MATYS S-K. CAMERON ► Levi Miller

Quand je pense à mes parents, je me rends compte que je commence à oublier. J'oublie l'odeur du parfum de maman et la sensation de légèreté que j'éprouvais lorsque papa me hissait au dessus de lui pour me faire faire l'avion. A ce moment là, je pensais qu'ils seraient toujours là. Enfin, je n'imaginais pas grandir sans eux. Nous étions une famille après tout, une famille soudée et ils n'avaient que moi. Je n'avais qu'eux. On avait pas beaucoup d'argent, nous étions une famille normale, papa travaillait comme pompier et je ne compte plus les fois où il m'a emmené faire un tour dans son camion. J'adorais lorsqu'il me laissait actionner la sirène et ses collègues de travail étaient toujours contents de me voir dans les parages. Ses collègues, c'était un peu comme sa seconde famille. Et immanquablement, ils sont devenus un peu la mienne également. Maman, elle était institutrice maternelle et lorsque j'étais plus petit, elle n'avait de cesse de développer ma créativité en me faisant faire tout un tas de bricolages, que ce soit après l'école, ou pendant les vacances. Elle n'aimait pas trop que je reste installé dans le canapé devant la télévision, même si ça l'amusait toujours de me voir imiter mes personnages préférés et faire des petits spectacles mettant en scène ce que j'avais vu. Ou bien pour reproduire un moment précis de ma journée d'école. J'aimais surtout imiter mes institutrices et je devais sans doute bien m'y prendre, puisque c'est à cette période là que maman s'est débrouillée pour me trouver des cours de théâtre. Et pour moi, ce fut une véritable révélation. J'ai adoré ça dès le premier cours, mais à coté de cela, pour que je teste d'autres choses, maman m'avait également inscrit au football, au base-ball, au basket, et à des cours de dessins. Une activité pour chaque jour de la semaine, en dehors du week-end. Ca me permettait d'évacuer toute mon énergie et ne pas m'abrutir devant les dessins animés. J'y avais droit, mais à petite dose. Pour elle, hors de question que je regarde un Disney en entier, c'était bien trop long. Je n'ai jamais eu de frère et soeur, mais à vrai dire, ça ne m'a jamais vraiment manqué. Je n'ai d'ailleurs jamais songé à leur en demander. J'ai toujours été très proche de mes parents qui me voyaient comme un enfant sociable, adorable, débrouillard et quelque peu casse-cou avec un petit coté aventureux. Je ne sais pas si c'est le fait que mes parents m'aient inscrit à diverses activités qui m'ont donné ce petit coté curieux, mais j'ai toujours eu envie d'essayer un peu de tout. La musique, la cuisine, le chant, et tellement d'autres choses. J'avais une envie d'apprendre constante et un intérêt pour tout ce qui m'entourait. Et ce trait de personnalité ne m'a pas vraiment quitté.

Je me souviens de l'accident qui a coûté la vie à mes parents. Je n'ai pas vraiment compris ce qui s'était passé, je crois que papa est rentré en collision avec un camion. Le choc a été tellement fort que je me suis réveillé, alerté par le son retentissant des klaxons que j'avais entendu et qui avait fait s'estomper le rêve que j'étais en train de faire à ce moment là. J'ai entendu maman crier, et puis, ce fut l'accident. Le calme était rapidement revenu, si ce n'est que le son de ma voix s'était fait entendre. " Maman?" Pas de réponse. J'essayais alors coté conducteur en tournant mon regard dans cette direction. « Papa? » Papa avait la tête contre le volant, et n'a pas bougé d'un pouce quand je l'ai appelé. Il saignait beaucoup, et tout le pare brise de la voiture n'était plus qu'un tas de débris. Maman aussi semblait au plus mal. De mon coté, à part que j'avais été quelque peu secoué, j'allais parfaitement bien. Je me disais que papa et maman devaient avoir besoin d'aide, et dès lors, je suis sorti de la voiture, enfin du moins j'ai essayé... J'ai juste eu à ouvrir la portière qu'un adulte est venu à ma hauteur. Il semblait particulièrement anxieux et je l'ai ressenti au son de sa voix alors qu'il s'adressait à moi. « Ca va bonhomme? Tu n'as rien? » Alors qu'il m'interrogeait, je pense qu'il a du m'observer sous toutes les coutures avant de me libérer de ma ceinture de sécurité pour ensuite me prendre dans ses bras. Il m'a expliqué être le conducteur du camion, ma demandé mon prénom et a discuté un peu avec moi en attendant que les secours arrivent. J'ai vu ses yeux remplis de larmes et je sais que cet accident l'a touché autant que moi. Il m'a gardé dans ses bras et s'est éloigné un peu avec moi le temps que les urgentistes sortent mes parents de la voiture pour les installer sur un brancard. Je les ais vus se pencher vers eux et leur prendre le poignet, j'ai vu que l'on recouvrait maman d'un grand drap blanc alors que d'autres urgentistes faisaient entrer le brancard de papa dans l'ambulance. Je me suis demandé où ils l'emmenaient et j'ai fondu en larmes, litéralement. C'est là qu'un urgentiste est venu vers nous. Il a parlé un moment avec le conducteur du camion et a appelé lui-même la police afin qu'elle vienne faire un constat. Il m'a demabdé quel age j'avais, comment je m'appelais, et d'autres petites questions auxquelles je n'ai pas vraiment eu difficile de répondre, avant de me prendre avec lui. J'ai pu aller dans l'ambulance ce jour là, et ça m'a redonné un peu le sourire, même si je restais très inquiet pour papa et maman.

