LUNA-STELLA REMINGTON ► Marina Nery

« Luna-Stella, tu es sûr de ton choix ? » demanda Michael Remington, artiste peintre et directeur d’une gallérie d’art de Portland, avec un haussement de sourcil interrogateur et un sourire en coin. « Absolument. Je suis certain qu’avec un prénom pareil, elle ne craindra jamais la nuit. La lune et les étoiles seront ses phares. » lui répondit sa femme Maria, astrophysicienne de son état. C’est par cette conversation qu’a commencé la vie de leur fille aînée, alors encore au chaud dans le ventre de sa mère. Les prédictions de Maria se révéleraient justes, le nom qu’elle avait choisi pour son premier enfant correspondait tout à fait à cette dernière. Luna-Stella fut une fillette douce et rêveuse, fascinée par la voûte céleste qui avait inspiré son nom. D’un naturel calme, mais vive et curieuse, elle fut ce qu’on appelle une enfant surdouée. Elle devait cela à sa mère, qui s’acharna à lui apprendre à marcher, parler, lire et compter depuis son plus jeune âge. Luna-Stella se montrait attentive et réceptive, elle entra ainsi à l’école avec des bases solides et devint vite une excellent élève. On la disait gentille et serviable, mais souvent dans la lune. Il n’était pas rare de la voir lire dans un coin de la cour de récréation au lieu de se mêler aux autres enfants, mais elle ne semblait pas souffrir de cette solitude. C’était tout simplement son caractère.

L’événement qui changea sa tranquille existence fut la naissance de sa petite sœur Astra lorsqu’elle avait six ans. Et qui coïncida malheureusement avec le décès de sa mère à cause de complications lors de l’accouchement. Maria avait toujours eu une santé fragile et un deuxième enfant était un risque considérable pour elle, mais elle rêvait d’une grande famille et tenait à la fonder. Elle ne put seulement pas la voir grandir. Son mari, dévasté par la perte de son amour de jeunesse, se noya dans son travail pendant quelques années et délaissa ses filles sans vraiment s’en rendre compte. Luna-Stella commença donc naturellement à prendre soin de sa petite sœur dans le domaine où leur père n’était pas présent. Elle l’incita ainsi à la lecture et au calcul, elle lui apprit à s’habiller correctement (car Michael avait des goûts vestimentaires assez particulier, il faut le dire) et à faire du vélo sans les petites roues. Mais surtout, elle la soignait sans elle se blessait où qu’elle tombait malade avec un talent qui aurait impressionné leur médecin. Car Luna-Stella ne lisait pas que des romans, et dans sa pile de lecture on trouvait beaucoup de manuels de médecine. Elle ne savait pas vraiment d’où lui venait cette passion pour ce domaine, sans doute son côté « prenons soin de tout le monde » qui se développait à force de prendre soin de sa sœur. Elle devenait petit à petit plus ouverte et tendait facilement la main à ses petits camarades. Même lorsque son père renoua avec ses filles, Luna-Stella n’abandonna pas son intérêt naissant pour la médecine.

Elle eût une adolescence assez banale, elle se fit des amis qui partageaient les mêmes centres d’intérêt qu’elle, et était parfois brimée par les autres pour sa timidité. Mais elle n’en voulait pas à ces gens, elle savait qu’ils n’étaient que des gamins immatures et qu’elle avait plus important à faire que de se nourrir de haine à leur égard. Elle préférait largement étudier pour intégrer une bonne université et inventer des univers et des personnages sur une feuille lorsqu’elle avait du temps libre. Sa relation avec sa petite sœur se renforça en grandissant, elle aimait être le modèle d’Astra et la guider dans ses choix de vie sans pour autant lui dicter une marche à suivre. Elle voulait que la petite prenne ses propres décisions. Les autres élèves de son collège disaient de Luna-Stella qu’elle était intelligente et généreuse, toujours prompte à aider les plus en difficulté et à traîner du côté de l’infirmerie pour avoir des informations sur les filières de médecine. Elle avait également un peu trop tendance à se laisser marcher sur les pieds mais finit par s’endurcir en grandissant, sans toutefois répondre avec méchanceté à ceux qui profitaient d’elle. Elle voulait rester aussi intègre que sa mère lui avait appris pour lui faire honneur. Lorsque que l’heure du choix de sa future université arriva, elle décida de tenter Harvard car au fond elle avait envie d’accomplir quelque chose de grand. A son immense plaisir elle fut acceptée dans le cursus de médecine de la plus prestigieuse des universités, et elle compte bien s’en montrer digne. Même si elle ne se voit pas exercer une autre profession que médecin, elle continue de travailler sa plume et nourri le rêve secret d’être un jour publiée.