GREY DUNSTAN-HEWITT ► chris wood

Deux semaines après l'affreuse nouvelle, le couple Graham se sépara officiellement, et leur famille n’était plus que les cendres qu’avait provoqué le ravage de l’infidélité de l’ex madame Graham. La famille, le jeune homme en connaissait le terme, mais pas la valeur. Les deux fils officieusement-Graham quittèrent tout naturellement le domicile avec leur mère, laissant le petit recueilli à l’homme quasi-achevé. Grey avait treize ans lorsqu’il se retrouva seul avec son père adoptif, qui trouva mieux à faire que de s’occuper seul d’un gamin qui n’était même pas le sien. Lui avait été recueilli par cette famille à l’âge de douze ans après avoir été baladé bien trop de fois auparavant dans d'autres familles d'accueil, et rejeté comme un produit qui ne plaisait pas après avoir été testé. Les familles unies, soudées, il n'avait pas connu. S’il l’avait recueilli, c’était pour l’élever ensemble avec sa femme. Mais le jeune Dunstan ne lui en voulait pas, il comprenait et il pouvait tout à fait s’occuper de lui-même tout seul tandis que Monsieur Graham rentrait de plus en plus tard, plongeant dans du business plus que douteux. Jusqu’au jour où tout se termina mal pour lui. La police remonta jusqu’à lui et le réseau de mafieux qui rodait autour, et les services sociaux ne tardèrent pas à se rendre compte de la négligence de monsieur Graham envers Grey. Aussi lorsqu’ils vinrent chercher le jeune homme, celui-ci en profita pour s’enfuir par la fenêtre de sa chambre, emportant tout ce qu’il pouvait dans un simple sac à dos, alors qu’on l’attendait sagement en bas des escaliers qu’il finisse de plier bagages. 

A peine quinze ans et déjà sans domicile fixe, sans famille fixe non plus ! Pas d’amis, personne ! Que de simples connaissances. Pourtant il n’était pas du genre associable le jeune homme au contraire. Il ne comprenait pas ce qui pouvait bien clocher même si son caractère à la limite de l’insolence quand on avait l’audace de le prendre un peu trop de haut, ou tout simplement son arrogance naturelle qui pouvait en agacer plus d’un, il pouvait parfois être quelqu’un de cool… Enfin, il avait réussi à être assez cool pour qu’on le laisse monter dans des voitures en autostop, l’héberge ne serait-ce que pour une nuit, … Il a mené une vraie vie à la Pékin Express, en passant de famille en famille pour ne pas changer, jusqu’à ce que Terry Hewitt tombe par hasard sur lui. Juste à temps pour l'empêcher d'aller trop loin dans des affaires qu'il risquait grandement de regretter plus tard.


« Il est grand temps que tu te poses Grey… » Tous les trois installés sur les canapés en face de la cheminée, il se sentait… bien. Avoir un toit, être au chaud, rassasié, habillé, en bonne compagnie... Grey avait l’impression d’avoir sa famille avec lui à ses côtés. Julie et son mari Terry avaient généreusement proposé de l’héberger chez eux un petit moment, le temps de se reprendre en main. Du moins c'était le marché qu'ils avaient fait. C'était un petit moment qui s'allongeait plus que prévu. Il ne les remercieraient jamais assez de lui avoir offert autant. C'est plus que ce qu'il n'en aurait souhaiter. « Je sais de quoi vous allez me parler. » Le couple Hewitt se regardèrent un instant avant de reporter leur attention sur Grey qui semblait bien sûr de lui. « Mais ma vie n'est pas si mal. Ce n'est pas tous les jours facile c'est vrai, mais ça me convient. » coupa-t-il son hôte avant d’étouffer sa fin de phrase se rendant compte de son manque de tact. Elle avait tout entendu mais semblait plus amusée par le fait qu’il soit gêné que par la référence à son vieil âge. « Je le ferais probablement un jour, j'ai encore le temps. » C’était une conversation qu’ils avaient déjà eu. Le genre de conversation que pouvaient avoir des parents avec leurs enfants, sauf qu’eux savaient déjà inconsciemment ce qu’ils avaient à faire. Suivre les autres, un modèle, faire comme leurs géniteurs. Malheureusement pour Grey, il ne savait pas vraiment ce que ça voulait dire. Cela faisait des années qu’il n’avait plus de famille, plus personne sur qui compter. Il en avait rencontré des gens sympathiques mais ne restait jamais très longtemps avec eux. Ne jamais vivre plus de deux mois au même endroit. Au fil du temps, il s’était forgé ses propres principes et propres idéaux plus ou moins décents : il s’était forgé lui-même finalement. « Mais parcourir le monde seul, ça ne te rend pas triste ? » Elle avait touché une corde sensible. L'adolescent soupira en baissant la tête pour cacher un petit sourire gêné mi exaspéré, mi amusé par l’insistance que portait Madame Hewitt. Elle semblait se sentir porter une affection particulière pour lui et c’était tout naturellement qu’il s’était lui aussi mis à apprécier le couple d’hôte bien qu’il s’était toujours interdit de trop s’attacher aux gens en général. « Je suis bien seul, je n'ai jamais tenu très longtemps chez toutes les familles d'accueil où l'on m'a placé avant... » « Grey, écoutes... » Terry prit la parole. La conversation tournait en rond pour lui et il voulait en arriver au but un jour. « Cela fait maintenant deux mois que tu es ici. Julie et moi-même t'apprécions comme notre propre fils, tu sais et... » Grey fronça doucement les sourcils, pas certains de comprendre la totalité des informations et/ou sous-entendus que lui balançait Terry Hewitt. Cela devait avoir du sens, il ne disait jamais rien pour rien. Puis dans une illumination se lisait dans son regard « Nous avons quelque chose à te proposer. » finit-il par dire. « Oui... ? » Un silence bien trop long au goût du jeune adolescent s'installa dans le salon. Il guettait la moindre expression sur les visages de ses deux hôtes. Son cœur battait à un rythme bien trop soutenu pour être supportable.


