Le meilleur pour la fin - Soirée d'ouverture de l'IL

La soirée n’était qu’un enchainement de catastrophes toutes plus absurdes et rageantes les unes que les autres. Noah était venu dans l’optique de passer du bon temps, rencontrer de nouvelles têtes, et se détendre tranquillement. Il avait même essayé d’éviter à tout prix Echo, Amanda et Caesar. Mais malgré toute sa bonne volonté et son manque d’enthousiasme quant à l’idée de déclarer une guerre ici et maintenant, les trois jeunes gens ne s’étaient pas privés de lui en faire voir de toutes les couleurs. Et pour être honnête, Noah en avait clairement marre, il arrivait au stade de la blase la plus totale. Plus rien ne l’étonnait, surtout venant d’Echo, et à dire vrai il avait été pas mal déçu et contrarié par son attitude. Ils s’étaient échangés quelques mots il n’y a pas si longtemps, au milieu de la foule. Mots incisifs qui laissaient présager un faux calme apparent ou bien le top départ d’une nouvelle lutte à mort. Quoiqu’il en soit, Noah cherchait à fuir le bruit, la foule et tout le reste. Il n’avait presque pas bu et complètement perdu gout à la fête. Il décide alors de sortir quelques minutes sur le balcon, fumer une cigarette en attendant de partir. Caesar le devance de quelques pas, quel abruti pense Noah sans pour autant chercher l’altercation. Lorsque tout à coup, la voix d’Echo le fige sur place. C’était étrange : plus d’un mois de silence totale et maintenant elle était là, tout le temps, à chaque fois qu’il levait les yeux ou tourné la tête. Il allait devoir s’habituer au remue ménage dans son ventre et apprendre à canaliser l’effet physique insoutenable que la belle brune lui procurait. Il s’avança un peu plus et s’appuya à quelques deux mètres d’elle, sur la rambarde, allumant une cigarette à la hâte sans répondre à ses impératifs directement. Il aimait laisser planer le silence, lui faire croire qu’elle n’était pas essentiel et feindre l’ignorance. Après quelques secondes de mutisme maitrisé il finit par tourner la tête vers la jeune fille : « Quoi ? Ma petite-amie n’a plus rien à boire ? », Ironique avec le regard froid manière de lui rappeler combien il n’avait pas apprécié son jeux de rôle devant Tara : « Tu peux toujours défaire ma braguette, te mettre à genoux et venir pomper à la source, comme tu as l'habitude de le faire ». Insultant ? C’était le but. Il finit par détacher son regard de la jeune fille, coudes appuyés sur la rambarde, tête en arrière, admirant le ciel et recrachant la fumée de sa clope au vent.  

Etat létal, partagé entre une colère indicible et la lassitude la plus totale.  Noah était de nature patiente et endurante, mais avec Echo, c’est différent. Chaque fois, il pensait arriver au bout de ses capacités de maitrise, priant pour que tout s’arrête, qu’ils se calment tout les deux, qu’ils se reposent enfin. Et chaque fois, la fin d’une aire d’insulte amorçait une nouvelle marche dans l’escalade de la violence. C’était … épuisant, étouffant, révoltant. Mais tellement … bon ? Il n’y avait qu’Echo pour le faire sentir de la sorte, trop vivant pour avoir envie de mourir, trop mort pour avoir besoin de renaitre, chaque fois, avec elle. Elle était sa damnation, un amour transit qu’il gardait jalousement et savamment caché au fond de ses entrailles là où rien ni personne ne pouvait le lui retirer. Et ce soir, une fois encore, elle s’était montrée plus brutale et agaçante qu’à l’accoutumé. En surface, ce qui l’avait énervé c’était qu’elle et Caesar se comportent comme deux abrutis auprès de Tara. Il ne faut pas oublier que Noah est d’ascendance aristocratique et s’il y a bien une chose qu’il déteste c’est le manque d’éducation. Mais dans le fond, ce qui l’avait réellement blessé, c’était qu’Echo feigne d’être sa petite-amie. Pas parce qu’elle lui avait cassé un coup potentiel, pas non plus vis-à-vis d’Amanda. Mais juste parce que ça lui rappelait, avec une mélancolie grandiloquente, le fait qu’elle ne l’était pas réellement et qu’à part en jeu de rôle, elle ne le serait probablement jamais. Elle lui échapperait toujours. Evidemment, il n’admettrait pas les véritables raisons de sa colère se contentant de la blâmer pour son comportement puéril et insupportable. Ignorant complètement Caesar qui parlait avec quelques personnes, et comme s’il voulait marquer son territoire, Noah voulait créer un cocon de confidence avec Echo de manière à ce qu’une fois de plus, les deux jeunes gens aient l’impression de n’être plus que deux sur terre, que tout le reste disparaisse. Il lui répondait avec sarcasme et ironie, ne regardant la jeune fille qu’à moitié, la privant de tout intérêt afin de la blesser au moins autant que ce qu’il était lui-même blessé : « Non, je ne vais pas te le reprocher longtemps. De toute façon, je doute qu’on t’ai cru, les gens me connaissent suffisamment, au moins de réputation, pour savoir que j’ai bon gout et que les filles dans ton genre … ne sont pas celles au bras desquelles je me promène », faisant ici clairement référence à leur différence de classe sociale et au fait que Noah ne s’afficherait jamais avec une roturière. Il ne s’était d’ailleurs jamais affiché en public avec Amanda, il avait une certaine image à préserver : « Si ça peut te faire taire pour de bon, alors oui je veux bien faire ça en public ». Il lui fit un clin d’œil moqueur avant de tirer quelques nouvelles lattes de sa cigarette et de se tourner à 180° de manière à être appuyé sur la rambarde, mais de face, les yeux plongés dans l’horizon du campus éteint.

