DERRICK R. HAYNES ► Jared Padalecki

Il y a des gens qui ont la bonne étoile au dessus d'eux. Malheureusement pour moi. Je ne faisais pas partie de ces gens-là. Mes parents ne cherchaient même pas à avoir d'enfant lorsque ma mère est tombée enceinte. Ce mois-là, ils n'avaient tout simplement pas assez d'argent pour acheter de quoi se protéger. Vous avez donc tous compris, je suis ce qu'on appelle un accident. Ils ont malgré tout décidé de me garder. Croyez-moi, je me demande encore pourquoi. S'ils n'avaient pas les moyens d'acheter de simple protection, ils en avaient encore moi pour élever un enfant. Mon père était propriétaire d'un garage qui ne rapportait pas du tout alors que ma mère se contentait d'être serveuse dans un truck stop. Rien de bien glorieux. On vivait dans un petit appartement miteux dans un quartier des plus défavorisé. Faut dire qu'on allait avec le décor. À regarder mon père, on reconnaissait facilement un mécanicien. Il portait toujours des vêtements tâchés par la graisse. Je le vois encore avec ses salopettes pleines de trous et d'huile. Ma mère, elle, si elle n'avait pas l'uniforme du truck stop, elle portait les vieilles draperies que lui donnait sa mère. C'était pareil pour moi. Je portais les vieux vêtements des voisins plus vieux que moi. Souvent déchirés, tâchés. La famille pauvre typique.
Quand j'avais trois ans, j'ai eu droit à une petite soeur. Pour moi, c'était la plus belle chose que mes parents pourraient m'offrir. Enfin quelque chose de neuf. Par contre, je me suis tout de suite dit qu'elle était condamnée à la même vie de misère que le reste de la famille. Dommage pour elle. Je ne pouvais pas laisser ça arriver. Je me rappelle encore m'être privé de repas pour que ma petite soeur puisse manger à sa faim. En hiver, je lui prêtais mes couvertures pour ne pas qu'elle ait froid. À l'école, je m'occupais de ceux qui se moquaient d'elles. Il était hors de question que sa vie soit aussi misérable que la mienne l'était.
Dès que j'ai commencé l'école, je me suis promis de travailler dur pour obtenir une bourse et faire des études. Je n'avais pas du tout envie de terminer ma vie comme mes parents. Je les aime, bien sûr. Après tout, ils m'ont donné tout ce qu'ils pouvaient. Même si ce n'était pas grand chose. Je sais qu'ils se privaient également pour subvenir à nos besoins.
C'est lorsque je suis entré au lycée que les choses ont commencé à changer. Je devais avoir douze ou treize ans. Le garage de mon père recevait plus de clients. Bizarrement, les voitures ressortaient beaucoup trop rapidement après être entrées. Sur le coup, je ne me posais pas de questions. J'ai commencé à m'en poser quand il y avaient plus de nourriture sur la table, quand j'avais droit à des vêtements neufs comme le reste de ma famille. Soudainement, nous avions de l'argent. J'avais beau essayer de croire que le garage rapportait finalement de l'argent, je savais très bien que ce n'était pas le cas. Mon père n'avait jamais été un mécanicien très doué. Il avait essayé de m'enseigner ce qu'il savait et si vous voulez mon avis, il se mélangeait plus qu'autre chose. Après quelques mois, je me suis décidé à confronter mon père sur ce sujet. Je voulais savoir pourquoi nous avions de l'argent maintenant alors qu'on en avait jamais eu. Il a fini par être honnête avec moi. Il avait rencontré quelqu'un qui lui avait proposé de vendre de la drogue. C'était facile avec son garage. Les gens rentraient avec leur voiture dans le bâtiment, il cachait cela sous les banquettes ou dans des coins secrets avant de ressortir. Tout ça passait incognito. Je ne pouvais pas croire qu'il faisait cela. Il me jura que c'était pour la famille qu'il faisait ça, pour nous assurer une qualité de vie que nous n'avions jamais eu auparavant. Je sais qu'il voulait bien faire mais je n'arrivais pas à croire qu'il soit rendu aussi bas. Il me fit promettre de ne rien dire à ma mère, ni à ma soeur. Je sais à quel point elles aimaient mon père. Je ne voulais pas qu'elles soient déçues tout comme je l'ai été. En échange, il m'acheta mon tout premier ordinateur portable. J'ai accepté de ne rien dire en me répétant chaque jour que j'allais quitter ce nid familial dès que j'en aurais l'occasion. Je me suis donc concentré davantage sur mes études et j'ai fini par obtenir une bourse qui m'a permis d'intégrer Harvard. Mon père m'avait proposé de me payer mes études. Mais je refusais qu'il me paye mes études alors que j'avais travaillé si fort avec de l'argent qui venait de la vente de drogue.
Je quitta Denver et ma petite soeur pour Cambridge. J'intégra l'université en Ingénierie (M) et en informatique (m). D'ailleurs, j'ai trouvé un emploi rapidement dans une boutique informatique du CambridgeSide. Je vis dans un petit logement, mieux que celui que j'avais avec ma famille mais qui pourrait quand même être un peu plus luxueux. Depuis mon arrivée à l'université, je mène une vie plutôt normale. Le jeune étudiant qui travaille fort, qui participe à des fêtes, sort en boîte de temps en temps tout comme il va au cinéma. Ce qui m'a marqué le plus depuis mon arrivée ici est ce qui s'est passé lors de l'attentat à la bombe ainsi que les prises d'otage. Et, ce qui me rend le plus heureux ici, c'est que ma soeur m'a rejoint à l'université. Elle a une chance de s'en sortir, elle aussi.
Durant les vacances d'été, j'ai appris que mon père s'était fait coincé. Il s'est fait arrêté pour traffick de drogue et attend son procès d'ici le temps des fêtes. Heureusement que ma soeur et moi, nous sommes partis avant. J'espère seulement que ça ira pour ma mère. Ma soeur et elle ne savaient rien de toute cette histoire. Ça a dû être un gros choc pour elles. Selon moi, il n'a que ce qu'il mérite.