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Ma mère avait cette habitude étrange, que je ne comprenais pas, j'aurai surement du deviner, son envie de contrôle dès le départ. Malgré le fait qu'elle avait engagé cette nourrisse pour s'occuper de moi la plupart du temps, parce que lorsqu'on est riche, on est parents que partiellement, c'est un concept des plus amusant, tous les matins elle venait, dans ma chambre, une fois que j'étais habillée, elle m'asseyait devant ma coiffeuse, de force parfois, c'est vrai et inlassablement, tirait mes cheveux afin de les nouer, en queue de cheval, un peu sur le côté. Au fil des années, j'en avais perdu le gout de me regarder, non, préférant à mon reflet, les dorures que le meuble ancien comportait, les apprenant par cœur, du moindre tourbillon aux plus grands flocons que j'y trouvais. J'avais horreur de cette coiffure, et cette façon qu'elle avait, de tresser le reste de ma chevelure ébène en longue natte qui retombait négligemment sur mon épaule et qui me gênait, le reste de la journée. Je rêvais de pouvoir l'arrêter, lui dire le fond de mes pensées, lui signifier « Maman, cette fois, j'aimerai avoir les cheveux lâchés. » Mais je me taisais, intimement persuadée qu'avoir une maman, c'était à ça que ça devait ressembler. Je n'avais pas de quoi me plaindre, puisque j'avais, tout ce dont une petite fille peut rêver. Que des milliers d'enfants auraient voulu eux aussi être adoptés. Mes prunelles m'observent dans le miroir des toilettes de ce café, et mes doigts vont s'enfoncer dans ma chevelure à présent détachée. J'ai déjeuné avec elle aujourd'hui, comme n'importe qu'elle fille de vingt huit ans peut déjeuner avec un de ses parents encore présent. J'ai écouté ses mots, ceux qui m'ont dicté, comment agir, mais aussi comment sourire. Je l'ai entendu prononcer « Anna, le tailleur que tu portais, il ne te mettait pas en valeur, sur la dernière couverture que tu as fait. » Et je me suis entendu lui répondre en souriant, en lui faisant part que je ne recommencerai pas, que je ne le dois pas, pour Omnicom et parce qu'on compte sur moi. L'espace de dix secondes, même pas, je suis redevenue cette petite fille, celle d'à peine dix ans, dont les cheveux font mal à la tête, d'être trop solidement attachés. Redevenue un semblant de moi. Ce pantin dont ils s'amusent du bout des phalanges, qu'ils souhaitent à nouveau ange. Je maudis ce moment que j'ai passé avec elle, maudis un peu tout et le monde entier, sors des toilettes, à la volée. Mes talons claquant sur le sol et mon épaule cognant celle d'une personne se trouvant dans mon chemin. Sans pour autant lui dire que je suis désolée, mes iris ne le détaillent pas vraiment et c'est vipère que je lui dis finalement « Vous ne pourriez pas regarder où vous allez ? Et m'apporter un café ? » Le confondant avec un serveur de ce semblant de restaurant.
Ma mère avait cette habitude étrange, celle de me donner l'impression d'être en colère contre le monde entier.
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