Voilà le paroxysme qui pointait son nez. Noah et Echo se trouvaient seuls, pendant que Caesar causait avec d’autres personnes, et allaient probablement en profiter soit pour régler leur nouveau différend, soit pour s’entre-tuer. Il sentit sans grand mal dans le regard froid, l’attitude, et la voix presque frêle de la jeune fille qu’il avait touché un point sensible en la rabaissant sur sa classe sociale. Son beau-père ? Son demi-frère ? De quoi parlait-elle ? Et comme en proie à un vertige immense Noah se rendit tout à coup compte, comme s’il venait de se réveiller d’un rêve éveillé, qu’il ne connaissait en réalité rien d’Echo. Il avait l’impression de la connaitre par cœur, de pouvoir la deviner, c’était indéniable, un seul regard entre les deux jeunes gens et le monde tout entier disparaissait. Mais dans la forme, il ne savait strictement rien ni de sa vie, ni de son passé, ni de ses amis, ni de sa famille. Il ne répondit strictement rien à sa première remarque, tentant avec véhémence de faire taire les grognements paradoxaux de son ventre. Il était partagé entre cette révélation douloureuse, le fait qu’il ne savait strictement rien de la fille qu’il aimait, et l’envie fulgurante de casser la gueule à son beau-père, son demi-frère et toutes les personnes qui avaient osé un jour ou l’autre faire du mal à Echo. C’était un privilège qui devait demeurer sien, et au-delà de ça, il l’aimait trop, beaucoup trop, pour laisser qui que ce soit la faire souffrir. Pour ne pas laisser transparaitre ces interrogations intérieures et l’état dubitatif dans lequel les mots de la jeune l’avaient plongé, Noah enchaina sur une réplique taquine et d’un ton douteux à laquelle Echo répondit avec une bonne répartis. Intérieurement, il avait envie de rire, de lui dire « non mais sérieux, regarde nous, on est ridicule, on ne peu pas arrêter de se battre et juste … fumer une clope tranquille, comme des gens normaux ? ». Mais dans les faits il fuyait le regard de la jeune fille qui devenait dérangeant tant il semblait sincère et scrutait non sans peine l’horizon. Il la sentit un peu plus proche et eu un léger mouvement de recul, toujours cette proximité étrange et électrique. Comme il sentait qu’elle le regardait, il ne tourna pas les yeux vers elle. Du moins, pas avant de l’entendre déblatérer ses inepties et de faire volte face brusquement, se redressant de toute sa prestance : « Je te reproche de te mêler de ma vie ! T’es qui pour décider de ce que je dois faire avec Tara ou avec Amanda ? T’es qui pour juger ou donner des conseils ? Tu te trouve mieux que les autres ? Arrête d’agir comme si t’étais ma femme et comme si un jour on allait finir ensemble. Ça n’arrivera jamais, alors laisse moi vivre et mêle toi de ce qui te regarde ! ». Ton complètement froid, voix haute, si tant est si bien que certaine personne s’étaient retournés vers eux. Noah tremblait presque se rendant compte, après coup, de ce qu’il venait de dire. C’était clairement insultant, il n’en pensait pas un mot, et pourtant il l’avait dit, pression de la colère, vexé, pour tout ce qu’elle avait fait ce soir elle le méritait. Et il savait au moment où il s’était arrêté de parler qu’elle allait le lui faire payer cher. La fixant, et comme pour l’achever – quitte à s’embourber, autant le faire jusqu’au bout – il finit par ajouter : « Je suis assez riche pour deux, alors tu devrais avoir compris par toi-même que ce n’est pas la raison pour laquelle je ne veux pas être avec toi. La seule raison pour laquelle je ne veux pas être avec toi, c'est toi, et rien que toi ». Il la regardait dans les yeux avec un regard noir de haine, s’il avait pu la tuer sur place il l’aurait fait. En fait, il voulait juste l’écraser, la torturer, pour qu’elle soit blessée au moins autant que lui, pour lui faire payer la sale soirée qu’elle lui avait fait passer. Après quelques secondes sans bouger, il finit par balancer la fin de sa cigarette par-dessus la rambarde et se tourner vers Echo avec empressement, se préparant à partir : « Je vais te laisser avec ton Caesar, j’en ai marre de perdre mon temps avec toi, tu m’as assez étouffé pour aujourd’hui ».

