A. CAMILLE DE LESQUEN ► hideto matsumoto

Avez-vous étudié à Harvard ?
Uh. Non. C'est pas que les frais d'inscription étaient trop chers, c'est juste que j'avais pas envie de quitter mon trou en bord de mer. J'ai fait mes études à Paris, enfin, pour la L1 d'éco ratée, après, les 3 ans de médecine infirmière, je les ai fait à Caen. Je suis restée dans ma Basse-Normandie longtemps, j'en suis parti il y a 2 ans, je suis arrivé à Boston en août 2013, mes études d'infirmiers finies..

Once upon a time

Cher Père, cher frère, chère Louise, à toute personne qui lira cette lettre,

Ma vie était vouée à être un désastre : enfant illégitime, asiatique dans une famille de français pure souche depuis des centaines de générations, ma naissance, ou plutôt la vérité sur ma naissance a provoqué un choc chez vous. Je n'étais pas le cousin de Charles-Antoine et Quitterie, mais leur demi-frère. Père a été infidèle. Cette réalité trop dure à accepter, j'ai dû en payer le prix à sa place. Peut-être est-ce pour ça qu'il a continué à m'aimer, à l'inverse de son épouse, lui. Je ne suis pas le fils de sa sœur, mais son fils. C'est le seul à m'avoir accueilli à bras ouverts, sûrement pas comme ''Tante'' Eléonore ou Quitterie. Père, je suis désolé. Charles-Antoine, je suis désolé aussi. Je n'oublie pas les après-midi qu'on a passées à s'amuser ensemble et à jouer des tours à Quitterie. C'est grâce à toi que j'ai eu l'envie de me lancer dans le kendo, je me souviens aussi de nos combats.Tu ne m'as jamais renié, tout comme Père. À vous deux, je suis vraiment désolé, mais en ce 20 décembre 2014, la douleur me devient insupportable. Sûrement, vous recevrez cette lettre durant les fêtes de fin d'années. J'ose espérer que ce ne sera pas le 24, le 25 ou le 31. Je ne veux pas gâcher votre enthousiasme. J'espère aussi que les tâches de mes larmes sur le papier auront séchées, je ne tiens pas à ce que vous ayiez face à vous la preuve de mon mal-être.

Que s'est-il passé, qu'est-ce que cette feuille de papier, vous demandez-vous. Ceci est une lettre d'adieu. Je suis profondément désolé de le dire ainsi, sans détour, mais appelons un chat un chat. J'ai rencontré quelqu'un dont je suis éperdumment tombé amoureux. Désolé de vous décevoir à nouveau, mais il s'agissait d'un homme. Un couturier, lui aussi. Elliot. On s'est rencontré il y a 5 ans, on était ensemble depuis 2 ans, en avril. Mais il s'est suicidé. Sans même expliquer son geste. Je ne sais pas si vous teniez réellement à savoir pourquoi je me suis donné la mort, mais en voilà la raison. À cause de lui, j'ai ruiné toutes mes chances d'avoir un futur. Parce que mon futur, c'était lui. Pas mon métier d'infirmier que j'adore pourtant, pas ma passion pour le stylisme. Sans lui, tout ça n'a plus aucun intérêt. À cause de cela, je ne sais plus, par moments, si j'adore ou si je déteste Elliot. Toujours est-il que sentir son parfum m'apaise à coup sûr. Mais ma décision est prise. Je vais reboucher ce stylo et poster cette lettre puis avaler les somnifères devant moi, m'endormir pour toujours au pays des merveilles, là où Alice et lui m'attendent.

Je vous aime.

20 décembre 2014, Boston.
Amaury.

Tentative de suicide ratée, quelques jours plus tard, je me suis réveillée dans une chambre d'hôpital que j'avais à peine les moyens de payer. Je suis reparti chez moi, j'ai tenté de reprendre une vie normale. Depuis un an, j'en suis au même point. Mais j'ai décidé de me battre. Je veux vivre. Je tiens à la vie, moi. Je ne veux pas mourir. Je veux juste quelqu'un pour partager ma vie et lui donner un sens. J'avais trouvée cette personne, mais la faucheuse l'a croisée en chemin et m'a laissé seul...

Tant pis. J'ai bien réussi à vaincre ma phobie du sang, je suis bien capable de vivre. Je me battrai coûte que coûte, j'offrirai du bonheur aux malheureux pour oublier ma souffrance et un jour, elle disparaîtra. Le soleil ne se cache jamais pour toujours.

(Invité)