Première rencontre ► GWEN&BIANCA

Il était à peu près 15h30 quand la sonnerie retentit dans les couloirs d'Harvard. J'avais déjà terminé mon cours d'italien à une classe d'une dizaine d'élèves depuis cinq bonnes minutes. Je détestais voir les élèves s'enfuir précipitamment au milieu d'une phrase juste à l'entente de cette horrible sonnerie. Alors j'avais pris cette habitude de les lâcher quelques minutes avant celle-ci. Au moins, j'avais le temps de leur donner des trucs à faire et ils n'avaient aucune excuse du "j'ai pas entendu". Bref j'étais éreintée. On était samedi et la veille je m'étais produite dans un petit piano-bar mal éclairé. A vrai dire, j'avais l'habitude de l'excellence et je prenais soin de sélectionner soigneusement mes lieux de reproduction pour ne pas me retrouver dans des bordels sinistres. Mais là, j'avais juste fait plaisir à un ami, le patron du bar. J'avais dansé gratuitement. En échange, il m'a affirmé que je ne payerais plus aucun verre chez lui et blablabla. Bianca Lombardi ne paye jamais ses verres de toute façon. Enfin, je n'avais qu'une envie, c'était rentrer chez moi. Un verre de vin dans un bain mousseux avec des petites bougies parfumées. Oui c'est très cliché, mais ce sont de délicieux clichés.

Je sortis donc de la salle de classe après avoir rassemblé mes affaires dans mon minuscule sac à main et je pris la direction de la sortie en empruntant le corridor déjà bourré d'élèves pressés de rentrer eux-aussi. Je sentais la migraine arriver rien qu'à les voir se bousculer comme du bétail. Certes, c'est une université de prestige, mais le niveau de certains ne vole pas bien haut.

(Invité)

Les cours du samedi matin, c'est une vraie plaie, en général je n'y vais que très peu, mais vu que je n'ai rien à faire de plus plaisant en ce moment, il faut bien que je m'occupe un minimum, même après une soirée dans un bar miteux à boire des verres dont le prix donne envie de crier au tôlier qu'il se fout de la gueule du monde et que je me demande où il fout son bénéfice puisque ce n'est ni dans l'éclairage, ni dans la déco de sa taverne. Le seul avantage que j'ai vu à cette soirée, c'était cette danseuse burlesque qui savait mêler prestance et glamour à la perfection. Ca change un peu des nouvelles recrues du Nirvana, au moins, qui font des choses que même moi je trouve dégradantes pour leur ego, et dieu sait qu'il m'en faut, pour trouver quelque chose d'inepte à ce point. Enfin bref. A la sortie de mon cours magistral de littérature soporifique, j'attrapais mon sac en bandoulière et essayais tant bien que mal de sortir dans ce capharnaüm, que je pourrais facilement qualifier de jungle humaine. Une fois dans le couloir bondé, j'essayais de me faufiler entre ces fous furieux, jusqu'à que je croise l'artiste de la veille. N'écoutant que mon culot légendaire, je me dirigeais vers elle, avec un large sourire. Excuse moi, t'étais pas l'artiste burlesque qui dansait dans un bar bizarre hier soir ? Parce que, j'ai adoré ta façon de faire et j'voulais te proposer d'aller boire un café, si ça te dit.

(Invité)

Excuse-moi, t'étais pas l'artiste burlesque qui dansait dans un bar bizarre hier soir ? Parce que, j'ai adoré ta façon de faire et j'voulais te proposer d'aller boire un café, si ça te dit. Il me fallut quelques secondes pour capter qu’une étudiante m’avait interpellé. J’étais un peu dans mon monde et je ne calculais généralement pas les conversations des élèves dans les couloirs. Comme de peur que leur faible niveau d’intérêt ne déteigne sur moi. Mais là, les mots « artiste burlesque » et « bar bizarre hier soir » m’avait tout de suite interloquée. Oui elle s’adressait bien à moi la petite weirdo. J’étais toujours étonnée de voir des étudiants si détonnants stylistiquement dans cette université. On s’attendait à voir des élèves de bonne famille, limite en blazer et chaussures cirées mais il n’en était rien. Merde, elle parle fort la gamine. Je m’empresse donc de la tirer par le bras et de la conduire à l’écart dans un coin de couloir où peu d’élèves s’égarent. Mais vous n’êtes pas bien de crier ça en plein couloir ! Mon dieu, mon secret ne devait pas traverser les murs de Harvard, c’était hors de question. Et d’abord qui êtes-vous ? Une étudiante d’Harvard ne devrait pas traîner dans les bars en pleine semaine, encore moins dans ce genre de bar.

