Once upon a time
1996 - Lorsque ton père ouvre la porte, ta sœur Lisi dans les bras, tu commences par ignorer la couveuse à côté du lit de ta mère. Uniquement concentrée sur elle. La femme resplendit d'un éclat différent entre les draps blancs, plus belle que d'habitude, si la chose est possible. Donner la vie lui va bien au teint, et c'est surprenant pour ce monstre d'égoïsme. Tu n'as pas ces réflexions cependant, trop jeune du haut de tes cinq ans. Irene te fais signe d'approcher tout sourire, et tu t’exécutes. « Regarde ton petit frère. » tu fronces les sourcils en tournant la tête vers le tout petit bébé emmitouflé sous ses couvertures. « Il s'appelle Alvar. » Tes yeux font la navette entre le nouveau-né et ta petite sœur qui babille dans les bras de ton père. « Maintenant qu'il est là, papa va venir habiter avec nous ? » ton père s'approche de toi, de vous, un sourire sur les lèvres. « Non, ça c'est impossible. » dit-il d'une voix égale en te caressant les cheveux. « Pourquoi ? » « Tu comprendras quand tu seras plus grand. »
1997 - T'es dans une Audi TT noire qui file à deux cents sur l'autoroute en direction des plages de Pampelonne. T'as six ans, mais tu portes déjà sur le monde, un regard plein de jugement, désabusé avant l'âge, tu fixes le paysage qui défile à vive allure sans le voir. A tes côtés, Irene Jokinen, alias ta mère et mannequin de renom, se cramponne à son téléphone comme si sa vie en dépendait. Elle balance des ordres à ses subalternes avec le débit propre aux mitraillettes. Mais tu l'entends même plus, tout comme tu ne sens plus l'odeur des cigarettes que la star allume les unes à la suite des autres. Il ne reste rien des ses grossesses passées, et on ne dirait pas qu'Alvar vient de fêter ses un an. Sa peau dorée de jet-setteuse mise en valeur dans une robe Collisée de Sacha, ses pieds délicats engoncées dans sa paire de ballerine Prada, et sa voix suave qui s'élève dans l'habitacle après qu'elle ait raccroché avec son agent. « Tu te tiendras correctement, et tu ne mettras pas de sable dans le Chablis, est-ce que tu m'as comp... Mervi, mon chéri, qu'est-ce que tu as fais de tes chaussures ? » tu te tournes vers elle, et le vent qui s'engouffre par la fenêtre ouverte fait voleter tes boucles blondes. Les deux saphirs de ta mère se plissent tandis que ton sourire s'élargit, t'es parfaitement indifférent à ses colères : elle ne t'impressionne pas du tout. « Elles me faisaient mal aux pieds. Je les ai jetées par la fenêtre. » déclares-tu avec un aplomb qui jure terriblement avec ton visage juvénile. Irene, te retourne un regard plein de mépris, t'agrippe par l'épaule pour te rapprocher d'elle par la force et persiffle à quelques centimètres de ton visage. « Écoute-moi bien, mon garçon. Ce casting est très important pour moi. Je ne voulais pas t'amener mais mon agenda étant ce qu'il est, je n'ai pas eu le choix. Ne t'avises pas de me faire honte ou il se pourrait que tu passes le prochain mois enfermé dans ta chambre d'hôtel, est-ce clair ? » tu sais qu'elle ne plaisante pas, pourtant ton expression demeure parfaitement impassible et tu hausses les épaules. Cette lueur presque vicieuse dans le fond de tes iris. Irene te relâche en tirant sur sa cigarette, et t’enjoins sèchement de défroisser ta chemise, ce que tu fais en tournant le regard vers la vitre. Vous ne vous êtes jamais vraiment compris, jamais vraiment aimés.
