NEKHO Z. HERUBEN ► Toni Mahfud

Le Caire, 9 septembre 1991

Des allers et venus incessants dans une petite clinique privée au sein de la capitale égyptienne, une naissance venait d'avoir lieu comme une centaine d'autres peut-être ce jour là. Mais cette chambre, la 201, n'était pas le berceau de n'importe quel enfant, il ne s'agissait pas d'un énième fils de marchand dans une société croulant sous les dettes,. C'était moi, Nekho Zeyad Heruben, descendant direct du premier producteur et propriétaire du plus important gisement de pétrole dans les terres de l'Afrique du Nord. Ayoub Wassim Heruben marié à Nour Salma Heruben, elle-même née Sohan un grand entrepreneur dans le bâtiment de luxe. Une généalogie de grands noms dans le milieu arabe, des familles connues pour leur sens des affaires et l'argent naissant presque de leurs doigts après qu'ils eut touché une simple motte de terre. Les rois du pétrole dans un pays où l'or noir a plus de valeur que le jaune, c'est donc ainsi que je suis né, comblant tous les espoirs d'un père me voyant déjà à la tête d'un empire qu'il avait mis une vie entière à bâtir. Ma famille était nombreuse, des dizaines d'oncles et tantes, un nombre incalculable de cousins, tous concernés par la fortune de près ou de loin. L'entreprise est une histoire de famille, on embauche le vieil oncle qui a besoin d'argent pour faire vivre les siens dans un village inconnu, on confie les enfants à une cousine qui veut vivre dans la capitale et voir à quoi le vrai monde ressemble. C'est une ancienne famille avec des valeurs qui m'a élevé, typiquement du pays avec ses coutumes, traditions et religion stricte pour entretenir cette qualité de vie enviée par le reste de la population.

Le Caire, années 90

J'ai toujours été le centre de l'attention et ce même avant sa naissance. Il était primordial pour mon père que son premier enfant soit un fils, un futur homme capable de reprendre les rênes et le business. Je n'ai pas été éduqué par des nourrices ou autre gardiennes, c'est encore une fois une histoire de lien du sang. J'ai appris les bases en compagnie d'un bon nombre de mes tantes et cousines, toujours là pour s'en occuper et veiller sur moi. Je ne suis pourtant pas l'unique enfant de la famille, j'ai été suivi par trois petites sœurs n'ayant pas le même poids ni pouvoir dans l'entreprise de notre père. Je fus donc le prince de cet empire, un claquement de doigt, une demande, un souhait et tout était exaucé. Je viens certes d'une famille typique, modèle, mais avec une certaine once de modernité. Les folies les plus impressionnantes, celles qui font l'objet de reportage sur les chaines européennes, ont pour la plupart été provoqué par ma famille. Un tigre de compagnie, une écurie de polo dans le jardin, une piscine olympique, une centaine de voitures, on ne refuse rien à la famille Heruben. Malgré cette folie des grandeurs, cet argent facile et la multitude de serviteurs dans un palace digne d'un film Hollywoodien, je crois être resté un petit garçon agréable, jamais un mot plus haut que l'autre, un calme olympien et un respect des coutumes exemplaires. Dès mon enfance j'avais déjà ce charisme représentatif de ma famille, un futur entrepreneur, chef de société hors pair.

Le Caire, années 2000

Mon enfance fut "banale", du moins dans le milieu dans lequel j'évoluais. Je savais qu'un jour je serais à la place de son père, dans un building de plus de cent étages avec une vue panoramique sur le Nil et une horde de secrétaires à l'affût de sa moindre demande. Enfant appliqué, sage, studieux et modèle je fus envoyé dans un collège uniquement masculin, une école prestigieuse portant déjà sur des matières telles que l'économie, les langues vivantes appliquées et le dépassement de soi. En parallèle de cela je débutais le dessin de son côté, en auto-didactique, les arts n'étant que très moyennement apprécié par la famille. Seulement j'avais une sorte de talent extraordinaire, une excellente maitrise des instruments et des couleurs pouvant facilement me mener à une carrière dans le monde artistique si je n'étais pas né Heruben. Le lycée fut une sorte de répétition pour à mes yeux, même système d'apprentissage avec un degré plus élevé dans la difficulté, mais j'avais une telle soif de curiosité et l'envie sincère de ne pas décevoir mon père que j'abandonnai toute autre activité ou rêve pour se concentrer sur mon objectif scolaire, allant même jusqu'à demander à être inscrit en internat pour ne pas être dérangé par l'effervescence régnant chez moi. J'obtins donc une place dans l'université du Caire, se situant à Gizeh, une fourmilière géante de plus de deux-cent quatre-vingt étudiants, de quoi perdre la tête face à une sorte de mini-ville, ayant toujours été habitué à des établissements calmes, privilégiés et des classes seulement composées de garçon de mon âge. Je choisis d'étudier les relations internationales ainsi que l'économie pour continuer à mener à bien mon futur héritage.