(Invité)

Alors que je m'adressais à la jeune femme vis à vis de la soirée de la veille, où j'étais sûre à quatre-vingt dix-huit pour cents de la reconnaître, cette dernière me tirait par le bras dans un coin plus reculé du couloir, comme stressée de ce que je venais de dire. Je la trouve vraiment bizarre d'un coup, mais ça me plait bien. Mais vous n’êtes pas bien de crier ça en plein couloir ! Et d’abord qui êtes-vous ? Une étudiante d’Harvard ne devrait pas traîner dans les bars en pleine semaine, encore moins dans ce genre de bar. Sur le moment, je ne comprenais pas pourquoi elle me vouvoyait, puis quand elle parlait de moi comme une étudiante, j'ai compris qu'en réalité, elle était professeur ici. Oh la galère. Attendez, vous êtes prof ? lançais, avec un regard quelque peu effaré de la situation complètement bizarre, mais aussi pour confirmer mes incompréhensions. Je suis une étudiante assez adulte pour savoir ce que je peux ou ne peux pas faire en pleine semaine, vous en faites pas. Mais en réalité, je vous ai vraiment prise pour étudiante. Vous n'êtes vraiment...pas à l'image de ce qu'on voit dans les amphithéâtres habituellement. Je tentais plus ou moins d'alléger mon cas, parce que je me sentais vraiment plus très à l'aise.

(Invité)

Attendez, vous êtes prof ? Alors comme ça je ressemble à une élève. Oh mon dieu ! C’était terrible ça. Je n’avais pourtant pas souvenir d’avoir un jour croisé un élève à mon image. Ils sont presque tous vulgaires ici. Les filles s’habillent comme des call-girls et les garçons pensent que le survêtement est une tenue appropriée pour autre chose que faire du sport. Enfin bref, j’essaye de ne pas prendre mal les mots de la jeune fille. J’imagine qu’elle disait ça pour me flatter ou bien parce que je n’ai pas le visage ridé comme beaucoup d'enseignants ici. Mais en soit, je ne suis pas beaucoup plus vieille que certains étudiants alors bon. Je suis une étudiante assez adulte pour savoir ce que je peux ou ne peux pas faire en pleine semaine, vous en faites pas. Mais en réalité, je vous ai vraiment prise pour une étudiante. Vous n'êtes vraiment...pas à l'image de ce qu'on voit dans les amphithéâtres habituellement. Je sentais une légère gêne en la jeune femme et c’était tant mieux. Je n’ai jamais aimé être considérée comme la pote/prof. Enfin, il y a des exceptions, mais je les compte sur les doigts d’une main. Et bien si vous êtes une étudiante assez adulte, vous conviendrez que proposer un café à une professeure de son établissement n’est pas quelque chose de décent. Après tout vous faites bien ce que vous voulez de votre temps libre, ce sont vos études pas les miennes. Mais je vous prie de bien vouloir taire ce que vous avez vu hier soir. Que ce soit en confidence à vos petits potes ou en rapportage à mes supérieurs. Je n’étais pas si méchante que je voulais bien le montrer, mais je voulais qu’elle flippe un peu, parce qu’une telle histoire pouvait me faire virer et je tenais à ma réputation. D’autant plus que beaucoup de personnes confondent la danse burlesque et le cabaret avec la prostitution. Oui c’est hyper réducteur et totalement faux mais les gens ne savent pas réfléchir par eux-mêmes et c’était bien là tout le problème.

(Invité)

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