Cool Kids : Andrew

Noah continuait d’observer d’un œil discret et assez admiratif la magnifique voiture que conduisait son camarade. Il est certain qu’Andrew, en plus de ses nombreuses qualités de garçon de bonne famille, avait un gout indéniable pour la mécanique. Et même si Noah était particulièrement attaché à sa Mustang Shelby GT 500 de 1967, il ne pouvait s’empêcher de s’imaginer quelques minutes perdu sur des grandes routes périphériques à bord d’une voiture telle que celle d’Andrew. En dehors de l’aspect métallique et froid d’une caisse, que Noah trouvait en outre particulièrement attirant, il y avait dans le fait de conduire, surtout des voitures de sport, quelque chose d’étourdissant qui flirtait avec une sorte d’ivresse sobre insaisissable, un sentiment de contrôle absolu dans la déroute – la vitesse, la vitesse folle avait des attraits incomparables aux autres plaisirs de la vie et clairement, même si c’est ultra macho de penser de la sorte, il n’y avait que des mecs pour comprendre cela : « Je n’ai jamais passé un hiver ici encore, j’espère à l’inverse qu’il ne sera pas aussi froid que dans mon pays. Les filles ont tendance à trop s’habiller l’hiver, et je dois admettre que j’aime bien regarder leurs jambes nues sous leurs jupons», répondit-il à Andrew d’un air plaisantin, à peine sérieux. Quoiqu’il n’en pense pas moins, c’était toujours plus agréable de se promener quand il faisait bon et que les filles mettaient leurs plus belles et plus légères tenues. Après avoir serré énergiquement la main de son camarade Noah reprit place sur sa chaise et invita Andrew d’un signe de main à en faire de même : « Ne t’inquiète pas, j’ai commandé par automatisme pour qu’on n’ait pas trop à attendre, mais un thé gourmand sera très bien », voulant le rassurer. Pas de problème, de toute façon commander un café n’avait rien couté en énergie et il était toujours temps pour changer d’avis : « Vous autres Anglais avez surtout l’habitude de ne rien faire comme les autres, c’est ce qui fait le charme de votre pays », surenchérit Noah en riant légèrement. Non vraiment, mettre du lait dans son thé c’était quelque chose d’assez inconcevable et pour le moins incongrue dans son esprit. La serveuse avança d’un pas assez rapide déposer la commande des jeunes garçons sur la table ainsi que le ticket de caisse que Noah s’empressa d’attraper : il avait demandé à Andrew de venir, il était complètement normal qu’il l’invite. Et après avoir tendu un billet à la serveuse en lui disant de garder la monnaie il reporta son attention sur son camarade qui semblait être de bonne humeur contrairement à la dernière soirée où il l’avait croisé : « Ton statut d’héritier te pèse ? Je t’avoue que je ne suis pas mécontent de n’être que le cadet de la famille. J’ai tous les avantages de mon rang sans les responsabilités et je détesterais être à ta place où à celle de mon grand frère, ça doit être pesant à la longue», faisant mine de grimacer d’horreur avant d’attraper sa tasse et d’en boire deux petites gorgées. Le thé était plutôt bon, un thé en sachet à n’en point douter, mais on n’allait pas faire la fine bouche aujourd’hui, ça serait dommage de s’énerver pour si peu.

Enfin, Andrew demanda clairement à Noah ce qu’il pouvait faire pour lui. Noah s’apprêtait à répondre, ouvrant sa bouche à demi mot lorsqu’aucun son n’en sortit, comme figé. Il finit par rire légèrement avant d’ajouter : « En fait, maintenant que tu me le demande, je me rends compte que mon idée était peut-être absurde. Je voulais organiser une soirée pour ma consécration en tant que membre officiel de l’Eliot House mais je me rend compte que je ne connais pas tellement de monde, et le peu que je connais préférerais passer la nuit dans un cimetière poursuivis par une bande de psychopathes en furie plutôt qu’une soirée avec moi ». Même s’il était ironique et continuait d’afficher son sourire plaisantin, Noah n’en pensait pas moi. Puis il reprit : « Du coup je me dis à l’instant : pourquoi ne pas faire quelque chose de moins visé, moins nominatif. Organiser une soirée entre mec, une sorte de week-end de perdition : trier les invités sur le volet, je commence à en avoir marre des melting pot sociaux, trouver un thème du genre cabaret ou prohibition,  inviter quelques jolies filles du campus et voilà. Sans raison particulière, une soirée où on pourrait enfin se retrouver entre gens de bonne famille. Qu’en penses-tu ? »