NE PAS SUPPRIMER ▬ Andy ♥

« Alors docteur, ma fille a-t-elle vraiment des problèmes ? » Le docteur, Mr Wolfgang, psychiatre renommé, indiqua de son index droit, la chaise face à son bureau, incitant ainsi Lena à s'y asseoir, un sourire qui se voulait réconfortant aux lèvres. « Asseyez-vous Mme Cador, détendez-vous, nous allons en parler ensemble. »

Lena Cador était une très jolie anglaise, blonde, grande, fine, provenant d'une famille bourgeoise. Voilà treize années de ça, alors qu'elle étudiait le droit à Oxford, son regard avait croisé celui de Soren Müller, un allemand qui venait faire un stage de trois semaines à l'université, futur héritier d'une fortune colossale. Tout comme elle, il était beau, grand, avec un parfait physique. Le coup de foudre avait été immédiat, puis ils étaient sortis ensemble peu de temps après, avant de finalement se marier en grande pompe. Elle avait quitté son Angleterre natal pour l'Allemagne, pays où elle avait terminé ses études avant de débuter sa profession d'avocate. Tout se passait à merveille, le bonheur était total. Ils s'aimaient comme au premier jour, installé dans leur luxueuse villa dans la capitale allemande et très vite, l'envie d'avoir un enfant se montra. Lena mit peu de temps avant de tomber enceinte, et rien à cet instant ne pouvait être plus magique pour eux. Leurs familles respectives nageaient dans la joie, et tout le monde attendait avec impatience que la future princesse pointe le bout de son nez. Et comme prévu, neuf mois plus tard, celle qui sera l'unique enfant des Müller arriva au monde, le douze février quatre-vingt onze, à vingt-deux heures quarante-trois précisément, après qu'on ait transporté la maman en urgence à l'hôpital, suite à des contractions. « Comme elle est magnifique. » s'exclamaient les sages-femmes. Et oui, elle l'était ; un joli nourrisson, blond, blanche, qui était alors si innocente.

« J'ai juste quelques questions à vous poser ; quelle sorte d'enfant était Katniss ? Comment se comportait-elle, à la maison, à l'école, avec les autres ... ? » Se replongeant dans ses souvenirs, Lena se rappela ainsi de l'enfance de sa fille. Un petit ange aux cheveux naturellement bouclés. Toute la famille l'avait choyée, elle avait été traitée comme une reine. Grandissant dans un environnement stable et empli d'amour, Théa avait été ensuite, lorsqu'elle eut l'âge, envoyée à l'école maternelle. Et ce fut de là que tout commença à partir en vrille... « D'ailleurs, je me souviens que ses maîtresses ne la supportaient pas et que les parents de ses camarades venaient sans cesse se plaindre. Hyperactive, et violente, elle se comportait comme un petit monstre. Elle refusait d'écouter sa maîtresse où quiconque qui lui ordonnait quelque chose. » « Hmm. Et comment aviez-vous réagi ? » « Et bien, avec mon ex-mari, nous la punissions évidemment, mais nous n'y avons pas réellement prêté attention, malheureusement, car nous nous disions que ce n'était qu'une gosse, et que lorsqu'elle serait plus grande, elle s'assagirait. » « C'est compréhensible madame, la plupart des parents pensent exactement comme vous, il ne faut surtout pas culpabiliser. Pensez-vous qu'elle avait des raisons d'agir de la façon dont elle agissait, et qu'elle agit encore aujourd'hui ? » Des raisons ? Elle en avait aucune. Baignant dans l'argent depuis gamine, Théa avait toujours eu tout ce qu'elle souhaitait. Le moindre de ses désirs avait été comblé, dans l'immédiat. Ses grands-parents lui vouaient une adoration inconditionnelle, et se pliaient en quatre pour lui faire plaisir. On lui achetait les vêtements les plus coûteux, les meilleures affaires scolaires, sa garde-robe était remplie de sacs Louis Vuitton, une décoratrice d'intérieure avait été appelé spécialement pour sa chambre, qui possédait sa salle de bain privée, ainsi qu'une mezzanine, comportant tous les objets de dernière technologie. Elle changeait de téléphone portable pratiquement tous les mois, se rendait au coiffeur deux fois dans la semaine et dépensait l'argent à tout va. « En tout cas, elle n'avait aucune raison d'être malheureuse. » Mais sa fille ne changea pas, ne rentra pas dans le droit chemin, comme elle l'avait tant espéré, avec Soren. Kat', comme on la surnommait, eut treize ans. Entrant alors dans sa période d'adolescence, la blondinette était déjà une très jolie jeune fille, dotée d'un style quasiment irréprochable, étant donné qu'elle passait beaucoup de son temps à feuilleter les magazines de mode, qui savait attirer le regard des garçons et animer la jalousie des filles. Mais cela l'importait peu. « Il y avait une contradiction chez elle, c'était qu'elle détestait plus que tout l'école, mais elle avait toujours de très bonnes notes. Des bulletins brillants, si bien que son professeur de français en sixième nous avait demandé de lui faire tester son QI, qui s'est révélé nettement supérieur à la moyenne. Elle a toujours eu cette facilité étonnante à tout comprendre très rapidement et excellait dans tous les domaines auxquelles elle s'essayait. » « Je vois... Mais qu'est ce qu'elle n'aimait pas à l'école, plus clairement ? » « Les gens. Elle répétait sans cesse qu'elle avait horreur, qu'il y avait une overdose de gens. » Pourtant adolescente, extérieurement, sa fille donnait une apparence parfaitement normale. Elle était souriante, savait se tenir en classe, et surtout appartenait à toutes les sortes de catégorie sociale. « Kat avait des amis aussi bien riches que banlieusards, vous savez, les racailles, aussi bien stupides qu'intelligents... » « Je note ça... Clara, pouvez-vous dire à Katniss de nous rejoindre, s'il vous plait ? »

