J'observe la villa de mes parents les mains encore posées sur le volant, moteur tournant. J'ignore pourquoi, mais depuis environ deux bonnes minutes, une sensation de malaise me prend les tripes, c'est comme-ci je n'avais rien à faire ici. Pourtant, ici repose mon enfance, mon adolescence et mes souvenirs. Dans un élan de réalisme, je coupe le contacte de mon 4x4 Ford, pose pied-à-terre puis tout en avançant vers la porte d'entrée, j'appuie sur le bouton de fermeture centralisée de mon véhicule. J'enfonce mes clefs de voiture dans la poche arrière de mon jean, une nouvelle fois la sensation de ne pas être le bienvenu me frappe en plein ventre. « -
Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? » Sans comprendre, je toque à la porte et entre disant haut et fort ;
«
- Coucou ! C'est moi ! »
«
- Tayler ! Nous sommes dans le salon. »
Les personnes présentent dans le salon cessent leurs échanges, la voix douce de ma mère se fait entendre depuis ce lieu. J'avance en direction du salon, mais mon subconscient me conseille plutôt de retourner vers la porte. Je me retrouve face à mes deux parents qui sont installés dans le canapé en cuir, ma mère un sourire mal à l'aise pendu aux lèvres et mon père porte un air coupable sur son visage. Une troisième personne me fait dos, confortablement installé dans le fauteuil. L'odeur d'un parfum flotte dans l'air, j'hésite un instant … Mon frère se retourne et m'observe d'un regard noir. Ma machoire se serre et je commence à sentir les battements de mon cœur au niveau de mes tempes. Le silence qui occupe la pièce en dit long sur la tension qui règne dans l'atmosphère. Mon frère finit par lâcher mon regard et s'installe de nouveau confortablement dans le fauteuil. Ma mère se lève et s'avance vers moi, l'air abattu.
«
- Bonsoir mon chéri, comment vas-tu ? »
Elle me prend dans ses bras.«
- Ça va, je te remercie maman. Qu'est-ce qu'il fait ici ? »
Mon frère se lève et se retourne brusquement vers nous, je mets fin à l'étreinte de ma mère et fais un pas vers lui. Il se bombe sous l'effet de la colère et me toise d'un air provoquant.
«
- J'te signal qu'ici c'est également chez mes parents. T'as un problème avec ça, Tayler ? »
«
- Qu'est-ce t'as à prendre cet air, hein ? Redescend mon gars, tu sais que si je t'attrape je te casse tes deux jambes, alors arrête ton cirque là. »
J'explose de rire en le voyant.«
- Les garço... »
Mon frère pousse ma mère qui se trouve sur son chemin et se jette sur moi, nous tombons tout deux à terre. Ne m'attendant pas à ça, il en profite pour me coller son poing en pleine figure. Réaction immédiate de mon nez qui se met à saigner. J'attrape mon frère par ses épaules, le tire vers moi et lui met un bon coup de boule. Il tombe à côté de moi complètement sonné, ma mère qui est en larme dans les bras de mon père court vers son fils dans les vapes, tandis que mon paternel me tend l'une de ses mains.
«
- Aller lève toi fils, on va regarder ton nez de plus près. »
J'empoigne sa main et me lève tout en essuyant mon nez d'un revers de manche. J'observe mon père, puis ma mère à genoux auprès de mon frère qui revient à lui petit à petit. Je secoue la tête, m'avance vers la porte d'entrée en m'adressant à mon frère ;
«
- Quel con. Je me casse. Franchement j'te comprendrais jamais. »
Mes parents impuissants m'observent partir, les yeux larmoyants et très certainement le cœur lourd. Le conflit entre mon frère est moi se cultive chaque fois que l'on se voit et ça, depuis deux bonnes années maintenant. Les images me viennent en tête. La porte d'entrée claque derrière moi, dans un état second de colère intense je monte à bord de mon 4x4 et pars dans un crissement de pneus.
