i see you - Newton.

Cela faisait déjà une bonne trentaine de minutes que j'avais posé mes fesses ici et je ne me lassais toujours pas du cours d'eau qui se trouvait à côté de moi. L'eau avait toujours eu une sorte de pouvoir apaisant et ma grand mère ne tardait jamais à m'emmener au bord d'une rivière lorsque mon coeur se faisait gros de chagrin. C'était dans ces moments là que mes larmes coulaient le mieux. C'était aussi comme cela que j'arrivais à me calmer et retrouver mes esprits. La Charles River ne faisait pas le même son, mais elle me rappelait intensément mon enfance. C'est aussi à cet endroit que Newton m'avait donné rendez vous. Ce mec, je l'adorais, vraiment. Il avait été là à mon arrivée à Harvard et je peux vous dire qu'il a grandement facilité mon intégration dans cette université. Depuis, nous avons constaté des similitudes dans nos histoires, nous rapprochant encore d'avantage. Alors que je me perdais dans mes pensées, un bruit de pas me fit me retourner : " Prêt pour une scéance titanic ? " demandais je joueuse en faisant référence à la scène du film où Jack dessinait nue sa bien aimée.

« Je suis toujours prêt pour te dessiner. » dit il accompagnant sa taquinerie d'un clin d'œil. Je souriais, déjà heureuse de passer ce petit moment avec lui. Il n'y avait jamais rien eu d'ambigu entre nous et cela n'avait rien à voir avec le fait que je ne le trouvais pas à mon gout, je n'avais juste pas vraiment la tête à ça. J'aimais les fois où nous nous retrouvions afin qu'il me dessine car c'était dans ce genre de moments où nous nous confions l'un à l'autre. Je n'étais pas du genre à déballer ma vie facilement et je pense que Newton était du même genre mais devant les similitudes de nos histoires, quelque chose nous liait intrinsèquement et sans que nous ne pouvions y faire grand chose. Je me mettais donc en place, sur un petit carré d'herbe frais, les pieds baignant à moitié dans la rivière. Soudain, Newton répondit à ma petite blague sur la scène du titanic en disant qu'il préférait les gens habillés même s'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que je veuille la faire sans vêtements. Je riais espérant qu'il était cent pour cent blagueur. " Ca ira merci " répliquais je à moitié en train de glousser. " On risque plutôt de se faire embarquer pour exhibitionnisme si des flics passent par là non ? Au fait j'ai ramené quelques trucs à grignoter si jamais tu en veux. "

Alors qu'il déballait tout son attirail pour prendre mon meilleur portrait, je remarquais à quel point ses gestes étaient emprunts de passion. Même son visage paraissait être le même que celui d'un enfant découvrant un cadeau. Le dessin, c'était son truc et nul ne pourrait un jour lui enlever, j'en étais sure. Alors que nous étions encore restés sur la discussion de la scène du titanic, Newton semblait à demi songeur : " Mince alors, moi qui espérait tant. " Je le poussais de mon genou étant assise en face de lui. Il imagina ensuite à voix haute ce qu'il se passerait s'il décidait de me peindre nue en pleine ville. Je souriais, ayant conscience que ce serait sans doute amusant ou effrayant, l'un ou l'autre. Alors que je proposais à mon ami quelques trucs à grignoter, celui haussa les épaules, comme si ce que j'avais ramené ne l'intéressait pas. " Tant pis " lâchais je le sourire aux lèvres. " Y'en aura plus pour moi. Donc dis moi quoi de neuf depuis la dernière fois qu'on s'est vu ? " Je me mettais en place et dégageai mes cheveux du visage.

Je commenca alors à me goinfrer des gourmandises que j'avais amené lorsque Newton me balança un truc du genre " Fais attention de ne pas trop en manger sinon tes joues vont encore gonflées. D’ailleurs je pense que depuis la dernière fois, tu as du en manger. " Je savais qu'il disait ça pour plaisanter mais son rapport à la nourriture paraissait compliqué ce qui m'inquiétait. Je me souvenais soudain d'une fille qui était dans ma classe lorsque j'étais petite et qui se faisait vomir. Elle a finit par mourir de dénutrition. Cette histoire m'avait beaucoup choquée et je m'étais promis de toujours être attentive à ce que ça n'arrive pas à mes proches. « Mais sinon rien, entre les soirées et les cours y a pas grand-chose dans ma vie et toi ? » continua Newton. Je restais silencieuse, briser le silence me crevait le ventre d'envie. " Newton ? " demandais je pour attirer son attention ailleurs que sur son dessin. " Tu maigris de plus en plus ces derniers temps et à chaque fois que j'amène quelque chose à manger, tu trouves une excuse pour ne pas y toucher. Tu crois que je ne remarque pas ce que tu caches ? " Je ne voulais pas l'accabler ou le faire se sentir coupable, je souhaitais réellement lui venir en aide, comme une amie sincère devrait le faire.

« Je ne vois pas de quoi tu parles, je ne cache rien du tout. Tu te fais des idées. Ce n’est pas parce que je ne mange pas que toute suite, y a un truc qui cloche chez moi. » Le ton de mon ami est froid, même ses yeux semblent dénués de toute chaleur. Quelque chose sonnait faux dans ce qu'il disait ; je n'osais toutefois pas insister sur le sujet. " Si tu le dis ... " répliquais je doucement. Je m'étais toujours promis de faire quelque chose si je voyais à nouveau quelqu'un en proie à l'anorexie mais en pratique ce n'était pas simple. Ne pas froisser l'autre tout en lui voulant du bien pouvait paraître aux antipodes. " Je te jure que j'arrête d'en parler mais avant j'aimerai te dire que si jamais tu as ce genre de soucis, n'ai pas peur de venir m'en parler, je n'aurais pas de jugements envers toi. " Je reprenais un petit quelque chose à grignoter dans mon paquet et regardais les nuages au loin, posant à nouveau pour qu'il puisse me dessiner. " Tu peux continuer " dis je alors. "Enfin si ça te dis toujours ... ? "