1998 - Tu te réveilles en sursautant. « Lisi arrête ! » tu repousses la main de ta sœur avant qu'elle n'arrive à mettre son doigt dans ton oreille « Arrivés ! On est arrivés ! » s'exclame-t-elle en se levant tandis que tu bondis à sa suite, tu la soulève pour sortir de l'habitacle du jet privé. Elle piaille de rire tandis que votre mère sylphide blonde aux courbes parfaites, s'élance à grandes enjambées sur la plage de Bali -privatisée pour l'occasion-, Alvar endormi dans les bras. Lisi -que tu as reposée par-terre - et toi suivez le mouvement avec un temps de retard, tous deux entièrement vêtu de vêtement Baby Dior, vos cheveux fins et bouclés révélés par la lumière du soleil. Tu lui jettes un coup d’œil, la mine maussade, t'es déjà las d'être ici. Tu n'aimes pas le bruit du jet, tu n'aimes pas le sable non plus, le sable qui s'insinue sous les ongles, dans les chaussures, et vole dans les yeux. Le sable qui crisse à chaque pas , sous les talons de ta mère. Et comment parvient-elle à marcher avec ses talons de douze sur la plage ? Tu n'as pas le temps de réfléchir à l'improbabilité de la chose, que tu entends à nouveau la voix maternelle résonner. Tu relèves la tête juste à l'instant où Irene adresse un signe de main à Eeva, sa sœur et donc ta tante. Les deux femmes sont jumelles et la même impression de cruauté déborde de leurs sourires. Tu as déjà rencontré Eeva, mais jamais ses enfants. C'est pour cette raison que vous êtes là. Tes sourcils se froncent lorsque tu les aperçois. Lui surtout, le fameux cousin. « Je l'aime pas. » tu souffles à ta petite sœur provoquant ses rires. Vous restez à plusieurs mètres d'Irene qui fait la bise à sa soeur avec plus d'engouement qu'il n'en faut. La femme salut également son neveu et sa nièce, de ton côté tu n'as toujours pas bougé d'un pouce, et tu les toise tous les quatre avec un rictus qui s'accorde bien mal avec tes sept ans. « Mervi, Lisi, dépêchez-vous ! » tu fronces le nez tandis que Lisi s'élance vers la blonde. « C'est qui, eux ? » répliques-tu en les englobant d'un signe du menton. « Je te présente tes cousins par alliance, Ensio et Kiira, je suis certaine que vous allez très bien vous entendre. » lance Irene de sa voix la plus encourageante. Mais tu n'as rien entravé de ce qu'elle vient de dire, et ça ne t'intéresse pas, à vrai dire. Tu croises les bras sur ton torse, têtu. « Allez mon coeur, vi-ens. i-ci. » grince ta mère, qui fulmine mais se contient. Détectant la menace sous-jaccente, tu te résouts à marcher vers ta « famille » pour aller leur faire la bise. De près tu trouves que ta tante à l'air d'une femme froide. Sous les sourires la glace craque. T'en aurais presque des frissons, mais tu restes de marbre, t'observe ton cousin « Ensio » des pieds à la tête. Il est habillé comme toi, jusqu'aux couleurs, bleu en haut, blanc en bas. Des vêtements siglés Baby Dior, t'as l'impression de te voir dans un miroir, en brun. t'aime pas ça. Tu lui fais la bise avant de te tourner vers la dernière, aussi blondes que vous. La gamine, Kiira, a du mal à tenir en place, et te regarde d'un drôle d'air, exactement comme son frère. Tu passes outre et lui colle un bisou sur chaque joue sous les roucoulements de vos mères respectives.
(2000) - Ton enfance les déménagements répétitifs (et la solitude qui en découle) Lisi, Alvar et toi suivez votre mère dans ses déplacements puisqu'elle n'entend freiner sa carrière de mannequin/actrice pour rien au monde. Tu grandis dans les coulisses de la gloire de ta mère, traîné de castings en shootings dès ton plus jeune âge, tu t'ennuies souvent, il n'y a jamais d'enfants de ton âge, et de toute façon, tu n'aurais rien à leur dire.
(2003) - Tu as toujours été sujet à des crises de rages impulsives mais tu vas sur tes treize ans lorsque tu agresses physiquement Gabriel Reus, le fils d'un employé de ta mère. Personne ne sait vraiment d'où le conflit a débuté. En revanche, la fin tragique de l'altercation reste aujourd'hui encore dans bien des mémoires. Tu t'es acharné sur ta victime avec une brutalité rare, à coups de pied dans le ventre, jusqu'à ce que le garçon cesse de pleurer, jusqu'à ce qu'il cesse de bouger, jusqu'à ce que les intestins explosent. Un scandale rapidement étouffé par les millions de ton père, un scandale qui t'a laissé un goût amer sur la langue. Tu es tardivement diagnostiqué souffrant de TDA (troubles déficitaires de l'attention) ce qui explique en partie ton comportement violent.
(2006) - Tu as finalement quinze ans, c'est le temps de l'adolescence. Le temps des premiers joints aussi, le temps de l'émancipation progressive alors que, faux-papiers dissimulés dans la poche intérieur de ta veste, tu te rends à tes premières soirées, privées biensur. T'as quinze ans quand tu rencontres Cosimo di Sanseverino. Toi qui considérais les gens qui t'entouraient comme autant de mouchoirs jetables, identiques, et inintéressants, tu t'es fais happer par cet homme plus âgé que toi de quatre ans. Vous appartenez à la même sphère mais Cosimo n'est pas comme les autres fils-de que tu croises. C'est le temps des première pipes dans les toilettes, l'heure d'une confrontation plus brutale et savoureuse avec la vie. Le goût de l'alcool et les caresses mortelles des drogues. C'est à cette époque, et sous son influence que tu t'es écarté des crépitements incessant des appareils photo dirigés vers ta mère, pour te rapprocher de lui. Il t'a instruit du pouvoir de l'argent, t'a longuement expliqué comment fonctionnait votre monde, et pourquoi. Cosimo t'a également dit, que rien n'était important. Le jeune italien remettait tout en cause, toutes les normes, il n'y a pas de moral, il n'y a que des moralités, sifflait-il en souriant. Le problème avec Cosimo, c'est qu'il te donnait l'impression qu'on te forçais à vivre les yeux fermés. Et lorsque tu lui as parlé de Gabriel, le sourire de l'italien n'a pas quitté ses lèvres. « On ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs. C'est triste pour lui, mais ce qui est vraiment important maintenant, c'est que ça ne recommence plus jamais. Tu n'es pas daccord ? » Si. Cosimo s'est tué quelques semaines plus tard.