Un peu plus tard dans la journée, alors que j'étais toujours à l'hopital, une dame que je n'avais encore jamais vue est venue et a parlé un peu avec moi. Elle m'a appris que mes parents étaient partis au ciel, d'abord maman, ensuite papa qui était décédé dans l'ambulance qui le menait à l'hopital, avant de m'apprendre que j'allais devoir partir avec elle pour aller dans un endroit où il y a plein d'enfants comme moi qui n'ont plus de parents. Elle m'a assuré que dans ce genre d'endroit, chaque enfant trouve un jour ou l'autre, des parents pour s'occuper d'eux. Et que mon tour viendrait également. C'est comme ça que je me suis retrouvé à l'orphelinat. Et comme elle me l'avait dit, il y avait effectivement, beaucoup d'enfants autour de moi. Nous étions au mois de mai, et puisqu'il faisait chaud, nous passions essentiellement notre temps à l'extérieur de l'orphelinat, dans le grand jardin. Là, on pouvait courir et jouer tout à notre guise, sous les yeux bienveillants du personnel chargé de s'occuper de nous. Non, je ne vous ferais pas la caricature des orphelinats que l'on voit bien souvent à la télévision. Ici, c'était agréable à vivre. J'ai mis le temps cependant à trouver mes marques, moi qui ai grandi en solitaire avec mes parents, je me retrouvais tout d'un coup entouré d'un tas d'enfants et de personnes que je ne connaissais pas. Je devais aussi accepter le fait que je ne verrais plus mes parents et qu'ils ne viendraient pas me chercher. C'était beaucoup à encaisser pour le petit garçon de six ans que j'étais. Mais j'ai fini par plus ou moins m'y faire. Ici, les enfants étaient tous comme moi. Ils savaient ce que je traversais. Et j'ai pu donc me faire rapidement quelques amis.

Quelques jours après mon entrée à l'orphelinat, j'ai fais la connaissance d'Elia. Elle venait souvent me voir pour passer un petit moment avec moi, pour me parler, pour savoir comment j'allais. Avec elle, je parlais de tout, de mes parents, de mes amis que je m'étais fait ici, de ce que j'aimais manger, de ce que j'aimais faire. Et elle aussi me parlait un peu d'elle en retour. J'aimais beaucoup ses visites, et si au départ je me montrais quelque peu réservé avec elle, très vite, le courant a fini par bien passer avec elle. Par la suite, c'est à elle que j'offrais les dessins que je faisais et lorsqu'elle venait me voir, je ne pouvais m'empêcher de courir vers elle pour lui faire un câlin, trop content de la retrouver. Parfois, elle venait me voir avec des cadeaux : un jouet, un vêtement, une peluche... Ou des oréos. On en recevait pas souvent à l'orphelinat et depuis que je lui avais dit que j'adorais ça, elle m'en apportait régulièrement. Je me suis vite habitué à ses visites, sans vraiment en chercher à en comprendre le sens. Et puis un jour, on m'a apprit que je pouvais partir avec Elia, que c'était elle qui allait s'occuper de moi à présent, qu'elle avait signé les papiers pour m'adopter et que j'allais vivre chez elle. Ce jour là, elle était venue me chercher avec un dernier cadeau: une petite veste en Jean que j'avais enfilé presque aussitôt alors qu'elle s'occupait de porter ma valise remplie essentiellement des cadeaux qu'elle m'avait offert pendant mon séjour à l'orphelinat. Une nouvelle vie commençait.