« Bordel, mais c’est serré ce truc ! » « Arrête un peu de tripoter ce col veux-tu ? » Elle lui retira vivement les mains de sa cravate avant de repartir, une toute autre expression angélique sur son visage, rejoindre les invités dans le salon. Ce qu’elle est douée sa soeur quand même ! Cette soirée était ennuyeuse à mourir, et pourtant elle continuait de feindre à merveille un enthousiasme avec une habileté déconcertante, une vraie comédienne. « Et ne t’avises même pas de prendre ton portable pendant la soirée, tu m’as entendue ? » Entendue oui, écoutée pas vraiment. Comment elle arrivait faire ça ? Non mais je vous jure ! Grey avait vite baissé les bras et s’était rendu à l’évidence qu'il n'éviterait pas toute cette mascarade. Le costard à ne pas froissé, la chemise boutonnée jusqu'au cou, la cravate, les manières trop chic, … Ce n'était pas pour lui. Encore heureux qu'il y ait les serveurs et les coupes de champagnes qui se promenaient par là. L'occasion rêvée pour son désormais père de mettre sous la lumière des projecteurs ses enfants. Malheureusement pour le patriarche des Hewitt, Grey n’était pas encore prêt pour tout ça. « Allez, c'est pas si terrible que ça... » Le jeune homme tourna la tête. Finn était là lui aussi. Grey ne dit pas un mot. Leur relation était... comment dire... tendue. Il était très réservé, secret, calme. Grey lui, c'était le contraire. Une véritable pile électrique. Pas étonnant que ça n'avait pas coller au départ entre eux. « C'est ce que tu dis ! Sérieusement, c'est pas mon truc ces fêtes, réunions ou tout ce que vous voulez... J'ai pas ma place ici. »[/color] finit-il par dire, exaspéré. Finalement, il avait peut être fait le mauvais choix. « T'es un Hewitt, tu as toute ta place ici. » Tandis que le cadet s'en allait rejoindre les convives dans le grand salon, Grey restait bouche bée un moment. Autant dire que c'était la première fois qu'il avait droit à un mot particulièrement gentil et bienveillant de sa part, depuis qu'il avait pris le nom de Hewitt il y a quelques mois de ça.

Ça n'avait jamais été très facile d'intégrer une famille telle que les Hewitt, de se faire à l'idée d'avoir des frère et sœur. D'avoir un toit. Savoir qu'on assurait ses arrières. De se sentir en sécurité. Et puis aller trouver les bancs de la fac, jamais il n'aurait pensé y toucher. Et puis Harvard en plus. Encore heureux que Grey ne soit pas trop bête et assez intéressé pour rattraper son retard. Faut dire que ce n'était pas son truc de rester assis à réfléchir, mais qui pouvait se vanter d'avoir l'opportunité d'avoir accès dans l'une des plus grande université des USA ? Il serait définitivement idiot de passer à côté, et pour la première fois de sa vie, il avait l'ambition de devenir quelqu'un, vraiment.