SACHKA A. GRETCHKO ► aaron johnson.

Il est né à Moscou, Russie. Il était exactement minuit…moins cinq. Parce que le petit Gretchko ne fait jamais rien comme tout le monde, parce qu’il est toujours à côté de la plaque Toujours, vous dis-je. A ses six ans, quand il a enfin compris que le monsieur que se tapait maman depuis vendredi dernier ne serait pas son nouveau papa, et que maman, pour le remercier de les avoir dérangé l’avait mis une telle rouste qu’il avait passé les prochaines heures sur le dallage d’un petit placard poisseux, poussiéreux, une fine trainée de sang s’écoulant le long de sa tempe droite. C’est comme ça qu’il a développé une phobie certaine pour les placards. Non en fait, pour tout espace un peu trop exigüe. Et c’est à ce moment-là qu’il a décidé qu’il serait mieux avec papa. Son VRAI papa. Mais où est-il ? Que fait-il ? Maman a parlé un jour des ZETAZUNI. C’est où ça ? Il est trop petit pour comprendre, trop petit pour apprendre, alors il encaisse, d’abord les coups, puis les insultes, comme quoi sans sa venue au monde, elle aurait tout eu, elle aurait continué sa brillante carrière de mannequin, que papa ne l’aurait pas quitté même si c’était ce qu’il faisait toujours. Peu à peu les cicatrices décident de marquer pour de bon. C’est devenu sa seconde peau jusqu’à ses douze ans. Les services sociaux ont été appelés. Par qui ? Depuis quand ? On s’en fiche. Les services sociaux à Moscou, ça équivaut à la Gestapo. Il n’aime pas qu’on le sépare de sa maman le petit bonhomme. Il ne comprend pas, maman l’a toujours aimé. Ce sont eux les méchants, c’est à cause d’eux si maman est en train de crier, d’insulter, de frapper, pour finir en larmes sur le sol goudronné de la rue où l’odeur de la misère emplit les narines à peine quelques mètres passés. Lui ? Il la regarde, il s’excuse, il cherche à la rattraper, il se débat. Finalement, ses dents s’enfoncent dans une partie molle. Mm, c’est quoi ça comme viande ? Un cri de douleur, et une main s’abat sur la joue d’un enfant aux boucles rousses et au regard infiniment triste. Fin d’un chapitre, on tourne la page.

Seize ans, il en est déjà à sa deuxième condamnation, deux fois qu’il échappe de peu à la prison pour insultes à agent, vol à mains armées, possession de stupéfiants, agression physique, la liste ne fait que se rallonger jour après jour. Il n’y peut rien. C’est d’la mauvaise graine, c’est même l’un des policiers qui l’a dit à madame la juge. Lui, il s’enfonce dans le siège, aux côtés de son avocat. Il ne lève même pas les yeux, il s’en fiche. Où est maman ? Ca fait quatre ans qu’il ne l’a pas vue. Enfin, si, il l’a VU, mais pas elle. Elle, elle est toujours dans cette baraque de fous, entourée par des types en blanc avec des médocs et des seringues. Il a horreur des seringues. Et personne veut le laisser entrer, parait qu’faut une autorisation spéciale pour ce genre de cas. Quel cas ? Il a toujours pas compris. Faut qu’il retrouve papa, lui saura quoi faire. Des études, pourquoi la juge a parlé d’études ? D’avenir ? De gosse ? Il est pas un gosse, c’est un grand, un costaud. Il a déjà fumé, la preuve. Et goûté à sa première fleur. Elle avait dix ans de plus que lui, et le parfum de maman, rousse tout comme elle. C’était sa première, la seule et l’unique…avant les autres.

Dix-huit ans, finalement les études ce n’est pas si mal. Il faut juste oublier les gens autour et la tête du professeur qui ne te revient pas et tu apprends quand même une chose ou deux. Comme par exemple que maman est gravement malade. Schizophrénie associé à une forme de maniaco-dépression. Il en est encore à sa première année de psychologie alors autant vous dire que les termes scientifiques, il ne les a pas encore très bien acquis, mais il comprend le principal. Comme quoi, elle est dangereuse, pour elle comme pour la société. Encore une fois, il pense à papa. Qu’est-ce qu’il peut bien faire dans la vie ? Il parait qu’ils l’ont eu très jeunes tous les deux, mais quel âge a-t-il aujourd’hui ? Et pourquoi les a-t-il laissés ? Etait-ce de sa faute ? Comme maman l’avait dit, est-ce qu’il aurait dû crever dans son ventre pour qu’ils soient heureux ? Il a commencé quelques recherches, avec le dossier qu’il a réussi à dénicher dans son ancienne…non pas maison. On peut pas appeler l’endroit où ils ont vécu une maison. Ce taudis, plutôt. Bref, le peu d’informations qu’il a trouvée lui a permis de découvrir que son père avait une résidence aux Etats-Unis. Merde, pas d’adresse. Juste son nom de famille. Bon, plus qu’à se rendre sur place. Il ferait tous les Etats s’il le faut, mais il le retrouverait. On commence par le Massachusetts, allez, au pif.