J'ai vite fait la connaissance avec ma nouvelle famille. Il y avait Sacha, le frère jumeau d'Elia, Andy qui avait été choisi pour être mon parrain, Apple elle, était ma marraine et puis il y avait June et Priape qu'Elia m'a présenté comme étant ses deux meilleurs amis. Sans oublier Théo, que je n'ai vu qu'une seule fois avant que ma maman adoptive me le présente comme étant son petit ami. Quand à maman, j'ai eu bien du mal à l'appeler maman pour de bon. Elle était gentille avec moi, adorable, c'est certain, mais voilà, je n'osais tout simplement pas. J'avais eu une maman de par le passé, est ce que j'avais le droit d'en avoir une seconde? C'était confu pour moi. Mon entourage m'a souvent encouragé à passer le pas, en me disant que ca ferait très certainement plaisir à Elia, mais voilà, lorsque je m'adressais à elle, ce mot avait du mal à franchir mes lèvres, si bien qu'à un moment donné, pour ne plus devoir l'appeler Elia sans pour autant utiliser le mot maman, je me contentais de lui parler sans utiliser de terme pour la qualifier. Ce n'est que bien plus tard que ce mot est sorti tout naturellement. Elia m'avait emmenée jouer au parc et j'avais passé un bon moment à m'amuser sur les toboggans et sur les balançoires. De temps à autres, je la cherchais du regard pour me voir offrir un sourire que je lui rendais à chaque fois avant de reprendre mes jeux. Et puis, je m'étais fait une amie ce jour là et on avait joué un bon moment ensemble. J'avais d'ailleurs un peu oublié maman sur le coup, trop occupé à mes jeux avec cette petite fille qui devait avoir mon age. S'amuser à deux, c'est tout de même mieux que tout seul et j'en avais bien profité. Je ne saurais dire combien de temps j'ai joué avec elle avant de repenser à Elia. Bien sûr, j'avais beaucoup bougé entre temps, même si je ne m'en étais pas vraiment rendu compte, et en regardant autour de moi, je n'avais pas repéré Elia. Le sourire que je lui destinais avait alors disparu instantanément et je fondais en larmes, à la plus grande surprise de ma camarade de jeux qui se demandait ce qui se passait. Je n'avais plus vraiment envie de jouer sur ce coup là, et j'avais bien du mal à arrêter les larmes qui roulaient toute seule sur mes joues. Un sentiment de panique m'envahissait, et c'est là que le mot "maman" était sorti tout seul, faiblement, puis un peu plus distinctement. Secoué par les sanglots, je ne cessais de l'appeler, et c'est là que j'avais fini par la retrouver. Je n'avais pas bougé d'un pouce, mais elle était accourue vers moi pour me prendre dns ses bras et me consoler alors que je me blotissais tout contre elle. J'avais eu la peur de ma vie ce jour là et je crois que jamais de ma vie je ne l'ai serré si fort. Entre nous, c'était vite devenu très fusionnel. Ma plus grande peur était de la perdre et j'espérais ne jamais devoir subir cette expérience.

J'ai seulement dû apprendre à la partager avec Théo, mais j'aimais bien les moments que je pouvais passer avec lui. C'était pas mal d'avoir un autre homme dans ma vie qui ne faisait pas partie de ma famille. Il l'avait demandé en mariage le deux avril 2014, mais malheureusement, peu de temps après sa demande, il a eu un accident et a perdu la mémoire sur ses six derniers mois. Il ne se souvenait donc plus du tout d'Elia ni de son histoire avec elle. Le 16 septembre cependant, Elia et lui se sont mariés, mais leur couple n'a pas tenu longtemps. Pour tout dire, ils s'étaient surtout mariés pour faire plaisir à la mère de Théo qui était sur son lit de mort à l'époque. A la fin octobre, ils n'étaient déjà plus ensemble, et alors que maman avait accepté de quitter Cambridge pour une tournée de danse, je me retrouvais chez Sacha, chargé de s'occuper de moi pendant son absence. Je n'ai plus revu Théo après sa séparation avec maman. En revanche, j'ai adoré ces quelques moments que j'ai pu passer chez Sacha. Maman revenait parfois à la maison pour qu'on puisse passer un peu de temps ensemble pendant sa tournée, et quand c'était impossible de se voir, elle nous appelait sur le portable de Sacha. Lors de sa tournée, à chacun de ses retours à la maison, elle me ramenait des petits souvenirs des villes dans lesquelles elle avait pu aller. De cette façon, c'est comme si j'avais voyagé un peu avec elle. J'ai toujours tout gardé bien précieusement, même à présent qu'elle est de retour auprès de moi. C'est vers la moitié du mois de février 2015 qu'elle a pu revenir officiellement à la maison, et j'ai toujours été très fier d'elle et du fait qu'elle ai pu réaliser un de ses rêves. Ca me donne envie de croire aux miens et de me dire que tout peut arriver si on s'en donne les moyens.

En mars de la même année, maman et Théo se sont remis ensembles, pour mon plus grand bonheur et depuis le 16 juillet, ils se sont mariés officiellement. Théo a aussi signé les papiers pour m'adopter et est dès lors devenu mon papa à plein temps. Prochainement, je vais devenir grand frère et j'en suis absolument ravi. Vous l'aurez compris, tout va pour le mieux en ce moment pour moi. La vie n'a pas toujours été simple, mais grâce à Elia, Théo et mon entourage , je suis redevenu ce petit garçon plein de vie qui profite pleinement de chaque moment. Je suis donc un petit garçon de neuf ans comme les autres... Enfin, j'aurais bientôt dix ans. Plus que cinq jours...