Jeisa G.E Batista ► Vita Sidorkina

Je suis l’enfant de deux être que tous séparaient mais que tout à réunit. Ma mère, Française, a quitté son pays natal pour rejoindre mon père au Brésil. C’est comme ça que leur vie a commencé et que mon frère, Gabriel, est né. Ensuite, ça a été au tour de ma sœur, Livia. Comme vous pouvez vous en douter, je suis la cadette, le « bébé » de la famille. Enfin, ça c’est en apparence.  

Si mon frère est tout ce que j’ai de plus cher au monde, je ne peux pas en dire autant de mes parents et de Livia. Mes parents l’ont toujours préférée à moi. Elle avait plus de cadeaux, plus d’attention, plus de câlins, de copains et d’amis, de meilleures notes à l’école et elle a toujours été très belle. Mon père ne cesse de me répéter que je devrais être un peu plus comme elle et un peu moins moi-même.  Mais il ne sait pas qu’elle a toujours fait ses coups en douce. Elle cassait mes affaires, me piquait sous le nez les garçons qui le plaisaient et m’accusait de toutes ses bêtises par jalousie du lien indestructible qui nous a toujours unit Gabriel et moi. Alors j’ai fini par faire ma vie de mon côté et éviter les remarques en ramenant de bonnes notes et en ne me faisant pas trop remarquer. Je suivais Gabriel à la trace. Enfin, c’était avant qu’il ne me laisse pour aller à Harvard.

Petits, nous étions ensemble dans tous les coups fourrés, il prenait ma défense et me chouchoutait, m’appelait sa « princesse ». Il était ma bouée de secours, mon souffle d’air frais. Quand il est parti, une part de moi s’est brisée. Je me suis sentie abandonnée, comme un boulet dont il voulait se débarrasser. La vérité est que c’est mon père qui l’a envoyé là-bas. Il lui a fait croire qu’il avait un cancer et que Gabriel devrait reprendre l’entreprise. Il lui a menti pour le forcer à suivre le chemin qu'il avait tracé pour lui. Alors Gabriel a abandonné ses rêves d’océan et de liberté, puis il est allé étudier l’économie et la biologie à Harvard. C’était il y a 6 ans.

Après son départ j’ai vite compris que ma vie allait devenir un enfer. Livia me pourrissait dès qu’elle le pouvait, mon père ne cessait de me comparer à elle et ma mère gardait la tête profondément enfoncée dans le sable. N’ayant plus mon frère pour veiller sur moi, j’ai commencé à trainer avec des gars bizarres. Ils venaient me chercher après la fac et je sortais la nuit en douce pour les rejoindre. Ils m’ont offerts mes premiers joints, on se défonçait chez eux en écoutant de la musique. Je me suis sentie bien à nouveau. Alors j’ai continué, buvant toujours plus, fumant toujours plus. Je rentrais au petit matin complétement défoncée et ma mère a fini par me griller. Je dois avouer que je n’avais pas très bonne mine ce jour là avec mes cheveux en bataille, mon eye-liner dégoulinant et mes yeux rouges. Sans parler de l’odeur pestilentielle que dégageaient mes vêtements. Je me suis pris un sacré savon, puis le soir même j’ai repris mes habitudes.

Tout a dérapé une nuit où je me rendais chez un des gars avec qui je fumais. Il vivait dans un quartier miteux, glauque. Les poubelles étaient renversées sur les trottoirs déglingués, certaines fenêtres, sales, étaient cassées et seuls des morceaux de papier journal ou des sacs plastiques scotchés sur les trous empêchaient l'air de pénétrer les maisons. Avec l’habitude, je ne faisais plus trop attention aux mecs qui squattaient le coin. Cette nuit-là,  l’un deux m’a sifflé une fois, deux fois. J’ai accéléré le pas pour m’éloigner le plus possible, mais il m’a suivie. Ça a bien duré deux minutes avant qu’il ne m’attrape par le bras. Quand je me suis retournée, ses potes étaient partis et la rue était vide. Il a dit vouloir discuter alors je l’ai écouté quelques minutes, puis il m’a proposé de venir chez lui. Quand j’ai refusé il est devenu violent. Il puait l’alcool et la peur m’empêchait de respirer normalement. Il m’a mis une gifle, puis m’a poussé contre le mur. Quand j’ai voulu crier aucun son n’a réussi à franchir la barrière de mes lèvres. Il s’est bien passé cinq longues minutes durant lesquelles il me touchait, essayait de m’embrasser avec son haleine qui me donnait envie de vomir, et de me déshabiller. J’ai fini par lui mordre la lèvre jusqu'à sentir le gout du sang emplir ma bouche. Il a hurlé mais n'a pas lâché l'affaire. Au contraire, mon geste l'a encore plus énervé. Il m’a jeté au sol et m’a envoyé quelques coups de pieds dans les côtes. Quand par miracle un bruit s’est fait entendre dans la rue, il a décampé fissa. J’ai fini par me relever et je suis rentrée chez moi en silence, le regard dans le vide et hébétée. Quand j’ai atterrit sur mon lit je n’ai pu arrêter mes larmes de couler. La pression me comprimait la cage thoracique et les ecchymoses qui s'épanouissait sur mon flanc me faisaient souffrir.
 
Le lendemain, j’ai fait comme si rien ne s’était passé, j’ai tout simplement repris ma vie. Je ne supportais plus que l'on me touche et j'ai commencé à sécher les cours. Si j’avais trop la trouille pour retourner dans ce quartier, je continuais à boire et à fumer le soir dans le jardin. Il m’est arrivé de m’endormir complétement soule sur la pelouse humide.

Ne savant plus comment me reprendre en main, ma mère a fini par appeler mon frère pour lui expliquer la situation. Ils ont convenus que je le rejoindrais dès que possible à Harvard, qu’il était le seul à pouvoir me remettre sur le doit chemin. Elle s’attendait certainement à ce que cette décision me mette en colère mais j'étais heureuse de rejoindre mon frère après toutes ces années. Surtout, j'étais bien décidée à lui dire que mon père n’a jamais été malade, qu’il n’est pas obligé de retourner à la fac pour lui faire plaisir.

C'est quelques jours plus tard, que Livia est venue me voir dans ma chambre, le sourire aux lèvres et les yeux pétillants de méchanceté pour m’apprendre qu’elle venait avec moi à Harvard. C’est comme si mon monde c’était écroulé une deuxième fois. Alors j’ai attendu que tout le monde dorme, puis je suis sortie dans le jardin avec la meilleure bouteille de whisky de mon père.