Je joins mes doigts aux siens sur la table, elle m'exprime son plus beau sourire et je peux lire dans ses yeux l'avenir qu'elle souhaite avoir avec moi. Elle entrouvre les lèvres et vient mordre celle qui est inférieure, puis elle me dit sur un ton très sensuel.
«
- J'ai passé une très belle journée avec toi. Merci beaucoup. »
«
- Moi aussi, c'était très agréable. »
«
- Pour une fois ! »
Rigole-t-elle. Je lui adresse un sourire tendre, puis lâche sa main pour boire mon café. Mon regard se perd quelques secondes sur la jeune fille qui passe derrière ma copine, ce qu'elle s'empresse de remarquer. Elle l'observe d'un regard haineux, avant de s'abattre sur moi.
«
- T'es sérieux là ? »
«
- Quoi ? »
«
- Tu viens de la mater ?! »
S'énerve-t-elle.«
- Non, mais n'importe quoi. Arrête toi, j'ai le droit de regarder les gens. »
«
- Je t'ai vu, me dis pas non ! »
«
- Je te dis que je ne l'ai pas maté, arrête un peu ! »
Elle se lève prend sa veste et son sac. «
Tu fais quoi ? »
Elle ne me répond pas et quitte La Luna Caffe. L'humiliation me transperce de part et d'autre, je pose ma tasse de café. Je me lève de ma chaise, sors quatre dollars de ma poche les dépose sur la note, prend mes affaires et sors dehors. Un léger vent hivernal me provoque un frisson dans le dos, j'ajuste mon blouson. Elle se trouve juste à côté de la voiture, la tête baissée. J'avance jusqu'à elle.
«
- Pourquoi tu as réagi comme ça ? »
«
- Parce que tu l'as maté sans gêne devant moi ! »
«
- Je n'ai pas maté cette fille. Je l'ai regardé comme je regarderais n'importe qui dans cette rue ! Arrête de te faire tes films. »
«
- Ouais c'est ça. Ouvre s'il te plaît, j'aimerais me mettre au chaud. »
Dans un soupir d'exaspération, j'ouvre la voiture et m'installe côté conducteur. Elle claque la portière d'un coup sec, croise ses bras sur son torse et observe fixement devant elle. Je la regarde durant quelques secondes.
«
- Pourquoi tu fais ça ? Putain j'te comprend pas, tu as tous pour être heureuse ! »
Elle ne m'adresse même pas un regard et aucun son ne sort de sa bouche. «
Très bien, sache que j'te ramène chez ta mère. Ce soir tu ne dors pas à l'appartement avec moi... »
«
- Par... »
Elle essaie d'intervenir, mais la colère met tellement monté que j'enchaîne.«
- Non, maintenant tu m'écoutes ! J'en ai plein mon cul de tes crises de jalousie, tu ne vois pas qu'à cause de ça t'es en train de foutre notre couple en l'air ? Je ne veux même plus sortir avec toi en ville, parce qu'à chaque fois je me demande si tu vas péter une crise parce que j'aurai posé les yeux sur une nana ou encore pire, j'aurai eu le malheur de m'adresser à une vendeuse dans un magasin pour avoir une info. Avec toi je suis condamné à rester cloîtré dans mon appartement, j'ai perdu toutes mes amies pour toi ! »
Je m'arrête un instant, car je me rends compte que j'hurle de colère. Je ne lui ai jamais dévoilé ce côté noir de ma personnalité, parce qu'elle ne m'a jamais poussé jusqu'ici. Elle me dévisage les yeux remplis de larmes, d'un ton plus calme et triste je reprends ; «
Et le pire dans tout ça, c'est que c'est toi qui a couché avec mon frère et c'est à moi que tu ne fais pas confiance. »
Je mets le contacte et sors de ma place. Elle fond en larme, à l'époque, je me serais arrêté pour la réconforter, mais cette fois-ci, s'en est trop. Dans une atmosphère lourde, je la ramène chez sa mère.