Un sourire aux lèvres, Théa se fraya un chemin dans le couloir, jusqu'au bureau du Dr Wolfgang, où elle frappa avant d'entrer. Sa mère était assise sur l'une des chaises et le psychiatre était de l'autre côté du bureau. S'y approchant, la jolie blonde à la robe blanche tendit une main en direction du médecin, ajoutant en même temps : « Bonjour. » Wolfgang se leva, pour lui serrer la main puis lui indiqua également l'autre place face à lui, où Müller se posa. Le bureau était spacieux, décoré à l'ancienne. Quel mauvais goût. Théa porta son regard sur sa mère ; cette dernière la regardait aussi, une expression qui semblait être de l'anxiété au visage, avant qu'elle ne se lève puis quitte le bureau, afin de les laisser seuls avec le docteur. Sitôt la porte refermée, celui-ci commença sa séance : « Bonjour mademoiselle. Comment allez-vous ? » « Bien. » Pourquoi se retrouvait-elle ici, dans un bureau de psy' encore une fois ? Ses parents avaient-ils décelé une réelle anormalité en elle ? Elle en avait vraiment marre. « Si vous le voulez bien, j'aimerais commencer avec quelques questions. » Avait-elle le choix, d'abord ? « D'accord. » « Alors, hmm, premièrement : avez-vous des difficultés à garder des relations stables, que ce soit privé ou à l'école ? » Des relations stables ? Qui duraient ? Quel intérêt de garder des relations stables ? Des amis, oui elle en avait au lycée. Mais seulement au lycée. Elle s'arrangeait plutôt bien pour ne jamais les voir à l'extérieur. Parce qu'encore une fois, quel intérêt de les voir à l'extérieur ? Au lycée, elle restait près d'eux, ainsi de cette façon, elle se fondait plus facilement dans la masse. Parce qu'au moins, en se fondant dans la masse, on ne lui posait pas trop de questions, on ne lui demandait rien à son propos. Parce que parler d'elle, elle détestait ça. Et puis, se lier d'amitié avec les premiers de classe l'aidait à les déstabiliser, par tous les recours possibles, afin qu'elle garde sa place de leader, de première de classe.« Juste quand ça m'arrange. Les relations stables, ça ne sert à rien, de mon point de vue. Parce que tous vos proches disparaitront un jour de votre vie, alors il n'y a aucun intérêt de les garder près de soi longtemps. C'est stupide. » Wolfgang la dévisagea : la jeune fille avait un air serein sur le visage, et le fixait sans trahir aucune émotion. Il prit des notes sur son cahier de ce qu'elle venait de dire, puis continua : « Êtes-vous capable de mentir en me regardant dans les yeux ? » Théa entrecroisa ses doigts, puis réfléchit un instant ; qui ne mentait pas de nos jours ? Rien que durant cette soirée de juillet, où son père avait maladroitement oublié son téléphone portable sur la table du salon et que, prise d'un élan de curiosité inhabituel, sa mère avait décidé de vérifier ses messages, avant de découvrir que Soren avait une liaison cachée avec une femme du nom de Sherlyn et qu'ils avaient prévu un nouveau rendez-vous samedi soir à l'hôtel de la ville. Âgée de quatorze ans, Théa avait alors regardé sa mère fondre en larmes, assise sur le canapé, sans rien faire, sans rien dire. Sans rien ressentir. Et elle s'en était rendu compte, elle n'avait absolument aucune peine de savoir sa mère triste, se contentant d'observer ses ongles manucurés, se demandant quand elle allait enfin arrêter de verser de l'eau de ses yeux. Puis, son père était arrivé. Lena s'était alors dirigé vers lui, puis lui avait demandé nettement, sèchement, s'il la trompait.. Pris de court, Soren avait dans un premier temps éclaté de rire, puis avait répondu, en la regardant bien dans les yeux : « Mais ma chérie, qu'est ce que tu racontes ? Évidemment que non. » Il avait ensuite compris que sa femme avait lu les textos, et ils avaient divorcé deux mois plus tard. « Oui je pourrais mentir en vous regardant dans les yeux, mais ça, qui ne le fait pas ? »

