H. Armani Willardsey ► Corinna Studier

Armani ou la fille qui a, non pas raté sa vie, mais qui aurait pu ne pas vivre celle là. Sauf qu’on ne choisi pas le conte de fées. Bordel, qu’est-ce qu’elle peut en vouloir à son père d’avoir tourné le dos à sa chère mère lorsqu’elle a annoncé la grossesse. L’enfoiré. Ouais, son « géniteur » n’est rien d’autre à ses yeux. Géniteur. Enfoiré. Ce sont les seuls mots à son égard qu’elle n’a cessé de se répéter une fois qu’elle les a appris. Pourtant, elle porte son nom de famille. « Jared Willardsey, trader vivant entre La City et Wall Street. » Quitte à enchaîner de multiples boulots, sa mère semble avoir donné le maximum pour la petite blonde. Sa princesse, sa poupée.

Assise sur une passerelle du Brooklyn Bridge, la jeune femme jette un dernier coup d’œil aux deux dernières lettres qu’elle vient de recevoir. Son admission à Harvard dans la main gauche. Une lettre du géniteur dans la droite. Il faut croire que les bonnes nouvelles n’arrivent pas seule et qu’elles n’apportent pas d’autres bonnes nouvelles en même temps. Armani est prise. Armani sera boursière. Sauf qu’elle a la sensation que son haut niveau en danse et ses excellentes notes ne sont pas les seules explications de son prochain déménagement pour Cambridge. Jared lui annonce qu’il souhaite la rencontrer après dix huit années silence. Il a craqué son slip ? Cette nouvelle lui reste en travers de la gorge. Pourquoi maintenant ? Pourquoi de cette façon ? Pourquoi après la chute de sa mère dans l’alcool ? Ses longues jambes se balancent dans le vide. Choisir la voix de la facilité ? Ou poursuivre son « combat » ? Elle s’est littéralement payée la honte en portant des costumes des différentes princesses du monde féérique de Disney alors qu’elle travaillait au parc du même nom en Floride. Plus le temps passe, moins elle parvient à faire un choix. Si bien que la nuit ne va pas tarder et qu’elle est déjà en retard pour prendre son service dans un fast food non loin de Time Square.

Elle ne semble pas bien grande, pas bien épaisse non plus et complètement fatiguée. La preuve, la blondinette a beau la secouer pour essayer de la réveiller, rien. Aucun signe. Elle se demande si elle n’a pas fait un malaise ou si elle n’est pas morte sur la banquette du restaurant. Étant seule pour la fermeture, un drame de cette envergure l’emmerderait bien. Elle finit par cligner des yeux. Les choses vont vites. Elle avale un morceau de ce qu’Armani comptait emmener à sa mère. Les présentations sont brèves. Maya. Elle a deux ans de moins et aucun endroit où dormir. Pas question de la laisser dans cette grande ville. Et c’est tout. Les années sont passées, la confiance s’est installée entre les deux jeunes femmes. Armani a fini par apprendre son secret et pour notre toujours vierge – jusqu’à la rencontre du Prince Charmant – ça relève de l’horreur, si bien qu’elle a mis plusieurs mois pour répondre à son géniteur, acceptant sa proposition. Elle aurait bien besoin de ça, veiller sur sa nouvelle protégée ne lui permet pas de travailler autant qu’elle a besoin.