(2010) -Accoudé sur la rampe au bois délicat et luxueux, les doigts entre-croisés au dessus du vide, tu surplombes le salon surpeuplé de votre villa d'Helsinki. D'ici tu peux tout voir, tes pupilles dilatées de cocaïne, se posent un instant sur le Dj qui mixe non loin de la piscine, avant de s'en détourner, ce n'est pas lui qui t'intéresse ; tu avises ton petit frère entouré de bimbo en bikini, plus mal à l'aise tu meurs. Tu échappes un ricanement en le voyant reculer farouchement lorsque l'une d'elles tentent de l'embrasser. Il a quatorze ans ce soir, il cesse d'être un enfant à tes yeux. T'as prévu de lui bourrer la gueule, et de le faire fumer sur tes joints, jusqu'à ce qu'il roule sous la table. Le plus drôle, c'est que tu sais qu'il refusera rien de ce que tu lui donneras. Parcequ'Alvar, est fier, Alvar est courageux et trop pressé de faire ses preuves. Trop pressé de bouffer le monde entier. Le sang chaud et les poings serrés, comme toi par le passé. T'es fier de lui, malgré l'étrange pudeur dont il semble faire preuve avec la gente féminine, tu te dis que ça lui passera. Tu te redresses et traverses le patio pour atteindre l'escalier, que tu dévales. Tu repères le corps svelte de ta sœur dans la foule des danseurs, et tu la chatouille en passant pour qu'elle se tourne vers toi. A ta vue, elle abandonne son cavalier pour commencer à danser avec toi. « C'est ton idée ou c'est celle d'Ensio ? » susurre-t-elle prêt de ton visage avec un grand sourire de chat. Tu hausses un sourcil prenant l'air innocent. ça ne prend pas, Lisi lève les yeux au ciel avant d'aviser votre petit frère toujours aux prises avec les sulfureuses -qui entreprennent maintenant de lui caresser le torse-. Ton sourire fait écho au sien et tu émet un sifflement rieur « Idée commune, mais c'est moi qui les ai choisie, ne sont-elles pas superbes ? » Lisi éclate de rire avant de porter sa coupe de champagne à ses lèvres sans cesser de danser. « J'ai l'impression que tu parles de fleurs ! » « De très jolies fleurs alors. » « Tu es horrible. » feint-elle de soupirer, mais y'a tellement de sourire dans sa voix et dans le fond de ses yeux, que tu es obligé d'éclater de rire. « Tu n'as encore rien vu. » ajoutes-tu avant de cligner d'un œil et de t'éloigner vers le canapé où se débat toujours Alvar. T'as croisé le regard d'Ensio plus loin, et le sourire que tu lui as adressé était sans équivoque « maintenant. » Sans prévenir, vous foncez sur Alvar. L'adolescent écarquille les yeux et se met debout sur le canapé, prêt à en découdre. Mais vous ne lui en laissez pas l'option, vos mains s'emparent de lui et vous n'avez aucun mal à le soulever de terre. Le finlandais se débat de toutes ses forces. « PUTAIN ! mais mais mais ….. MAIS LÂCHEZ-MOI ! » ses cris se perdent dans la musique et vous vous rapprochez dangereusement de la piscine. Les regards des curieux se fixent sur vous tandis que vous jetez Alvar et son costume trois-pièce dans l'eau, la tête la première. Les rires fusent tout autour de vous. « JOYEUX ANNIVERSAIRE ALVAR ! » ta voix se mêle à celle d'Ensio comme Alvar sort la tête de l'eau en toussant. « BANDE D’ENFOIRÉS ! VENEZ LA SI VOUS L'OSEZ ! » hurla-t-il en claquant la surface de l'eau du plat de la main, s'éclaboussant du même coup.
