Isabel Roig Herrero ► Stephanie Sigman

Je me souviens que lorsque j’étais enfant, ma mère venait me border le soir, elle me racontait une histoire et étonnement, cette histoire était toujours celle d’une maman qui adore sa fille même si elle n’est pas sortie de son ventre. Mes parents ne m’ont jamais caché que j’avais été adopté, selon ma mère, ma mère biologique aurait été une de leur employée, d’origine mexicaine, arrivée en Espagne depuis une vingtaine d’année, elle envoyait la moitié de son salaire à sa famille en Amérique latine selon ma mère. Ma mère biologique aurait dû repartir chez elle et n’ayant pas les moyens d’élever un autre enfant, elle m’aurait laissé aux Roig, renonçant à tous ses droits sur moi.

J’ai souvent posé la question à ma mère, pourquoi mon père et elles, ont accepté de me recueillir, ils n’en avaient pas l’obligation après tout. Selon elle, cette employée n’était pas seulement un membre du personnel mais aussi une amie, je ne sais rien sur mon père biologique et mes parents semblent ignorer son identité. Vous devez m’imaginer pleine de colère et de rancœur contre celle qui n’a même pas essayé de m’aimer, de m’élever, mais non.

C’est sans doute le plus cadeau que j’ai eu d’elle, elle m’a donné la chance d’appartenir à une famille puissante et riche. Si je l’avais en face de moi je la prendrais dans mes bras pour la remercier et dieu seul sait que je ne suis pas du genre à être chaleureuse. Mon père, Juan, m’a toujours considéré comme un miracle, il m’a toujours énormément gâté ce qui avait le don d’agacer mes frères et sœurs qui ne comprenaient pas son comportement. Parlons d’eux, j’ai deux sœurs et deux frères. Ils sont calmes … beaucoup trop calmes, c’est d’ailleurs pour ça que je passe mon temps à les provoquer.

Je suis l’enfant prodige, ou le cauchemar de la famille, ça dépend du point de vue. Je me saignerais certainement pour ma famille mais je n’hésiterais à user de … méthodes pour obtenir ce que je veux. C’est comme la fois ou mon père m’a refusé un cadeau en étant enfant … vous pensez réellement qu’il a tenu très longtemps ? Plus sérieusement, je suis connue comme étant une jusqu’au-boutiste, je ne recule pas, ne fais pas dans la demie mesure. Je suis le genre à tirer si on me met une arme entre les mains et à en profiter si on me donne du pouvoir.

C’est ce qui s’est passé il y a quelques années d’ailleurs. Un partenaire de mon père, un ami de la famille, le parrain de mon frère, gros porc premier du nom. Excusez ma vulgarité, je suis polie et délicate la plupart du temps mais je n’ai pas pu m’en empêcher. L’apéro avait dû lui monter à la tête, ou ses gènes d’enflure ont repris le dessus … allez savoir, mais je me souviens encore de ce moment où il me plaque quand je rentre dans le bureau de mon père, de son souffle répugnant. Je me souviens avoir vu cette paire de ciseaux sur le bureau, inutile de vous faire un dessin, je n’allais pas le laisser faire.

La gorge, j’ai eu la chance de bien viser malgré la panique et il a eu la malchance de croire que je n’étais rien. Ce que j’ai fait après ? J’ai appelé mon père, je lui ai parlé et … il m’a soutenu. Je suppose qu’il connaissait assez de personnes et qu’il a pu graisser assez de pattes pour que cette affaire n’entache pas notre famille et finisse dans les abysses, c’est un secret et je pense que ça restera un secret encore longtemps. Nous n’en parlons plus, parce que je n’en vois pas l’utilité et parce qu’il ne veut pas remuer le passé sans doutes.

Si mon père ne m’avait pas cru, je ne serais pas à Harvard aujourd’hui, à vrai dire, je ne sais même pas si j’aurais été libre. J’ai tendance à croire que la vie nous donne des chances pour qu’on puisse faire de grandes choses et c’est bien la raison pour laquelle je demandé un transfert de l’université de Madrid, à celle d’Harvard.