Noah avait cette capacité à encaisser, et encaisser encore, jusqu’à exploser. Le moindre truc, la moindre phrase, le moindre mot de travers pouvait le faire vriller. Et c’était ce qui arrivait. Il s’était contenu jusqu’alors, contenu tout au long de la soirée alors qu’il n’avait eu au fond de lui qu’une seule envie : casser la gueule de Caesar et mettre une bonne gifle à Echo. Il ne contrôlait pas sa bouche, ni les mots qui en sortaient, réalisant peut-être trop tard leur cruauté. Même pour eux deux, même pour leur mesquinerie, ces mots étaient affreux : « tu n’es pas ma femme », cette phrase sonnait comme une insulte dans la bouche de Noah.  Tout comme le fait qu’il lui dise de but en blanc qu’elle était étouffante. Il savait bien qu’Echo détesterait être comparé à cela, plus encore que le fait d’être comparé à une catin, parce que dans l’esprit de Noah il n’y avait rien de plus ennuyeux qu’une fille qui se comportait comme une petite-amie modèle. Il voulait partir, s’en était trop, épuisé par toute cette histoire, tous ces coups bas, et surtout par peur de la réaction de la jeune fille. Il n’avait pas envie de l’entendre lui dire des mots aussi douloureux que ceux qu’il avait osé prononcer – en fait, il n’était pas du tout prêt à se battre, bien trop à vif, bien trop fragilisé depuis la soirée d’anniversaire à la Cabot. Et voilà que la main d’Echo vint brutalement le heurter, le visage du jeune homme se laissa tomber d’une quarantaine de degré vers la gauche. Il releva sa tête aussi vite, les yeux humides, rouges de rage, tandis qu’Echo l’achevait de quelques paroles sordides. Il l’écoutait, lié à elle comme elle tenait son col, le souffle bruyant comme un taureau dans l’arène. Complètement partagé, complètement déboussolé. Il l’aimait encore plus fort avec ce masochisme malsain, parce qu’Echo n’était pas comme les autres. Echo ne se laissait pas faire, Echo ne se laisserait jamais faire. Et il la détestait bien plus fort encore lorsqu’elle fit allusion à la scène de la roulette russe. Comment osait-elle se servir de ses sentiments ? Comment osait-elle lui rappeler tout ce qu’il avait dit, lui rappeler tout ça ? Il se sentit complètement fébrile et vulnérable, sentiment qu’il détestait réellement surtout face à cette jeune fille. La bouche sèche, il tenta d’esquisser une syllabe mais rien ne sortit. Absolument rien. Il la fixait avec une haine indicible, plus forte encore que toutes celles qu’il avait ressenti à son égard, la détestant amèrement d’être ce qu’elle était. D’être tout ce qu’il aimait. Elle finit par le relâcher, et lui dégageait de son emprise arrangea le col de sa chemise et sa cravate avant de reprendre, d’une voix sèche et contrôlée : « Très bien », dit-il, avant de marquer un temps de pause en la fixant. Pendant cette fraction de seconde il espérait avec un désespoir profond, ce qui est complètement paradoxal et antinomique, qu’elle le retienne. Mais non, elle l’ignorait, l’ignorait complètement. Plus énervés que jamais, ils étaient bien incapables de se réconcilier ce soir. Alors, Noah se redressa, fit un pas en arrière avant de faire volte-face et de marcher vers la salle de réception. Caesar était encore là à fanfaronner. Et lui avait besoin d’exploser, d’exprimer toute cette colère, de faire n’importe quoi pourvu que sa tête et son cœur se calme. Sans réfléchir alors, il marcha tout droit vers Caesar qu’il tira à lui par l’épaule avant de lui décoller une droite d’un autre monde. Si forte, qu’il crut lui-même se briser les phalanges contre la mâchoire osseuse du jeune homme : "Allez bien vous faire foutre tout les deux". Noah releva instinctivement les yeux vers Echo, la fixant, l’air vide, complètement perdu, et fou de colère.