Je termine de lacet ma deuxième baskets, le pied appuyé contre l'un des bancs du vestiaire. On me fait une tape amicale dans le dos, ne m'attendant absolument pas à ça, je me plaque mes mains de justesse contre le mur pour éviter que ma tête claque ce dernier. Mon meilleur ami explose de rire.
«
- De derrière c'était juste énorme ! Comment tu vas poulet ?! »
Il s'installe sur le banc en face de moi et commence à se mettre en tenue.«
- Ça va, je suis venu me changer les idées. Et toi ? »
Je coince mon lacet dans ma chaussure.«
- Je sors du boulot, ma patronne m'a encore fait des avances. »
Il rigole.«
- Sérieux ?! C'est une couguar qui ne perd pas son temps, tu vas devoir finir par accepter avec toutes les avances qu'elle te fait ! T'es dans la merde mon gars. »
Un sourire amusé étire mes lèvres.«
- Tu vas me dire, j'ai pas encore essayé celles de la quarantaine ! Je serai l'élève et elle la maîtresse ! Je trouve ça presque excitant ! »
Nous explosons de rire en cœur.«
- Vas-y ta gueule ! T'es sale ! »
Tous les deux en tenue de sport, nous quittons le vestiaire. On se rend vers les tapis pour débuter notre échauffement. Il s'installe au sol en me disant ;
«
- Qu'est-ce qu'il va pas poulet, je le vois bien que t'es contrarié. »
«
- J'ai eu une semaine de merde. »
«
- Développe. »
Je m'installe sur le tapis à côté.«
- Je suis tombé sur mon frère chez mes parents... »
«
- Aïe. Vous vous êtes pris la tête ? »
«
- Comme d'hab, mais cette fois-ci c'est allé bien plus loin que de simples paroles. »
«
- Me dis pas que vous vous êtes battu ?! »
«
- Il a pété les plombs... »
«
- Mais, non ! »
«
- Si, je l'ai mis K.O histoire qu'il comprenne qu'il réagit comme un con parfois. »
«
- Peut-être que ça va lui remettre les idées en place. »
«
- Tss, franchement, j'y crois même pas. Il est tellement con. Moi à son âge j'étais pas comme ça, j'le comprends pas. »
«
- De toute manière ton frère à toujours était un mystère, ça ne date pas d'hier. »
Je commence mon échauffement en poursuivant notre discussion. Aborder une nouvelle fois cette histoire provoque en moi un sentiment de rancœur qui va me coller à la peau.
«
- J'ai aussi des problèmes avec ma copine. »
«
- Encore ses crises de jalousie ? »
Dans un soupire je lâche ;«
- Ouais, encore. »
«
- Merde. Pourquoi elle fait ça ? »
«
- C'est ce que j'essaie de savoir, mais pour l'instant je n'arrive pas à lui faire cracher le morceau. »
«
- Attend, mais tu peux pas rester comme ça Tayler, je sais pas, va falloir que tu trouves une solution. Je t'en trouve une si tu veux. »
«
- Toi elles sont trop radicales tes solutions mon gars. »
Je pouffe de rire.«
- C'est pas faux, mais au moins après elles ne me font plus chier. Faut être direct dans ses propos, après quand elles voient que tu ne reviendras pas sur ta décision, elle te laisse tranquille... ou pas, fin bref, trouve une solution rapidement avant de faire quelque chose que tu vas regretter. »
Après deux heures de sport intensif, je bois quelques gorgées dans ma bouteille d'eau et pousse la porte des vestiaires à l'aide de mon pied. Mon meilleur ami m'emboîte le pas et ferme la porte derrière nous. Un semblant de voix féminine se fait entendre depuis l'une des douches.
«
- Excusez-moi, il y a quelqu'un ? »
«
- Ouais ! »
Répond, mon collègue.