Le Caire, 25 décembre 2015

Début d'une nouvelle année fêtée par toutes la famille Heruben autour d'une réception semblant trop pour le nombre d'invité. Tout le monde est là, se félicitant pour les progrès de 2015 et se souhaitant la même chance pour celle à venir. J'en étais à ma sixième année d'études à Gizeh, j'avais entrepris en parallèle de venir en aide à mon père pour commencer à apprendre davantage les tâches qui vont me faire face d'ici quelques années. La fête bat son plein, la famille entière est réunie en plus de quelques investisseurs au milieu de danseuses et autres cracheurs de feux. En six ans je suis devenu un homme de vingt-quatre ans, soutenant son père mais ayant pris quelques libertés pour s'épanouir, tout en respectant tout de même les règles familiales. J'avais déjà plus de pouvoir aussi bien au sein de l'entreprise, que de la famille. On m'écoutait d'avantage, soit grâce aux preuves que j'avais faite avec mes examens, ou alors mon caractère plus laxiste et curieux en comparé à ceux de mes parents. J'étais plus libre dans ma tête, j'avais expérimenté des choses et je m'étais également endurci pour prouver qu'il était temps de laisser place à la nouvelle génération avec des méthodes pouvant choquer mais portant leurs fruits dans le monde du business, mais aussi dans les relations. Ce vent de fraicheur ne plaisait qu'à moitié à mon père, souhaitant que je reprennes son trésor dans les règles de l'art, comme il en avait toujours été. Quoiqu'il en soit, cette fête était destinée à annoncer une nouvelle grandiose, dont personne ne savait rien en dehors de mes parents. C'est ainsi que cela tomba, que la salle fut silencieuse, des regards s'échangèrent avec quelques grimaces, suivis d'applaudissements jusqu'à ce que je comprenne. Il était question d'un mariage arrangé, du moins pour le moment il ne s'agissait que de fiançailles. La première réaction que j'ai eu, fut de me tourner vers mes sœurs, laquelle allait donc partir, être en quelque sorte sacrifiée pour le bienfait de la société et donc permettre un agrandissement politique. Il fallut quelques secondes avant que je ne réalise que les félicitations, les accolades m'étaient directement adressées. A vingt-quatre ans, en plein master et futur dirigeant d'une entreprise fabriquant de l'or je devais m'exiler aux États-Unis pour rencontrer la fameuse alliance permettant à nos deux familles de se hisser au sommet de l'économie grâce à un mariage arrangé.

Boston, 8 janvier 2016

A peine deux semaines plus tard, j'étais dans un avion directement Boston avec une valise contenant mes principales affaires, le reste devant être livré à ma nouvelle adresse sur les terres américaines. La décision avait été rapide, brève, sans réelle explication de la part de mon père, je n'avais pas eu mon mot à dire, et même si j'avais souhaité m'opposer à cela, je n'y aurai pu. Harvard était l'université la plus prisée, les places y étaient chères et arriver ainsi au second semestre comme une fleur, ce n'était pas quelque chose de commun. Tout le monde reconnaitra que c'est impossible d'y obtenir une place dans un laps de temps aussi ridicule puisqu'il y a étude du dossier. Seulement l'annonce des fiançailles datée de fin décembre, mais tout cela était déjà en "pour parler" depuis une certaine période, largement de quoi obtenir que je valide le premier semestre de 2015 au Caire avant que mon dossier ne soit envoyé à Cambridge pour que je puisse poursuivre mon cursus comme étudiant à part entière. Mais cela n'avait pas été facile, c'est en quelque sorte bloquer une place à un élève étant déjà sur place, mais il faut croire que mon père avait réussi à suffisamment vanter et vendre mon dossier ainsi que mes concours antérieurs pour que j'obtienne le privilège de débuter ma scolarité à Harvard dès la seconde rentrée de janvier. C'était une nouvelle expérience pour moi, déjà en prenant compte le nombre inférieur d'étudiants, la diversité des origines mais également le système de maisons. Il était enfin temps pour moi de découvrir le véritable visage des États-Unis en me plongeant dans l'école la plus primée du pays dont la réputation traversée les frontières.