(2013) - T'as vingt-trois ans et tu habites désormais un luxueux loft à Boston depuis deux ans. Tu suis assidument tes cours – en bavant sur la table – d'économie et gestion à l'université d'Harvard que tu as intégré il y a deux ans. Tu ronfles silencieusement aux cotés de ton cousin, l'économie c'est sympa mais t'as une nuit à rattraper et de toute façon ton taux d'alcoolémie n'est toujours pas retombé. Ensio a l'habitude, et ne te prêtes pas vraiment d'attention, occupé à mater le cul de la prof, ou le décolleté plongeant de ses voisines. Il a qu'à la regarder pour obtenir l'attention d'une fille, c'est magnétique, ça t'a toujours fait beaucoup rire, de le regarder jouer. Justement une jeune-femme fixe Ensio d'un œil noir depuis le début du cours, et lorsqu'il tourne finalement la tête vers elle, elle bondit presque sur ses pieds pour lui foncer dessus. « Putain mais dîtes moi que je rêve ! Espèce d'enfoiré ! » s'écrie-t-elle en le pointant d'un doigt vengeur et accusateur. Comprenant que ses intentions ne sont pas bonnes, Ensio s'empresse de te donner un coup de coude. « Mervi, réveille toi. » tu ne bouges pas d'un pouce, et Ensio s'impatiente en commençant à recevoir les projectiles de la brune qui s'emploie à lui vider sa trousse au visage. « Oh ! putain réveille toi ! » « Fils de pute ! » cette fois c'est un coup de poing qui t’atteins dans les côtes, tu sursautes et te redresses, encore à moitié endormis. « Quoi ? Quessiya ? » tu demandes en étendant les bras sur ta table pour t'étirer, les yeux toujours fermés. « Je RÊVE là. » elle a feulé plus que parlé, les yeux brillants de haine lorsqu'elle a découvert ton visage fatigué. Tu te frottes la nuque, pas encore vraiment encré dans le présent. « NON MAIS ME DIS PAS QUE CE CONNARD C'EST TON POTE ! » t'ouvres les yeux en fronçant les sourcils, la scrutant des pieds à la tête avec suffisance, pourquoi crie-t-elle comme ça, celle-là ? « Mon cousin plus précisément. » réponds Ensio, hautain. Tu soupires, tes yeux font la navette entre les deux sans comprendre. « J'ai raté un épisode là. » ton cousin se tourne vers toi. « Tu la connais ? » « Non, et toi tu la connais ? » répliques-tu du tac au tac, oubliant complètement la principale intéressée. « Bah non. » La brune en à la chique coupée, et laisse échappé un grognement d'exaspération comme une lionne qui s'apprêterait à vous sauter dessus. Mais aucun de vous deux n'en tiens plus compte. « Ah putain .... » ton visage s'éclaire, t'as une illumination. « Mais, putain. me dit pas que tu te l'ai tapée aussi Ensio ? » « Mais mais mais... c'est la meuf qui trainait dans Le Provocateur la semaine dernière, c'est elle ? » tu te frappes le crâne, oh non. « Comment ça "aussi" d'ailleurs ? tu te l'ai faite ? » stupeur à ta droite, tu glousses. « Je te l'ai dis il me semble. » « Ah bah je m'en souviens pas. » « Elle, elle s'en souvient apparemment. » La jeune-femme abat sa main sur la table pour vous rappeler son existence mais elle n'a pas le temps d'ouvrir la bouche. « Oh oh oh, tu permets deux secondes. Merci. » la coupe Ensio en agitant la main sous son nez, lui signifiant par ce biais qu'elle est plus insignifiante qu'une fourmis à ses yeux. Sa réaction ne se fait pas attendre, furieuse de voir son égo ainsi piétiné, la femme assène une violente gifle à ton cousin, un coup retentissant. « OUI C'EST ELLE QUI TRAINAIT DANS LE PROVOCATEUR ESPÈCE DE CONNARD ! » t'es soufflé, tu portes ta main à tes lèvres pour dissimuler un sourire. C'est alors qu'elle plonge dans ta direction, pour t'empoigner à ton tours, tu t'esquives avant qu'elle ne parvienne à t'avoir. Tu soupires de soulagement, tu n'avais pas prévu que ta chaise bascule dans ton élan, tu étouffes un cri avant de percuter le sol. Tu te relèves alors que la demoiselle s'apprête à contourner Ensio pour te … tu supposes qu'elle espère te frapper, mais tu ne compte pas lui laisser cette possibilité. Ton cousin se dresse entre vous deux et la repousse en arrière, toi t'as déjà sauté par dessus la table. « C'est bon, je suis réveillé, on se casse ? » t'exclames-tu en remontant les marches de l'amphi pour sortir en toute hâte, la folle dingue sur les talons. Maintenant tu te souviens, c'est celle que tu as jetée hors de chez toi à moitié à poil, l'autre matin. T'avais rendez vous chez ton couturier pour la prochaine robe d'Isabel, il y a des choses qui n'attendent pas.