Wolfgang consulta une nouvelle fois le dossier psychiatrique de Katniss, lisant rapidement les notes des autres psychatres qui l'avaient suivi : " se rapproche sensiblement de la sociopathie. " " a des tendances sociopathes. " ce qui confirma l'idée qu'il s'était fait de l'adolescente. Relevant la tête vers elle, il l'observa : elle semblait si normale, pourtant. Se râclant la gorge, le médecin continua : « Mademoiselle Müller... » « Mademoiselle Cador. J'ai pris le nom de famille de ma mère. « Excusez-moi. Donc, mademoiselle Cador, une question assez délicate. Prenez le temps pour y répondre... Avez-vous déjà eu des remords... de la honte ? Je vois dans votre dossier que vous êtes déjà passé devant la justice pour avoir violemment frappé une fille l'année dernière. Avez-vous culpabilisé par ce que vous avez fait ? » Au lycée, il y avait cette fille, Cassie, plus qu'énervante. Cette espèce de fille facile, qui glousse à tout va, qui critique tout le monde. Elle appréciait beaucoup Théa cependant, car elle la savait provenant d'une famille aisée. Jusqu'au jour où durant un examen, elle ne cessa d'importuner la blonde pour qu'elle lui souffle les réponses. Théa l'envoya balader une première fois, lui ordonnant de réfléchir par elle-même et qu'elle ne lui dirait rien. Mais Cassie insista et ce fut trop pour Kat' qui se leva brusquement de sa place, et se mit à l'agresser avec une grande violence, si bien qu'il fallut deux professeurs et le proviseur pour la retenir. Elle l'avait bien amoché, et bien sûr, les parents de Cassie portèrent plainte. Katniss passa au tribunal pour la seconde fois, après avoir été convié pour conduite sans permis, et heureusement, avec l'aide d'un excellent avocat, parvint à s'en tirer. « Des remords ? Aucun. C'était sa faute, elle l'a mérité. Et non, je n'ai pas honte, pourquoi j'aurais honte ? J'ai fais ce qu'il fallait faire. » Un silence s'ensuivit, avant que le psychiatre ajoute : « Mais vous saviez quelles seraient les conséquences de vos actes ? Vous savez que la violence est interdite, n'est ce pas ? » « Oui je le sais. Mais cela ne m'importe pas. » Oui, elle n'avait jamais eu de remords, ni de peine d'ailleurs. Comme par exemple, l'année dernière. Elle rentrait chez elle après une journée éreintante de cours, où encore une fois comme chaque jour, elle dut maquiller sa personnalité et jouer la carte de la pote sympa. Le 15 juin précisément. En arrivant à la maison, elle avait trouvé toute sa famille réunie au salon, pleurant et les mines emplies de chagrin. Sa tante, en larmes, était alors venue la prendre dans ses bras, puis lui avait expliqué : « Kat... ton grand-père est mort ce matin... Il a eu un infarctus. » Et elle avait essayé de ressentir cette douleur que l'on ressent à la perte d'un être cher, elle avait essayé de toutes ses forces à pleurer, mais rien. La vérité était que cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Alors, elle s'était assise à côté d'eux, puis tentant d'arborer une mine triste, elle avait réalisé qu'elle avait très envie d'un sandwich au poulet. Son papi venait de mourir et tout ce qu'elle désirait c'était un sandwich. kat' avait conscience que c'était loin d'être normal, mais c'était comme ça, elle n'y pouvait rien. « Je sais ce que vous pensez. Vous allez me dire que je suis une sociopathe, où quelque chose dans le genre, comme les autres psychiatres avant. Je le sais, je ne ressens rien, vous pourriez très bien crever là tout de suite devant moi que je m'en foutrais complètement. Mais j'en ai marre, moi aussi j'aimerai connaitre le bonheur, de savoir ce que c'est que d'être heureuse, même malheureuse. »

Une année plus tard, à l'âge de dix-sept ans, Katniss obtient son baccalauréat, suivie continuellement par son psychiatre qui a réussi à la faire progresser, psychologiquement parlant. Plus réceptive qu'auparavant, Théa arrive de mieux en mieux à comprendre les relations humaines, même si ce n'est pas encore le top. Accompagnée de sa mère qui la sur-protège, Kat' a dans un premier temps déménagée en Angleterre, loin de son père avec qui elle n'a plus vraiment de contact, et où elle a fait une licence de psychologie à l'University of London. Puis, elle fut acceptée à Harvard, son grand rêve, pour commencer ses études en droit et dut, une nouvelle fois, changer de pays pour les États-Unis, où elle est actuellement en première année.