de plus, elle l’avait manipulé pour qu’il cède à son caprice et la voilà valises en main, devant l’aéroport de Boston, prêt à devenir la reine du campus.