«
- En faite... C'est gênant. Je suis bloquée dans l'une des douches. »
«
- Sérieux ? Attendez, nous volons à votre secoure. »
Je lui donne un coup de coude en disant ;«
- Vas-y commence pas. »
«
- Quoi ? »
«
- Fais pas style avec ton air innocent. »
Il m'adresse un sourire malicieux, avant de filer en direction des douches. Les portes sont toutes entre ouvertes, sauf une. Je m'adosse contre le mur et observe mon ami qui essaie d'ouvrir la porte grâce à la poignée.
«
- J'ai déjà essayé, cela ne fonctionne pas. »
«
- Je ne sais pas comment vous avez fait votre affaire, mais rien ne bouge. Je vais prévenir quelqu'un. »
Je roule des yeux en le voyant secouer la poignée dans tous les sens. Je me décolle du mur et pose ma main sur l'épaule de mon ami.
«
- Pousse toi. » Il s'exécute. « Poussez-vous de derrière la porte. »
Le premier coup de pied ne fit rien bouger, je décide de défoncer la porte grâce à mon épaule. Prenant suffisamment d'élan je fonce droit sur celle-ci qui cède immédiatement, malheureusement je glisse et embarque l'inconnue dans ma chute. Son corps nu est recouvert par le mien, elle me regarde toute rouge et très mal à l'aise. J'ignore la légère douleur que se manifeste au niveau de mon front suite à la rencontre du sol.
«
- Vous allez bien ? Je ne vous ai pas fait mal ? »
«
- Eh, no..non. »
«
- File moi sa serviette. »
Je tends le bras en arrière en attente de la serviette qui a glissé sous mes jambes.«
- Je suis désolé. »
Me dit-elle honteuse.«
- Ne le soyez pas, ce n'est pas de votre faute, c'est plutôt moi qui devrais m'excuser. »
Je commence à sentir la chaleur de son corps nu contre le mien, sa poitrine, son ventre plat et son bassin. Mon esprit divague. «
- Noooon, c'est pas le moment. Reste tranquille ! » M'ordonnais-je. Je tourne la tête par politesse et me relève. Un merci timide et doux s'échappe de la bouche de l'inconnue. Je me retourne et la regarde. Je ne la connais pas, mais pourtant j'arrive à voir en elle une beauté inexplicable. Mon cœur loupe un battement, mes mains deviennent moite, des sueurs froides parcourt mon dos et je peux sentir pour la première fois de ma vie, la sensation d'avoir des papillons dans le ventre.
«
- Attendez, moi perso j'ai juste une petite question à poser. Comment ça se fait que vous venez vous doucher chez les hommes ? »
Intervient mon ami.«
- Et bien, pour être totalement honnête avec vous. Je suis venue me doucher ici, car le bouton de vos douches reste bloquait contrairement aux nôtre. Vous ignorez le calvaire que c'est lorsque vous avez du savon dans les yeux à cause de vos cheveux pleins de mousse et votre douche qui décide de s'arrêter à ce moment précis. Bon sur cette jolie explication, je vous laisse, moi je vais m'habiller. Encore merci, eh... »
«
- Tayler. »
Dis-je dans un souffle, toujours dans l'incapacité de formuler une phrase.«
- Merci, Tayler. »
Elle m'adresse un dernier sourire avant de s'effacer derrière la porte qui rejoint les deux vestiaires. J'ai encore du mal à réaliser ce qu'il vient de se produire, je reste là les bras ballants. Mon collègue m'envoie une tape sur l'épaule amicalement.
«
- Oh ! Respire, c'est bon elle est partie. »
«
- Je, ne..ne..enfin... »
M'embrouillais-je.«
- Ouais mon gars. »
Me répond-t-il avant d'exploser de rire. «
Aller c'est bon j'ai compris. Tu vois, tu l'as trouvée ta solution mon con ! »