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« Chaud et fondant sur la langue,
c’est comme ça que je l’aime. »
c’est comme ça que je l’aime. »
Je savais depuis le début que je n’aurais pas dû entrer ici. Pas parce que je faisais ENCORE une entorse à mon régime – qui s’en souciait finalement – en commandant un grand café noir sans sucre et un donut froid à la framboise, mais parce qu’il y avait trop de monde. Trop de bruits, de voix, d’odeurs. Je n’ai jamais été un être sociable ni social d’ailleurs. J’aime mon indépendance, ma liberté, ma solitude. Tout le monde le savait sur le campus, professeurs comme étudiants. J’avais peu d’amis, déjà à Moscou, et cela me suffisait amplement parce qu’au moins je n’avais pas besoin de faire semblant d’être un autre que ce à quoi j’avais toujours habitué le reste du monde. J’avais d’abord pensé à me rendre à la bibliothèque, sauf qu’il ne fallait pas faire de bruit dans ce lieu. Bon ok, ici je n’aime pas le bruit, mais pas au point de vivre dans un cimetière non plus. Et puis, je n’avais pas envie de subir les regards interloqués des étudiants qui pensaient que vu mon sale caractère, je n’étais certainement pas un travailleur assidu, alors qu’au fond, je pouvais leur faire le pari de terminer major de promotion en fin d’année. Donc, j’étais ici. Devant le Starbuck, à fixer avec dédain les Cabot qui me passaient sous le nez en riant, et en fustigeant du regard n’importe quel imbécile qui aurait eu l’audace de venir m’adresser la parole. C’est ce que je commençais à me faire une petite réputation dans cette ville, même si je n’avais pas prévu d’y rester. Suffisait que je ne trouve pas ce que j’étais venu chercher, et ça y est, je pouvais repartir. A moins que je ne le trouve ici, et …je n’avais pas envisagé que ce soit possible jusqu’ici. Enfin, revenons à nos moutons. J’entre, le regard perché sur chacune des tables, indifférent à la jeune femme qui s’est précipitée sur moi pour me faire un descriptif de tout ce que la maison vendait et me réclamait maintenant ma commande avec un grand sourire niais. « Café noir serré et donut à la framboise. » murmurai-je plus pour moi-même sans même la regarder. Je viens de repérer une table tout au fond de la salle, avec un seul jeune à son bord. Il a l’air dans la Lune, un peu paumé peut-être. Pile ce qu’il me fallait pour avoir la paix pendant vingt minutes, le temps de lire les nouvelles du pays sur un journal que j’avais récupéré en venant. « Euh… » J’étais si peu habitué aux démonstrations de politesse que je n’étais pas certain de savoir comment l’aborder. « Salut, j’peux m’asseoir ? » soufflai-je une fois à sa droite, ma main déjà posée sur le rebord de la chaise, mon accent russe résonnant dans l’air à l’instant même où ma voix grave s’était élevée.
acidbrain
(Invité)